Aller au contenu principal
Par Pro Bono Lab - Publié le 17 février 2022 - 09:12 - Mise à jour le 23 février 2022 - 14:52
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Les fonctionnaires doivent-ils pouvoir s’engager en « mécénat de compétences » ?

Le mécénat de compétences permet à des entreprises de détacher des salariés qui, sur leur temps de travail, mettent alors leurs compétences à disposition d’associations. Il ouvre droit à une défiscalisation. Ce dispositif devrait-il être ouvert aux fonctionnaires ? C’est une question à poser !

Les fonctionnaires doivent-ils pouvoir s’engager en « mécénat de compétences » ? Crédit photo : DR.
Les fonctionnaires doivent-ils pouvoir s’engager en « mécénat de compétences » ? Crédit photo : DR.

En France, 82 % des associations ont des besoins en compétences

Pour combler ces besoins, de nombreux.ses citoyen.nes s’engagent, sur leur temps personnel (bénévolat de compétences) mais aussi sur leur temps de travail (mécénat de compétences). La pratique du mécénat de compétences fait d’ailleurs aujourd’hui partie intégrante des stratégies RSE de nombreuses entreprises, leur permettant d’engager leurs collaborateurs et collaboratrices, de créer du lien avec des associations et parfois même de nouer des partenariats plus pérennes grâce à l’apprentissage qu’elles font du monde associatif et de ses besoins. Eu égard au succès que connaît cette coopération féconde dans le monde de l’entreprise, une question peut se poser : le dispositif du mécénat de compétences pourrait-il être dupliqué dans la fonction publique ?

Le 10 février, Pro Bono Lab participait à un colloque organisé par le département de Seine-Saint-Denis, dont le président Stéphane Troussel porte cette volonté d’élargissement du mécénat de compétences aux agent.es publics.  

Pro Bono Lab porte et investigue le sujet depuis quelques années déjà, mais les choses bougent ces dernières semaines. On vous retrace l’historique.

2019 - En février 2019, notre « Manifeste pour le développement du pro bono » - remis notamment à Gabriel Attal, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse – appelait à « Faire de l’engagement par le partage de compétences une opportunité́ globale de développement ou d’engagement pour les acteurs publics (administrations, collectivités, établissements publics, etc.) et leurs agents ; ainsi qu’une opportunité́ de co-développement entre acteurs du bien public ». 

Pro Bono Lab mène ensuite une série d’entretiens avec des administrations publiques, puis avec des collectivités territoriales. Certains sont d’ailleurs disponibles en ligne : 

 

Ces entretiens témoignent d’un réel intérêt pour dupliquer le modèle du « mécénat de compétences » dans la fonction publique, mais aussi de limites importantes, qui empêchent aujourd’hui sa mise en place.

Des enjeux communs pour les secteurs privé et public

  • Les agents publics, par définition, sont dédiés à l’intérêt général. Ils sont souvent en lien avec les associations et/ou leurs bénéficiaires, et travaillent parfois dans les mêmes objectifs. 

« Dans la communauté d’agglomération, certaines associations qui répondent aux attentes des habitants peuvent avoir des besoins, en communication par exemple. Dans ce cas-là, notre graphiste va les aider pour faire une affiche par exemple. C'est un coup de pouce pour l'association qui n’a pas de compétences en communication. Nous ne sommes pas rémunérés pour cela, mais nous le faisons car nous estimons qu’en tant que collectivité, nous devons et nous voulons agir pour l’intérêt général de notre territoire. »

« Ce n’est pas formalisé comme du mécénat de compétences ou du pro bono car c'est dans notre ADN : une association qui fait une action dans le domaine de la santé aide la communauté d’agglomération dans sa mission. Pourquoi ne pas l'aider en retour ? »

  • Tout comme les entreprises, les collectivités cherchent à répondre à des enjeux en interne : attraction et rétention des talents, quête de sens des agent.es, envie de se sentir utile, de bousculer son quotidien, d’explorer des pratiques et des milieux professionnels différents… Une enquête du collectif Nos Services Publics menée auprès d’agent.es du service public montre que 80 % des agente.s déclarent être confronté.es à un sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail.

« Mes jeunes collègues sont à la recherche de sens, beaucoup plus qu’à mon époque »

« Nous faisons face à des difficultés de recrutement, et ce type de pratique pourrait attirer des profils juniors et/ou venant d'autres régions. »

  • Nous sortons d’une période où, trop souvent, les usagers ou organisations de la société civile ont exprimé le regret que les agent.es publics semblaient mal connaître leurs difficultés. Une telle rencontre est de nature à lever des préjugés et des incompréhensions de part et d’autre, mais aussi à enrichir l’empathie des parties prenantes de la cohésion nationale ! 

