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Par Carenews PRO - Publié le 20 avril 2020 - 12:00 - Mise à jour le 20 avril 2020 - 12:00
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La philanthropie en Indonésie : zakat, Objectifs de développement durable et impact investing

Plus grand pays musulman au monde, patrie la plus généreuse, premier marché de l’impact investing d’Asie du Sud-Est... L’Indonésie ne craint pas les superlatifs. Dans cette nouvelle chronique Hors-Frontières, William Renaut vous emmène à la découverte de l’archipel où la zakat (l’aumône) est reine.

L'Indonésie, pays le plus généreux au monde d'après le World Giving Index est aussi le plus grand pays musulman au monde. Crédit photo : Riza Azhari.
L'Indonésie, pays le plus généreux au monde d'après le World Giving Index est aussi le plus grand pays musulman au monde. Crédit photo : Riza Azhari.

Quatrième pays le plus peuplé du monde, l’Indonésie reste relativement peu connu du public français. L’archipel est pourtant un acteur économique de taille. Son PIB se classe au 10ème rang mondial en parité de pouvoir d’achat et le pays est partie prenante du G20. Cette richesse reste cependant mal répartie puisqu’en 2017, la Banque mondiale estimait à 10 % la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté, soit plus de 25 millions de personnes.

Une philanthropie historiquement religieuse

La pratique philanthropique en Indonésie est très fortement liée à la religion et la liberté de culte est d’ailleurs inscrite dans la constitution. Il n’en demeure pas moins que 87 % de la population se déclare musulmane, Protestants (7 %) et Catholiques (3 %) formant les deux autres principaux groupes principaux. Hindouisme, bouddhisme et confucianisme sont les trois autres religions reconnues par l’État dans un pays où seule 0,4% de la population se déclare areligieuse.

La plupart de ces religions préconisent l’une ou l’autre forme de don : la zakat (l’aumône), est le troisième pilier de l’islam, la charité est l’une des trois vertues théologales… Dans ce cadre, on comprend mieux les racines de la générosité indonésienne. Néanmoins, ce terreau généreux a longtemps été bridé par des régimes autoritaires qui laissaient très peu d’espace d’expression à la société civile.

Un contexte légal peu encourageant

L’étude de l’association Philanthropy for Social Justice and Peace relève d’ailleurs que le pays est à la fois à la première place du World Giving Index 2018 (qui se base sur un sondage) et à la dernière place du classement du Centre for Asian Philanthropy lequel s’intéresse principalement à l’environnement légal/fiscal de la philanthropie. Ainsi, 78% des Indonésiens déclaraient avoir donné de l’argent au cours de l’année écoulée (46% avait aidé un étranger, 53% donné de leur temps), des chiffres constants sur les dernières années.

Mais du point de vue légal, l’Indonésie n’offre aucune disposition de déduction d’impôt pour les individus. Les entreprises, en revanche, peuvent déduire de leur revenu imposable 100 % des dons qu’elles réalisent.

Des entreprises en première ligne

Depuis 2012, les entreprises cotées en Bourse dans le pays doivent mettre en place un programme RSE, sans que la loi ne spécifie un montant particulier. Les entreprise ayant créé une fondation sont principalement la propriété de familles et actives dans l’extraction minière ainsi que dans l’exploitation agricole et forestière (huile de palme, pâte à papier…).

Autre type d’entreprise particulièrement active dans le domaine de la philanthropie : les médias ! Ces derniers sont en effet souvent collecteurs, notamment dans des situations d’urgence. Le tsunami de 2004, qui a tué plus de 200 000 personnes et dévasté des pans entiers de la côte, a agi comme un révélateur. Il a ainsi mobilisé 150 médias collecteurs,  deux d’entre eux ayant réuni à eux seuls 2,34 millions de dollars !

La zakat et les Objectifs de développement durable

Quand l’on sait que la religion est le principal moteur de la générosité locale et que l’Indonésie est le plus grand pays musulman du monde, il paraît évident que l’Islam est l’un des principaux vecteur de dons. Et les outils à disposition sont nombreux : la zakat, pilier de cette religion mais aussi l’infaq, la sadaqa (qui en sont peu ou prou des variantes). Il existe aussi le waqf, c’est à dire la mise en dotation inaliénable de biens (une forme de fondation).

Sur cette base traditionnelle, l’État indonésien a mis en place un réseau chargé de la collecte et de l’allocation des dons et libéralités des fidèles : Baznas, qui compte 549 délégations locales. D’autres organisations de ce type mais indépendantes existent aussi. Comme Baznas, elles financent principalement la lutte contre la pauvreté, l’éducation et répondent aux situations d’urgence.

À noter que plusieurs efforts de modernisation ont été entrepris et en 2018, trois des principales organisations du secteur (dont Baznas et Filantropi Indonesia) lançaient sous le patronage du gouvernement le manuel Fiqh for Zakat on SDGs, destiné à former les gestionnaires de zakat aux Objectifs de développement durable (ODD). 

Social business et impact investing : l’Indonésie leader 

Il existe en Indonésie 340 000 entreprises sociales qui représentent près de 2 % du PIB. Et les investisseurs sont là ! L’organisation de référence, le GIIN, évaluait à 150 millions de dollars (53 % en capital) les investissements à impact réalisés par des entreprises et 3,6 milliards ceux réalisés par des institutions internationales (92 % via des prêts). Ces chiffres font de l’Indonésie le premier marché d’impact investing d’Asie du Sud-Est. Le paysage reste néanmoins contrasté avec beaucoup de TPE (avec un revenu moyen annuel de 57 000 dollars) et la moitié d’entre elle n’a pas d’existence légale formelle (il n’existe d’ailleurs pas de statut spécifique pour les social business).

Entre terreau culturel et religieux fertile et mobilisation d’ampleur face aux catastrophes, l’Indonésie développe une pratique philanthropique bien à elle. Si l’environnement légal et fiscal reste perfectible, de nombreuses initiatives participent, peu à peu, à la structuration d’un écosystème unique et passionnant.

William Renaut 

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