Convention des entreprises pour le climat : 47 organisations s’engagent dans un parcours dédié à l’océan
Pour la première fois, la Convention des entreprises pour le climat lance un parcours dédié à la mer et l’océan. 47 entreprises s’y sont engagées, venues de divers secteurs d’activité, pour mieux comprendre les enjeux liés à l’océan, en lien avec leurs propres activités. L’objectif final : faire évoluer leurs modèles d’affaires pour les rendre plus durables et respectueux du vivant.

« 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée ». C’est avec ce rappel qu’Eléonore et Florent, les deux copilotes du parcours Océan de la Convention des entreprises pour le climat (CEC) démarrent la première session de ce parcours.
Depuis 2021, cette association propose à des dirigeants d’entreprises des parcours qui visent deux objectifs : leur faire prendre conscience de l’ampleur de la crise environnementale, et les amener à faire évoluer leurs modèles d’affaires, afin de les rendre plus compatibles avec les objectifs de développement durable (ODD), et même d’aller vers un modèle d’« entreprise régénérative », c’est-à-dire contribuant à la régénération du vivant. 21 parcours ont ainsi été organisés en moins de quatre ans, qui ont rassemblé 1300 entreprises.
« Sans l’océan, il n’y a pas de vie »
En cette Année de la mer, c’est la première fois que la CEC programme un parcours sur l’océan. Pourquoi ce choix ? « L’océan constitue 70 % de notre planète », rappelle Alice Vitoux, à l’origine de ce projet. « Sans océan, il n’y a pas de vie. Parce que c’est le premier régulateur du climat, mais aussi parce que ses services écosystémiques sont essentiels à la vie sur terre. Pourtant l’ODD 14, relatif à la protection des mers et océans, est l’un des moins pris en compte par les entreprises. »
L’ODD 14, relatif à la protection des mers et océans, est l’un des moins pris en compte par les entreprises. »
Alice Vitoux, initiatrice du parcours Océan à la CEC
Ce pari est plutôt un succès, puisque 47 entreprises, de toutes tailles, participent à ce parcours, parrainé par la glaciologue Heidi Sevestre. Certaines d’entre elles travaillent directement en lien avec la mer ou l’eau, dans le secteur de la pêche, du nautisme, de l’assainissement de l’eau, etc. D’autres ont une activité plus éloignée : sont notamment présentes des entreprises de conseil, des sociétés du secteur de la cosmétique ou de l’énergie.
Conformément aux règles du jeu de la CEC, chacune d’entre elles est représentée par deux personnes : le ou la dirigeante de l’entreprise – afin d’associer les plus hauts niveaux de décision à ce parcours destiné à faire basculer les organisations vers un modèle plus durable – et un « champion environnement », qui peut être un responsable de la RSE ou tout autre salarié intéressé par les questions environnementales.
« Travailler en intelligence collective avec d’autres organisations »
Parmi les participants, Charlotte de Pitray est directrice générale de SVR. Ce laboratoire dermatologique est spécialisé sur le traitement de maladies de la peau (acné, atopie…) qui sont aggravées par les perturbateurs endocriniens, notamment les microplastiques qui ont envahi l’océan. « Nous sommes engagés depuis une dizaine d’années sur cette question des perturbateurs endocriniens, explique Charlotte de Pitray. Nous avons notamment monté un programme de sensibilisation du grand public sur ces enjeux, mais aussi un collectif de marques, issues de différents secteurs d’activités, engagées sur ces sujets. » « Nous avons souhaité participer à ce parcours pour travailler en intelligence collective avec d’autres organisations, afin de construire la meilleure feuille de route possible pour les années à venir », souligne-t-elle.
« Nous avons souhaité participer à ce parcours pour travailler en intelligence collective avec d’autres organisations, afin de construire la meilleure feuille de route possible pour les années à venir ».
Charlotte de Pitray, directrice générale du laboratoire dermatologique SVR.