Des freins qui restent à lever…

Cependant, le modèle du mécénat de compétences ne peut pas être dupliqué tel quel aux structures publiques. Des freins existent : 

  • D’ordre juridique et réglementaire

Le mécénat de compétences est régit par la loi Aillagon de 2003 et ne peut s’appliquer à des organismes publics. Il n’existait lorsque nous avons réalisé ces entretiens aucun cadre juridique et légal par lequel un fonctionnaire pouvait être mis à disposition gratuitement sur son temps de travail à une association ou organisation d’intérêt général.

« Le service juridique a estimé qu’il y avait un risque que cela soit considéré comme des avantages en nature. Il y a aussi la difficulté de la gestion des congés et des fins de carrière. »

  • La conviction des élus et dirigeants : comme dans une entreprise, si l’impulsion ne vient pas d’en haut, c’est compliqué !

« Le DG n’est cependant pas favorable à ce type d’initiatives : il y a des barrières et cela prend du temps »

« Clairement, une élection peut changer beaucoup de choses, de nouveaux élus peuvent arriver, décider que l’engagement des agents est un vrai sujet. »

« Il faut qu’il y ait un portage politique fort. Il ne faut pas que ce soit de l’affichage, il faut connaître les rouages de l’organisation et ne pas brusquer les gens. Il faudra du temps. »

  • Un manque de moyens humains et financiers

« Le dispositif doit permettre d'accompagner les agents : on ne doit pas les "lâcher" comme ça. Au niveau des ressources humaines, je n’ai pas aujourd’hui les moyens pour encadrer un tel dispositif dans ma commune. »

  •  Conflit d’intérêts

« Les risques existent surtout au niveau des associations : nous ne pouvons pas favoriser certaines associations plus que d'autres. Si nous montions quelque chose avec les Restos du cœur, pourquoi n’irions-nous pas avec le Secours Catholique ou le Secours Populaire? Cela pourrait se retourner contre l’élu, accusé d’avoir favorisé une association. Une entreprise peut faire comme elle veut, nous non, on doit éviter le conflit d’intérêts. »

« On n’a pas le droit d’aider une structure plus qu’une autre. Il faut pouvoir justifier en permanence de cette égalité de traitement. C'est vraiment une culture. »

 

2020 - En juin 2020, « Ouvrir et soutenir la possibilité de faire du mécénat de compétences aux fonctionnaires » a été une des propositions du Rapport La Philanthropie à la Française remis par Sarah El Haïry et Naïma Moutchou (alors députées) à Gabriel Attal en juin 2020, proposition poussée par Pro Bono Lab.

2020, c’est également l’année de lancement du dispositif « Agent.e.s solidaire » du département de Seine-Saint-Denis.

2021 - En cours depuis 2021, le projet de loi 3DS prévoit une expérimentation dans laquelle « les fonctionnaires de l’État peuvent être mis à disposition de personnes morales relevant des catégories mentionnées au a du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts ainsi que de fondations ou associations reconnues d’utilité publique, pour la conduite ou la mise en œuvre d’un projet conforme aux missions statutaires de la personne morale, fondation ou association et pour lesquelles leurs compétences professionnelles sont estimées utiles. » 

C’est un premier pas pour lever un frein important – le juridique – qui permettrait aux collectivités hésitantes de se lancer. Mais pas forcément suffisant. Le périmètre est restreint aux fondations et associations reconnues d’utilité publique, ce qui restreint largement le spectre : seules 1852 des 1,3 million d’associations en France sont reconnues d’utilité publique. 

« La situation est amenée à évoluer avec la loi 3DS, et notamment son article 69. Celui-ci est cependant très contraignant, exigeant un lien direct entre les compétences de l’agent et l’expérience proposée, ainsi qu’un conventionnement pour chaque mise à disposition. » (source : La Gazette des communes)

… Et des modalités à préciser

ET LA SUITE ? Au-delà des évolutions législatives, il est important de penser la mise en application d’un système de « pro bono » ou « mécénat de compétences » des agents du service public pour que toutes les parties prenantes soient satisfaites : collectivités, agent.es, associations.

Une démarche prudente nous incite à anticiper des effets indésirables et inattendus. Par exemple, la mobilisation du bénévolat ou du mécénat de compétences ne doit pas servir de prétexte pour que certaines entités publiques réduisent le montant de leurs subventions aux associations. Il ne faudrait pas non plus que la dynamique crée trop de lourdeurs administratives, ou de la frustration pour les agent.es qui ne pourront en bénéficier. 

Pour toutes ces raisons, il serait pertinent de lancer une dynamique collective qui pourrait par exemple comprendre : 

Intéressé·e par ce sujet ?
Contactez Pro Bono Lab
  • L’animation d’un groupe de 5 à 10 collectivités désireuses de lancer une expérimentation de pro bono / mécénat de compétences
  • Une étude auprès des élu.es et agent.es de collectivités pour identifier les freins éventuels à lever
  • Un guide et des contenus pratique pour accompagner les collectivités qui le souhaitent à mettre en place des programmes d’engagement de leurs agent.es 

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer