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Par Maison des Lanceurs d'Alerte - Publié le 17 mars 2022 - 10:38 - Mise à jour le 17 mars 2022 - 15:40
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Collecter des dons en sécurisant l’identité des donateurs

Angle mort de la collecte de dons, la préservation de l'identité des donateurs est un enjeu déterminant pour une association comme la Maison des Lanceurs d'Alerte. Le risque à rendre public le nom de nos donateurs est simple : les exposer aux reproches voire aux représailles d'un employeur ou d'un proche mécontent qui ne partagerait pas leurs convictions. Mais comment concilier cet impératif avec l'exigence de transparence financière ? Un chantier important auquel notre responsable du développement s'est attelée tout au long de l'année 2021. Retour d'expérience.

Bon nombre d’associations se demandent, et à raison, comment valoriser leurs donateurs. Pour les remercier, bien sûr, mais aussi pour inciter d’autres à donner. « Murs » de donateurs, portraits et autres témoignages... À la Maison des Lanceurs d’Alerte, la question se pose autrement : soutenir les lanceurs d’alerte n’est pas un engagement qu’on affiche aisément. Préserver l’anonymat des donateurs importe. Mais comment s’assurer que cette confidentialité est respectée ? C’est la problématique qui a guidé, en 2021, la stratégie de développement et de structuration de la collecte que j’ai eu à mettre en place. Je vous partage ici les résultats de cette exploration.

Se passer des intermédiaires ?

Pour être performante, une infrastructure de collecte de base nécessite trois piliers : une interface de paiement ; un outil de mailing de masse parce qu'il permet de faire des envois en nombre mais aussi d'améliorer la qualité visuelle des emails ; un CRM (= logiciel de gestion de base de contacts) parce qu'il fait le lien entre les deux et permet de segmenter efficacement. L'importance respective de ces outils varie selon vos pratiques de communication, celles de vos contacts, la quantité de ces derniers... Et la clé de voûte de l'infrastructure est l'interaction entre ces différents outils.

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La meilleure solution pour garantir une pleine et entière confidentialité reste évidemment d'opter, pour chacun de ces trois piliers, pour des logiciels open-source autohébergés. Problème : cela demande des compétences informatiques (pour la mise en place mais aussi la maintenance) dont toutes les associations ne disposent pas, loin de là. Problème n°2 : malgré les efforts sans pareils de la communauté libriste, je n'ai, à ce jour, identifié aucun outil suffisamment abouti pour réaliser efficacement toutes les tâches nécessaires à une collecte performante.

Les logiciels libres sont développés au gré des motivations et de la disponibilité des membres engagés dans la communauté qui les porte. Cet engagement est louable et même salutaire pour reprendre le pouvoir sur nos usages numériques et maîtriser celui qui est fait de nos données personnelles. Malheureusement, peu de fundraisers sont en parallèle développeurs informatiques et l'ergonomie des outils existants (CiviCRM comme CRM, phpList comme outil de mailing de masse...) les rendent difficilement appropriables sans bases techniques solides.

Lorsqu'installés par un hébergeur qui le met à disposition des associations (signalons à ce titre, l'existence des CHATONS - des structures proposant des services libres, éthiques et décentralisés), la question qui se pose est alors la même que pour un outil propriétaire : quelle confiance avons-nous dans ces intermédiaires qui hébergent, maintiennent nos outils et assurent un support qui leur permet d'avoir accès aux données de nos donateurs ?

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Opter pour des outils de confiance et limiter les accès internes

À défaut de trouver des outils autohébergés suffisamment performants et pour donner des garanties de confidentialité à nos donateurs, deux critères ont guidé ma recherche pour la Maison des Lanceurs d'Alerte :

 

  • À qualité de service égale, notamment en termes de sécurité, de performance et de personnalisation, je me suis attachée à évaluer le souci éthique des prestataires de service : nous avons privilégié des entreprises de l'ESS, partageant nos valeurs d'honnêteté, de responsabilité, de transparence et d'indépendance.
  • Mesurant pleinement les risques du "social-washing" et afin de bénéficier des garanties légales et opérationnelles instaurées par le RGPD, nous avons vérifié la localisation du siège social de l'entreprise en Europe et idéalement en France, afin de s'assurer que le prestataire soit soumis au droit français ou a minima européen, plus respectueux des données personnelles que ses homologues d'Amérique du Nord.

 

Notons qu'évidemment, le niveau et le mode de tarification a également joué un rôle déterminant dans le choix.

Une fois l'infrastructure sécurisée mise en place, la confidentialité des données des donateurs repose sur une limitation stricte des accès (qui, à part le fundraiser et le(s) responsable(s) administratif(s), a besoin de connaître l'identité des donateurs ?) et un contrôle des outils de communication internes pour éviter que des informations sensibles ne fuitent et ne se retrouvent inopinément sur des réseaux non protégés. Inutile de poser une porte blindée si les murs de la maison sont en carton !

Résoudre l'équation confidentialité vs. transparence

L'enjeu de protection de l'identité des donateurs peut toutefois, comme c'est le cas au sein de la Maison des Lanceurs d'Alerte, questionner le principe fondamental de transparence financière. Le risque à rendre public le nom de nos donateurs est simple : les exposer aux reproches voire aux représailles d'un employeur ou d'un proche mécontent qui ne partagerait pas leurs convictions et leur attachement à la prévalence de l'intérêt général et de la liberté d'informer.

Rappelons, sur ce point, que dans une affaire récente concernant une association anti-corruption, la Cnil a considéré que l'identité des donateurs revêtait "un caractère hautement personnel, voire sensible, pour les personnes concernées" puisque, dans certains cas, elle est "susceptible de révéler une opinion politique au sens de l'article 9 du RGPD". Elle considère donc que "de telles informations à caractère personnel font l'objet d'un régime juridique particulièrement protecteur en raison notamment des risques encourus pour la considération ou l'intimité de la vie privée des personnes en cas de divulgation à des tiers non autorisés".

Comment concilier alors les exigences de transparence, garante de la confiance que le grand public place dans l'indépendance d'une association qui soutient les lanceurs d'alerte, avec l'enjeu de protection des donateurs ?

La stratégie pour laquelle nous avons opté repose sur le plafonnement des dons, en volume ou en pourcentage du budget opérationnel, pour limiter la dépendance de l'association envers un seul et même donateur. Ainsi, que leurs noms soient publics ou non, les sympathisants de la Maison des Lanceurs d'Alerte ont la garantie qu'aucun donateur n'a une importance suffisamment significative pour entraver le travail de l'association. Ensemble, ils constituent néanmoins un pilier budgétaire majeur nous permettant de fonctionner plus durablement et plus sereinement (en 2021, 40% du budget de la MLA est assuré par des dons de particuliers).

Un chantier ouvert : la valorisation

Un questionnement qui reste en suspens est celui de la valorisation : comment valoriser des donateurs dont l'intérêt est de rester anonymes ? Comment inciter d'autres personnes à donner sans partager les parcours, les réflexions et les motivations de ceux et celles qui les ont précédées ?

Le chantier reste ouvert.

 

Autrice

Blandine Sillard

Blandine Sillard est responsable du développement et de la communication de la Maison des Lanceurs d'Alerte depuis avril 2020. Elle a fait l'ensemble de son parcours professionnel dans le milieu associatif et a publié, en 2020, une thèse sur l'accompagnement des initiatives citoyennes, solidaires et écologiques.

 

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