[SAGA MÉCÉNAT] LES GRANDES FONDATIONS CULTURELLES : Hermès au carré
Découvrez tout au long de l'été la saga du mécénat culturel sur carenews.com. Bernard Hasquenoph, fondateur de Louvre pour tous, décrypte pour nous l'histoire des plus grandes fondations d'entreprises françaises. Le deuxième épisode est consacré à la Fondation d'entreprise Hermès.
Elle cultive une certaine discrétion. À l'image de sa marque mère Hermès, l’une des dernières grandes maisons de luxe aux mains de la même famille depuis sa naissance en 1837. A l'origine fabricante de selles de cheval, l’entreprise de maroquinerie s’est diversifiée jusqu'à la parfumerie. Un exploit d’indépendance et une réussite qui aiguise les appétits. L’ogre LVMH a bien tenté de la dévorer, avant d’y renoncer, contré par l'Autorité des marchés financiers. Pas de projet tapageur donc, ni de bâtiment spectaculaire pour la Fondation d’entreprise Hermès mais une présence diffuse à travers le monde. C’est Pierre-Alexis Dumas, héritier de la lignée et directeur artistique de la maison, qui la fonda en 2008. Une structure récente, prolongement de ses actions de mécénat, axée sur le soutien à la création – de l'art contemporain à la scène - et la valorisation de l'artisanat. « Une entreprise qui ne gagne que de l’argent est bien pauvre si elle ne sait pas s’enrichir parallèlement sur le plan humain et culturel », déclare P.-A. Dumas. Un positionnement comme il faut, en adéquation avec la tradition « humaniste » de la maison. Ses valeurs : partage, sincérité, durabilité… Le discours aussi est lisse et parfait. Et humble. « Nous ne sommes pas une fondation qui agit comme un outil de communication pour la maison Hermès », assène sa directrice Catherine Tsékénis, « Hermès n'a pas besoin d'une fondation pour cela. » Nous voilà prévenus. Dès 2000, Hermès ouvrait un espace d’art à l’arrière de sa boutique bruxelloise qu’il faut traverser pour y accéder, baptisé La Verrière. Elle y produit de nombreuses expositions sans lien avec la marque qui, elle, collabore avec des artistes, pour le dessin de son célèbre carré de soie ou pour des manifestations hybrides comme « Dans l’oeil du flâneur » présentée l’année dernière sur les Berges de Seine. Suivront cinq autres lieux à Tokyo, New York, Singapour, Séoul et Berne, jamais loin de ses boutiques mais tout aussi accessibles gratuitement. En 2014, la Fondation pousse plus loin l’idée d'un mécénat « le plus vertueux possible », en participant directement à la conception d’une exposition au Centre Pompidou-Metz (Formes Simples). « C'est une forme de mécénat que j'espère différente, à la fois désintéressée et impliquée », se justifiait P.A. Dumas face au soupçon d’ingérence de la marque, tandis que le directeur de l’institution s'agaçait : « Nous n'allons pas exposer des objets fabriqués par la Maison Hermès. » Parallèlement, ses manufactures accueillent des artistes en résidence, les initiant à ses savoir-faire - leur production fut exposée au Palais de Tokyo -, et le Prix Emile Hermès aide la carrière de jeunes designers. Enfin, la Fondation milite pour l'accès à l'éducation et la défense de l'environnement. Une cause entachée en 2015 par une accusation de maltraitance envers les crocodiles élevés pour la production de ses sacs. Affaire close, Hermès réaffirmant « son total engagement dans le traitement éthique » de ces bêtes sacrifiées sur l'autel du luxe. Bernard Hasquenoph, fondateur de Louvre pour tous Sources : Rapport d’activité de la Fondation d’entreprise Hermès 2008-2013 ; Billionaire.com, 10 décembre 2014 ; dossier de presse de l’exposition « Formes simples » au Centre Pompidou-Metz, 2014 ; AFP, 2 octobre 2013 & 11 septembre 2015.