À l’approche de la conférence de Nice sur l’océan, la Fondation Tara Océan porte l’espoir d’actions concrètes
La troisième conférence de l’Organisation des Nations unies pour l’océan aura lieu à Nice du 9 au 13 juin. En amont de l’évènement, la Fondation Tara Océan plaide pour des discussions internationales ambitieuses face aux défis qui touchent les milieux marins, dont la protection de la haute mer, la pression économique sur les grands fonds et la pollution plastique.

« Depuis dix ans, il n’y a jamais eu autant de discussions et de mobilisation sur l’océan », se réjouit André Abreu, directeur des politiques internationales à la Fondation Tara Océan. La structure a organisé une conférence de presse à l’approche de la troisième conférence des Nations unies pour l’océan (Unoc) qui se tiendra cette année à Nice du 9 au 13 juin. Cet évènement, qui a lieu en théorie tous les trois ans depuis l’adoption de l’Agenda 2030 et des 17 objectifs de développement durable par l’ONU en 2015, vise à soutenir une action internationale en faveur de la conservation des océans, des mers et des ressources marines.
Coorganisée par la France et le Costa Rica, l’édition de cette année rassemblera gouvernements, ONG, scientifiques, institutions financières internationales et organismes de la société civile autour du thème « accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan ». Un titre ambitieux, qui répond avant tout à un besoin urgent.
« Les océans représentent 71 % de la surface du globe et 98 % du volume de notre biosphère. Ils sont la moitié de la solution face au réchauffement climatique », fait valoir en ce sens Romain Troublé, directeur général de la Fondation Tara Océan. Leur état est pourtant de plus en plus dégradé, poussant les ONG de protection de l’environnement à demander des actions fortes.
Parmi les grands enjeux, dont les solutions devront être débattues lors de la conférence internationale de Nice, se trouvent notamment la menace du réchauffement climatique, l’accélération de la surpêche et de la perte de la biodiversité, l’exploitation des fonds marins et la pollution plastique. Autant de préoccupations qui ne seront certes pas réglées à la fin du mois de juin, mais sur lesquelles la Fondation Tara Océan espère des avancées.
L’ambition de Tara, inverser la charge de la preuve pour la protection de la haute mer
« Cette conférence est essentielle pour l’océan et pour le vivant. C’est la première avec une vraie ambition politique portée par les États », appuie Romain Troublé. Au-delà des déclarations politiques non contraignantes qui devront être classiquement formulées à son issue, la France et le Costa Rica ont en effet exprimé leur souhait d’aller plus loin en élaborant le « Plan d’action de Nice pour l’océan ». Ce texte devrait être adopté à l’issus des discussions internationales menées lors de la conférence et comporter une déclaration politique et une liste d’engagements de la part des parties prenantes volontaires.
Nous pensons qu’il faut renverser la charge de la preuve, c’est-à-dire que l’océan soit protégé par défaut et qu’il appartienne, non plus aux ONG de prouver un dommage, mais aux entreprises qui veulent exploiter l’océan de prouver qu’elles ne contreviennent pas à sa protection."
Pour la fondation reconnue d’utilité publique, il est aujourd’hui nécessaire de « changer de paradigme », notamment sur la haute mer, afin de permettre une véritable application des textes qui organisent sa protection. Parmi eux, la Convention internationale des Nations unies sur le droit de la mer considère la haute mer et les fonds marins comme un patrimoine commun de l’humanité.
« Depuis 2022, nous avons réfléchi à la manière de mettre en œuvre la protection des océans en dehors des frontières nationales. Nous pensons qu’il faut renverser la charge de la preuve, c’est-à-dire que l’océan soit protégé par défaut et qu’il appartienne, non plus aux ONG de prouver un dommage, mais aux entreprises qui veulent exploiter l’océan de prouver qu’elles ne contreviennent pas à sa protection », explique André Abreu.
Pour faire avancer cette idée dans les discussions internationales et qu’elle soit officialisée à long terme dans les traités, la fondation travaille notamment avec des juristes spécialisés dans les droits de la nature et prévoit de lancer le 9 juin à Nice un groupe d’experts favorables à cette vision.