Autre participant, Pascal Goumain est président de Saumon de France, « le seul éleveur de saumons en France », souligne-t-il, ces poissons étant surtout importés, notamment d’Islande ou de Norvège. Lui a une « conscience écolo » depuis plus de trente ans, et s’est engagé dans une démarche de respect de l’environnement et du bien-être animal depuis la création de son entreprise. « J’attends de ce parcours des échanges avec des entreprises qui viennent d’autres horizons, des partages d’expérience », note-t-il. « C’est aussi une façon pour moi de participer à la sensibilisation des entreprises sur ce sujet. J’essaie de saisir chaque tribune qui m’est offerte. »
Pascal Goumain estime aussi que les autres participants peuvent lui apporter « des idées et des contacts », alors que sa démarche de durabilité est mise à rude épreuve par « les produits d’importation à prix massacrés » et par la « surréglementation » française et européenne, qui complique le quotidien de son activité.
Des services écosystémiques essentiels
Pour cette première session du parcours Océan, la CEC a mis les petits plats dans les grands. Parmi les experts qui y interviennent pour exposer aux participants les grands enjeux liés à l’océan, rien de moins que le naturaliste Bruno David, ancien président du Muséum national d’histoire naturelle, ou l’océanographe Marina Lévy, directrice de recherches au CNRS.
« À ce jour, seules quatre personnes au monde sont descendues dans l’océan à plus de 10 000 mètres de profondeur, alors que douze sont allées sur la Lune. C’est dire si nous avons encore beaucoup de choses à connaître de l’océan », démarre ainsi Bruno David. « Les mers représentent 96 % du volume de la biosphère », ajoute-t-il. « Elles ont une profondeur moyenne de 3700 mètres, et la biodiversité occupe tout cet espace. Nous n'en connaissons qu’une infime partie, et avons encore des centaines de milliers d’espèces à découvrir. »
Il souligne l’étendue des services rendus par les écosystèmes marins : approvisionnement en nourriture ou en matériaux de construction, transport maritime, régulation (stockage du carbone, modération des phénomènes météorologiques extrêmes, prévention de l’érosion…), mais aussi services culturels (tourisme, loisirs…).
« Nous aimons la mer, nous en avons besoin. Et pourtant nous la mettons en danger ».
Bruno David, naturaliste, ancien président du Museum national d’histoire naturelle.
« Nous aimons la mer, nous en avons besoin », résume-t-il. « Et pourtant nous la mettons en danger ». Et de rappeler la surexploitation des ressources, la prolifération des méduses liée à la baisse du nombre de poissons, l’arrivée d’espèces invasives transportées dans les eaux de ballast des bateaux, les emprises croissantes des humains sur la mer, le chalutage qui endommage le fond des mers en les ratissant… Par ailleurs, « un quart du CO2 que nous introduisons dans l’atmosphère passe par l’océan », indique-t-il. « Cela est à l’origine d’une acidification des océans et d’un déséquilibre des écosystèmes qui perturbe les espèces. »
Marina Lévy, elle, note que l’océan se réchauffe sous l’effet du dérèglement climatique. Ce qui provoque une élévation du niveau de la mer, menaçant le cadre de vie de plus d’un milliard de personnes sur terre. « Cela cause aussi une augmentation de la puissance des cyclones, ainsi que des canicules marines, dévastatrices pour la biodiversité », s’alarme-t-elle.
« Nous devons tout faire pour atténuer le réchauffement climatique »
« Malheureusement, la situation ne peut que s’aggraver à l’avenir, car le réchauffement climatique est irréversible, regrette-t-elle. Mais nous devons tout faire pour l’atténuer le plus possible. »
C’est donc ce à quoi s’attelleront les participants du parcours Océan de la CEC, à travers cinq sessions étalées de mars à octobre 2025. Lors de chacune d’entre elles, au-delà des conférences d’experts, les participants seront amenés à réfléchir à ce qui pourrait évoluer au sein de leurs structures pour répondre aux enjeux environnementaux, et à imaginer ensemble des projets coopératifs sur divers sujets.
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Pour la troisième session de ce parcours, les participants se retrouveront à Nice, en marge de la troisième conférence de l’ONU sur l’océan, qui aura lieu du 9 au 13 juin. À l’issue du parcours, les 47 entreprises devront remettre leur « feuille de route de redirection écologique ». La question de l’océan devra naturellement en constituer le cœur.
Camille Dorival