Refugee Food Education : améliorer ses actions et convaincre des partenaires grâce à l’évaluation d’impact social

• Peux-tu nous présenter l’organisme Refugee Food (anciennement Refugee Food Festival) et votre action Refugee Food Education ? 

Association créée en 2016, Refugee Food favorise l’insertion socioprofessionnelle des personnes réfugiées dans le milieu de la restauration. Pour faire évoluer les regards portés sur les personnes réfugiées, œuvrer pour une alimentation juste, durable et diversifiée, on développe six actions dont la dernière en date le Refugee Food Education.

C’est une journée entière déployée dans les collèges pour faire évoluer le regard des élèves sur les personnes réfugiées grâce au pouvoir universel de la cuisine. Les collégiens mènent une réflexion sur les migrations et la lutte contre les stéréotypes ainsi que la transition alimentaire grâce à différentes activités : témoignages, ateliers culinaires, projections de documentaires, atelier de réalité virtuelle… 

• L’action Refugee Food Education fait partie des projets accompagnés par le partenariat Paris Initiative Entreprise (PIE) X Impact Track. Au-delà de l’opportunité, pourquoi as-tu décidé de te lancer dans une démarche de mesure d'impact ? 

En 2019, nous avions été accompagnés par un cabinet de conseil pour lancer une démarche d’évaluation d’impact sur le Refugee Food Festival. Et depuis, il y a toujours eu cette envie en interne de réitérer l’exercice sur un autre projet.

La mesure d’impact social constitue un vrai retour critique, et quand on fait de l’associatif, qu’on met en place des dispositifs, qu’on accompagne des bénéficiaires et qu’on sensibilise le grand public, on se doit de leur donner la parole. Leurs retours permettent d’améliorer nos actions et ainsi mieux appréhender les prochaines éditions.  

Nous avions également besoin de documenter notre travail pour avoir de la matière à exploiter auprès de nos partenaires financiers et associatifs. La mesure d’impact pour le Refugee Food Education contribue donc à alimenter et soutenir notre projet. Mais il était inimaginable de le faire seul, alors quand on a reçu la proposition de PIE, on a sauté sur l’occasion ! 

• Comment as-tu organisé la mesure d’impact autour du Refugee Food Education ?  

Il faut savoir qu’une démarche d’évaluation d’impact social dure en moyenne entre six mois et un an. Mais avec un démarrage en octobre pour une évaluation d’impact en décembre, il fallait qu’on avance (très) vite. J’ai donc décidé de me lancer seule dans l’accompagnement avec Impact Track que je remercie pour leur efficacité nous permettant de respecter les délais. 

Sur le plan opérationnel, et pour illustrer le changement de regard, on a réalisé deux collectes de données. L’une en amont de la journée et l’autre à la fin. Je suis ensuite passée deux fois dans chacune des classes des 281 collégiens interrogés pour leur expliquer notre démarche et leur distribuer les questionnaires papiers. Les élèves ont ainsi pu rajouter un retour à l’écrit de leur expérience et ressenti à la suite du programme.

• Directrice du festival et du développement, tu mènes en plus l’évaluation de l'impact social. Comment ces deux rôles s’articulent-ils ? 

Selon moi, ce sont deux rôles qui s’accordent. Même quand on travaille sur la partie rédaction des questionnaires, théorie du changement et sélection des indicateurs, c’est du temps de réflexion au bénéfice du projet puisqu’on le questionne.  

Je pense qu’on ne peut pas imaginer réfléchir au développement des projets sans réfléchir à leur impact. Je dirais donc que ce n’est pas du travail supplémentaire, mais plutôt complémentaire.

• À la suite de cette évaluation d’impact social, quels enseignements en tires-tu : résultats, objectifs et axes d’amélioration ? 

Les résultats sont très encourageants ! D’abord d’un point de vue des collégiens et puis pour nous également puisqu’ils viennent confirmer notre mission sociale :  

• On remarque que le degré d’optimisme des collégiens quant à l’intégration des personnes réfugiées en France augmente de 55 points après leur participation au Refugee Food Education, et atteint 68 %.  
• Il n’a pas été évident pour certains collégiens de répondre à la question du changement de regard vis-à-vis des personnes réfugiées puisque certains se sentaient déjà sensibilisés, mais 58 % estiment tout de même avoir changé de regard sur les réfugiés. 
• L’administration des questionnaires, en direct auprès des collégiens, nous a permis d’obtenir un taux de retour de 100 % ! 

L'évaluation d’impact social est le miroir de nos actions sur le terrain. Vrai retour critique des collégiens, ils nous ont, par exemple, fait remonter qu’ils n’avaient pu participer à toutes les activités. Nous sommes donc en train de réfléchir à la manière d’améliorer et faire grandir le projet. 

Prise par le temps et obligée de mener la mesure d’impact seule, je suis convaincue qu’en mobilisant d’autres personnes de l’équipe, on réfléchit de manière plus constructive. Ça permet à toutes les personnes concernées de s’approprier la démarche et d’en faire un projet commun. Nous serons d’ailleurs trois salariées impliquées pour la prochaine mesure d'impact sur le Refugee Food Festival. 

• En synthèse, qu'est-ce que t’as apporté la mesure d'impact ? 

Les partenaires financiers sont primordiaux pour notre pérennité et démontrer l’impact des projets est devenu presque obligatoire aujourd’hui. La mesure d’impact permet de soutenir les dispositifs en apportant une vision réelle grâce à des données quantitatives, qualitatives et des verbatims précieux.

On a présenté plusieurs fois ce projet lors du concours de la Fondation la France s’engage qui soutient des projets d’innovation sociale, et c’est la première fois qu’on arrive finaliste et c’est en grande partie grâce à notre page d’impact : un support lisible, compréhensible et qui va à l’essentiel. 

• On te sent très impliquée dans l’association, évidemment, mais aussi sur les sujets relatifs à l’évaluation d’impact. On imagine donc que tu as de nombreux défis à partager ? 

Si la première mesure d’impact est axée sur l’intégration des personnes réfugiées et le changement de regard, pour la prochaine édition du Refugee Food Education en décembre 2022, on souhaite davantage s’investir sur notre deuxième enjeu : la transition alimentaire. 

Comme vous l’aurez peut-être compris, on a trouvé l’évaluation d’impact social du Refugee Food Education très enrichissante, alors on a décidé d’en réaliser une pour le Refugee Food Festival avec Impact Track.  

Et de manière plus globale, je m’aperçois que la thématique du changement de regard est énormément plébiscitée, mais reste toujours difficile à mesurer. Partisante du travail collaboratif, et ayant déjà échangée à ce sujet avec Weavers, Causons, Kabubu, Du Pain et des Roses et SOS Méditerranée, créer des ateliers collectifs en lien avec Impact Track et des associations qui ont des interrogations, indicateurs et bénéficiaires communs pourrait permettre de faire avancer le sujet.  

• Fanny, toi qui es convaincue par l’outil Impact Track, qu'aimerais-tu partager à ceux qui ne le connaisse pas encore ? 

Se lancer dans une démarche d’évaluation d’impact nécessite de s’y investir, mais avec Impact Track c’est plus simple que prévu.  

Grâce à l’efficacité de l’accompagnement et le professionnalisme de leur équipe, on a réussi à réaliser la démarche en l’espace de seulement trois mois. Cela me fait notamment penser à la mobilisation durant les ateliers qui nous permettent de ne pas retravailler plus tard hors des temps dédiés.  

Et puis il faut le dire, le coût de l’accompagnement d’Impact Track répond à une vraie réalité financière du monde associatif que n’ont pas les cabinets de conseil.