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Surveiller les activités d’exploitation des océans : un enjeu clé
La protection des océans doit également passer par une mobilisation des moyens techniques au service de la surveillance des activités d’exploitation et d’« un océan 100 % transparent », estime la Fondation Tara Océan. « Nous voulons 100 % de l’océan protégé dans 20 ans, il faut lancer l’idée », soutiennent Romain Troublé et André Abreu.
La fondation plaide notamment pour la mise en place d’une cartographie en temps réel, possible selon eux grâce à différents moyens technologiques et satellitaires, et permettant de renforcer la surveillance des bateaux dans la haute mer.
Cet argument s’inscrit dans un contexte actuel de débats et de pressions économiques et politiques sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Après l’échec en 2023 à l’ONU de l’élaboration d’un code minier de l’exploitation des métaux présents dans les grands fonds océaniques, l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) a relancé cette année les débats, s’engageant à conclure l’élaboration du texte avant la fin de l’année. L’échéance des discussions est prévue en juillet, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’AIFM.
L’Unoc peut fonctionner comme un catalyseur d’ambitions politiques."
« C’est le moment où les États vont décider si oui ou non, ils autorisent l’exploitation minière des grands fonds sous-marins », explique Romain Troublé. « Un mois avant cette échéance, l’Unoc peut fonctionner comme un catalyseur d’ambitions politiques », met également en avant celui qui considère « qu’il n’y a pas de débouchés pour des minerais dont on n’a pas besoin ». Pour l’instant, les 168 états membres de l’AIFM (en plus de l’Union européenne) sont profondément divisés sur le sujet. 32 d’entre eux ont rejoint un moratoire, appelant à suspendre tout projet minier en attendant de disposer d’études suffisantes sur les conséquences environnementales, tandis que la France s’est positionnée en faveur d’une interdiction de l’exploitation des grands fonds marins. La Chine, l’Arabie saoudite, l’Allemagne ou la Belgique s’opposent quant à eux à tout moratoire.
La ratification du Traité sur la haute mer et l’avancée du Traité contre la pollution plastique dans le viseur
Enfin, la conférence des Nations unies sur l’océan est l’opportunité d’accélérer l’entrée en vigueur de deux textes internationaux : le Traité sur la haute mer, visant à « la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale », adopté en 2023, et le Traité international contre la pollution plastique, pour lequel les négociations ont débuté en 2022 et n’ont toujours pas abouti.
« La France pousse que pour que le Traité sur la haute mer entre en vigueur à l’Unoc », rapporte Romain Troublé. Ce traité contraignant, qui vise en autres à créer des aires marines protégées dans les eaux internationales, doit être ratifié par soixante États afin de pouvoir entrer en vigueur. Pour l’instant, seulement une vingtaine de parties ont achevé le processus de ratification, dont la France qui a déposé son instrument de ratification auprès des Nations unies le 5 février 2025. Signé par 111 États, dont les États-Unis, la Russie et la Chine malgré la guerre en Ukraine, ce traité doit donner lieu après son entrée en vigueur à des COP régulières pour la protection de la biodiversité en haute mer.
De son côté, le Traité international contre la pollution plastique devait être adopté lors de la cinquième session de négociation du 25 novembre au 1er décembre 2024, avant que les discussions n’échouent. Son ambition est de lutter contre les pollutions plastiques, en prenant en compte l’ensemble du cycle de vie du plastique et établissant des obligations juridiquement contraignantes à l’égard des États signataires. Deux points essentiels pour la Fondation Tara Océan. « Pour nous, la pollution plastique est un sujet systémique qui ne peut pas être traité sous le seul angle du déchet. Avec les plastiques, nous nous rendons compte que la survie de l’océan dépend aussi de ce qui se passe à Terre », appuie Romain Troublé.
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Pour faire vivre son plaidoyer et les échanges sur ses différents sujets, la Fondation Tara Océan prévoit d’organiser plusieurs évènements dans les mois qui précèdent la conférence que son équipe rejoindra à la voile, à bord de sa goélette scientifique. L’expédition, baptisée « mission Unoc », fera une première escale à Liverpool le 1er avril, autour des enjeux d’océan austral et antarctique, puis passera par Étel le 28 avril pour discuter d’une proposition de loi sur la pêche durable, avant de se rendre à Marseille le 19 mai pour réunir des scientifiques sur la question du plastique et à Monaco le 7 juin pour soutenir le moratoire sur l’exploitation des fonds marins.
Élisabeth Crépin-Leblond