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Par Carenews INFO - Publié le 12 décembre 2019 - 10:29 - Mise à jour le 13 septembre 2021 - 10:09 - Ecrit par : Hélène Fargues
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[Reportage] Rejoué, la fabrique des pères Noël écolos et solidaires

Alors que la période des fêtes de fin d’année approche, pourquoi ne pas privilégier l’achat de jouets de seconde main ? Pour mieux comprendre le travail de l’association Rejoué, engagée dans la collecte, la valorisation et le réemploi des jouets grâce à des salariés en insertion, nous avons visité son entrepôt de Vitry-sur-Seine.

Des rayonnages de jeux revalorisés par l'association d'insertion Rejoué. Crédit photo : Hélène Fargues.
Des rayonnages de jeux revalorisés par l'association d'insertion Rejoué. Crédit photo : Hélène Fargues.

Plus de 100 000 tonnes de jouets sont jetées chaque année en France, tandis qu’un gisement de 500 000 tonnes dormirait dans nos placards. Un jouet n’est utilisé que huit mois en moyenne, car les effets de modes sont importants et parce que la plupart des jeux sont destinés aux enfants de 0 à 3 ans. Face à ce constat est née en 2012 Rejoué, association qui vise à donner une seconde vie aux jouets. Une visite de son entrepôt à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) permet de se rendre compte de l’ampleur du gaspillage. Au sous-sol, des montagnes de cartons remplis de poupées, jeux de société, peluches, livres, jeux de construction sont stockées, en attendant d’être triées et valorisées. « Nous effectuons un travail de qualité pour rendre les jouets propres et beaux, tout en s’assurant qu’ils respectent bien les normes de sécurité », raconte Claire Tournefier.

Emma, salariée en insertion de Rejoué, nettoie des jouets destinés au marché de l'occasion.

65 tonnes de jouets collectées

En 2018, Rejoué en a collecté 65 tonnes. L’association commence à être dépassée par son succès : des particuliers, mais aussi de plus en plus d’entreprises lui demandent d’organiser des collectes. L’association va d’ailleurs offrir 4 000 jouets à Noël grâce à des entreprises mécènes. Claire Tournefier nous emmène alors dans la salle de tri, où les jouets passent un premier contrôle : celui de la vérification du marquage CE. Aucune entorse à la sécurité n’est faite : un lapin en peluche avec une couture défaite finira à la benne : « Nous ne disposons pas des machines à coudre adéquates. Et nous ne voulons pas commercialiser une peluche avec un trou… l’enfant pourrait y mettre son doigt et ingérer l’intérieur », explique Claire Tournefier. Dans la benne à ordures, on trouve aussi des jouets avec des batteries intégrées : « Ces jouets multi-matériaux ne sont pas démontables, donc pas recyclables. C’est une aberration », déplore-t-elle.

Les jouets fonctionnels et en bon état passent ensuite par des étapes de nettoyage. Une douche à haute pression permet de nettoyer trottinettes et tabourets pour enfant. Dans une autre salle, des salariés s’activent autour de bacs pour shampouiner les cheveux des poupées et des lave-vaisselles permettent notamment de débarrasser Lego et autres Playmobil de leurs impuretés. « Nos produits sont écologiques. Nous en fabriquons la plupart nous-mêmes », se réjouit la fondatrice. La recette magique ? Bicarbonate de soude, vinaigre et eau. 

45 salariés en insertion

Rejoué fonctionne avec 45 salariés en insertion, dont 64 % de femmes. Il sont, entre autres, formés au nettoyage écologique, à la préparation des commandes ou encore à la gestion des stocks. Emma, 40 ans, est arrivée de Côte d’Ivoire en avril 2018. Institutrice dans son pays d’origine, elle ne trouvait pas de travail en France, jusqu’à ce que sa référente emploi PLIE (Plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi) lui conseille de s’adresser à Rejoué. « Ici, l’intérêt c’est qu’on est polyvalents et on nous aide vraiment à trouver un emploi stable en fonction de notre projet professionnel. En tant qu’institutrice, travailler avec des jouets, ça me parle », raconte-t-elle. Avec les différents stages qu’elle effectue en dehors de ses 26 heures chez Rejoué, elle espère décrocher un poste d’agent d’accueil en centre social. Chez Rejoué, on rencontre aussi des passionnés. C’est le cas de Serge, qui vient donner de son temps comme bénévole deux fois par semaine. Sa passion ? Les Lego. Armé de notices, il tente de reformer des kits, parfois composés d’une centaine de petits éléments. Un vrai casse-tête qui fait le bonheur de ce retraité, collectionneur amoureux des petites briques.

Les jouets revalorisés par Rejoué sont vendus 50 à 70 % du prix initial.

Avec un chiffre d’affaires en progression de 20 à 30 % par an, Rejoué espère essaimer son modèle, notamment en régions. Elle travaille de plus en plus avec des professionnels de la petite enfance (crèches, ludothèques, etc.) qui peuvent eux aussi venir bénéficier des tarifs avantageux de l’association. Avec des prix de vente de l’ordre de 50 % à 70 % du neuf,  Rejoué dispose d’un véritable argument économique. Les particuliers peuvent se procurer ces jeux à moindre coût dans deux boutiques, à Ivry-sur-Seine et à Paris (14e). Claire Tournefier se trouve donc aujourd’hui confrontée à un véritable enjeu de distribution : « On pourrait facilement approvisionner quatre boutiques. Nous voulons donc travailler avec les distributeurs pour qu’ils commercialisent aussi des jouets de seconde main dans leurs points de vente. Cela existe sur le livre, pourquoi pas sur le jouet ? » Encore faut-il que les mentalités évoluent. 

 


Et la loi, dans tout ça ?

Après son adoption au Sénat, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est examiné depuis le 8 décembre à l’Assemblée nationale. Il prévoit la création d’une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) dédiée aux jeux et aux jouets. « Comme pour les appareils électroniques, une éco-contribution intégrée au prix des jouets neufs permettra de financer les structures en charge du retraitement des produits, notamment leur réemploi et recyclage », précise l’association. Claire Tournefier craint en revanche que des amendements visant à exclure certains jouets issus du réemploi de la commande publique ne soient adoptés. L’idée sous-jacente étant que des jouets d’occasion pourraient menacer la sécurité des enfants. « Ceci reviendrait à détruire une filière naissante, à l'équilibre encore précaire, et (...) à décourager toutes initiatives nouvelles, privant notre pays des retombées environnementales, sociales et économiques positives générées par ces activités », a commenté Claire Tournefier.

 

Hélène Fargues 

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