[ON Y ÉTAIT][BILAN DU FNAF] Jeff Archambault : philanthropie et RSE
Plus de 4700 personnes et de nombreux intervenants (parmi lesquels 300 experts) ont participé à la 12e édition du Forum National des Associations et des Fondations qui s’est tenue le 18 octobre dernier au Palais des Congrès à Paris. La journée s’est axée, pour Carenews, sur trois entretiens OFF, qui ont eu pour particularité de permettre aux invité-e-s de discuter sans voilage de leur conception forte de la RSE. Le deuxième à s'être prêté au jeu a été Jeff Archambault de chez Disney, pratiquant la RSE à l'anglo-saxone en France, et tout en connaissant les règles françaises. Il a explicité la vision de la RSE en l'absence d'une fondation d'entreprise. Les lignes sont en train de changer, en France, concernant la RSE et le mécénat. L'occasion en effet de s'inspirer du modèle anglo-saxon.Carenews vous livre l'essentiel de cet entretien.
La RSE sans frontières
L'engagement des salariés et les œuvres caritatives pour les enfants sont présentes chez Disney, mais sans passer par la structure d’une fondation. « Les fondations existent aux États-Unis, souvent ce sont de grands créateurs d'entreprise qui ont mis leur fortune dans leur fondation personnelle gérée professionnellement, mais rares sont les entreprises qui une fondation. » Effectivement, il existe la Bill Gates foundation, pas la Microsoft foundation. « En France, j'ai passé du temps à définir la différence entre la RSE, uniquement conçue pour les entreprises, et le mécénat qui est le domaine des fondations. Selon moi, on a aucune difficulté à dire que oui, on peut faire de la philanthropie et du volontariat directement avec l'entreprise. Nous ne mettons aucun mur et cela ne nous gêne pas, au contraire », témoigne Jeff Archambault. Dans la conception anglo-saxone, RSE et mécénat sont complètement confondus et se diluent dans des thèmes variés et diffus tels que la diversité, l'éthique ou encore l'environnement.
Avouer que l'entreprise recherche aussi son propre intérêt permet de donner du sens à l'engagement
Les parties prenantes en France se demandent souvent, dans un certain cynisme, « pourquoi les entreprises s'engagent, si ce n'est pour améliorer leur image ou vendre plus ? » Dans la conception anglo-saxone, point de cynisme. Le désir d'agir aussi dans son intérêt est assumé. Jeff Archambault parle de « shared value »*. « Dans cette philosophie, l'engagement est plus crédible et les parties prenantes comprennent mieux que l'entreprise s'engage quand il y a une raison économique à cet engagement ! » Il y aurait davantage de sens pour les employés, selon Jeff Archambault, que dans le cas d'une fondation qui donne de l'argent qu'ils ne verront pas passer.
La défiscalisation, seul intérêt à créer une fondation en France ?
L'intérêt général, en France, est très lié à la notion juridique de défiscalisation. « Chez Disney, la défiscalisation n'est pas une raison suffisamment incitative pour justifier la création d’une fondation. Notre stratégie mondiale est de effectuer nos actions et nos dons philanthropiques directement par l’entreprise sans passer par une fondation », déclare Jeff Archambault. Le programme de volontariat mondial est un bon exemple : il aura 35 ans en 2018, ne passe pas pour une fondation mais les heures de travail comme les dons financiers bénéficient tout de même d'une défiscalisation mais elle n'est pas décisive dans la volonté de s’engager.
Essai de définition de la Disney's RSE : profiter de l'impact à échelle mondiale pour faire passer les bons messages
Lorsqu'un spectacle, un film ou un dessin animé est affublé de la marque Disney, le produit sera age appropriate. Le tampon Disney donne confiance, Disney en est conscient. « Donc, le produit devra comporter de belles valeurs », en conclut très justement Jeff Archambault. C'est qu'on appelle « Be inspired », chez Disney : cette capacité à agir sur les mentalités car la marque Disney « inspire » les gens.
« On tente, en ce moment, d'améliorer le rôle des princesses. De faire en sorte que l'image des femmes mais aussi celles des 'minorités' (conception américaine ici aussi) s'améliore car on se rend compte de la puissance d'impact qu'on a chez les jeunes ». Effectivement, Raiponce est plus futée et active que Cendrillon ou Blanche-neige, Mulan part à la guerre, mais il reste encore du chemin à parcourir sur des clichés qui ont la peau dure. « Il y a des contre-exemples mais on essaie d'évoluer dans le bon sens et de faire passer des messages respectueux », assure Jeff Archambault.
Cet engagement va même dans la branche agroalimentaire : « lorsqu'on distribue une licence Disney pour qu'un personnage Disney apparaisse sur une boite de céréales, par exemple, on voudrait limiter l’apport en sucres ». N'est-ce pas une pratique de la RSE laborieuse ? Jeff Archambault acquiesce : « ça prend du temps et de l'argent, c'est difficile et on va perdre un peu, mais c'est sur le long terme, et on affirme qu'on espère que cette activité sera rentable à l'avenir. Malgré ce souhait de retour sur investissement, ça reste un engagement très fort. »
D'autre part, Disney a des engagements plus classiques : au niveau environnemental, de la santé et de l'éducation. « On encourage les sorties en pleine nature pour les enfants, on nettoie les plages, on donne au Disney conservation found qui soutient des ONG qui aident à la préservation de la faune dans son habitat naturel. » Il existe également du volontariat autour des enfants gravement malades : des visites dans hôpitaux sont organisées, et du soutien est apporté aux associations qui aident les parents. Enfin, Disney a à cœur de « stimuler la créativité chez les jeunes car on formate de plus en plus les jeunes à répondre à des cases : on s'est engagé en France auprès d'Entreprendre pour apprendre », Jeff Archambault précise qu’il s’agit de mécénat de compétences.
Un engagement qui doit résonner en interne
Jeff Archambault est formel : « je suis convaincu qu'il est très important qu'un vrai programme d'engagement résonne en interne ». Il est allé dans chacune des grandes réunions des différentes branches des salarié-e-s et il a présenté l’engagement de l’entreprise. « Est-ce que c’est un levier de recrutement ? Ça je ne sais pas, mais que ce soit un moyen de fierté, d’engagement et de sens, pour les employés en interne, ça je n'en ai aucun doute. L'engagement que prend l'entreprise commence en interne, en mobilisant les salariés, pour qu'il y ait du sens aussi bien pour eux que pour l'extérieur de l'entreprise. »
*Shared value : en faisant du bien à la société large, l'entreprise peut se faire du bien à elle-même sans pour autant que ce soit du green-washing. Dans le modèle anglo-saxon, en tout cas celui qui est pratiqué par Disney, on peut faire du bien à l'entreprise comme à la société.