TRIBUNE - Pour un numérique d'intérêt général : l’importance stratégique des coopérations avec l’économie sociale et solidaire

Le numérique dans l’ESS, moteur de la cohésion sociale et territoriale 

L'ESS numérique s’enracine dans l'éducation populaire, pour promouvoir la citoyenneté scientifique et le décryptage des médias. Dans le même souci d’autonomiser les individus, les organisations du logiciel libre ont participé à cette contre-culture. De nombreuses entreprises sociales ont enfin émergé pour développer des plateformes alternatives ou diversifier les nouveaux métiers. Malgré ces initiatives, la transition numérique a laissé beaucoup d’organisations sur le bord de la route.

La crise sanitaire a remis en lumière une transition numérique à double vitesse. Les organisations de solidarité, en première ligne, ont pourtant su déployer une créativité et une capacité d’adaptation inouïes et l’ESS s’est à nouveau révélée comme un réseau indispensable à la cohésion sociale, partout dans les territoires. Mais les nouvelles missions d’inclusion numérique et leurs corollaires (acquisition d'équipements, accompagnement au changement, formation…) n’ont pas été compensés par de nouvelles ressources. Si l’UE souhaite que 80 % des citoyens soient en maîtrise des compétences numériques de base d'ici à 2030, il est crucial de mettre à niveau ces organisations intermédiaires.

Les Communs numériques : renforcer les partenariats public-ESS-entreprises

Les communs numériques regroupent des ressources (données, connaissances, code et algorithmes…) ouvertes, non rivales, produites et gérées démocratiquement par une communauté. Ils ne se limitent pas à l'éducation ou aux logiciels libres, mais s'étendent à bien d’autres domaines comme la sécurité ou la transition écologique. Portés par des associations ou des coopératives qui en assurent la gestion communautaire et démocratique, ils créent une opportunité de co-construction de l’action publique.  

Des communs numériques à but non lucratif tels que Framasoft, Open Food Facts, Wikipedia, OpenStreetMap ou Decidim démontrent leur efficacité et leur soutenabilité chacun dans leur domaine. Ils ouvrent une nouvelle voie d’innovation collective est possible, pour mieux répondre aux besoins des citoyens et de la transition écologique. Reposant sur une logique qui met l’usage et la non-exclusivité au centre, ils favorisent la coopération et la mutualisation entre différents types d’acteurs, le plus souvent dans un but non lucratif ou à lucrativité limitée qui les préserve du marché et garantissent leur souveraineté.

Financer la transition numérique de l’ESS pour accélérer l’innovation sociale et environnementale

Le soutien à la transition et à l’innovation numérique de l’ESS reste largement un impensé politique. L’UE la reconnaît à présent comme actrice centrale des transitions, mais trop longtemps, associations et coopératives ont souffert de « discriminations » en matière de financement public, lié à la vision très standardisée de la  « Start-up nation ». La loi de programmation pluriannuelle réclamée par les acteurs de l’ESS doit permettre de rattraper ce retard considérable.

Acculturer l’ESS à l’usage des données, définir avec elle ce que peut recouvrir la donnée d’intérêt général, construire des modèles de gestion collective de ce type de données… Tout cela relève de politiques publiques hautement stratégiques. Changer de thèse d’investissement, mutualiser les ressources et cultiver “une “biodiversité” numérique relèvent du bon sens. Il est donc plus que temps de fixer au numérique d’intérêt général des objectifs ambitieux et de coopérer pour négocier le grand virage économique, social et environnemental que nous devons impérativement engager.

Signataires :

• Charlotte Bougenaux, co-directrice d'Emmaüs Connect
• Jeanne Bretécher, Présidente de Social Good Accelerator, directrice de Jungle Coop
• Augustin Courtier, co-fondateur de Latitudes
• Antoine Détourné, directeur d'ESS France
• Jérôme Giusti, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies, secrétaire de Social Good Accelerator
• Joël Gomblin, co-fondateur de Datactivist
• Guillaume Jasson, co-fondateur du Fantastique Bazar
• Marion Graeffly, co-fondatrice, Télécoop, administratrice des Licoornes
• Gabriela Martin, Vice-Présidente de Social Good Accelerator et de La Fonda
• Gabriel Maurisson, directeur, Huggle
• Guilhem Ménard, co-fondateur de Share it
• Jérôme Saddier, Président du Crédit Coopératif, d'ESS France et de l'AVISE, Vice-Président de Social Economy Europe
• Claire Thoury, présidente, Le Mouvement Associatif
• Charlie Tronche, porte-parole et directeur de la communication, HelloAsso
•  

En savoir plus : https://nec-ess-europe.softr.app

Cette semaine s’ouvre le mois de l’Economie sociale et solidaire (ESS), avec la présentation d’une feuille de route gouvernementale et l’annonce de la nomination de son nouveau délégué ministériel. Issu d’une collaboration inédite entre services publics et organisations de l’ESS, Numérique en Commun[s] ESS Europe décline le dispositif phare de mobilisation des acteurs du numérique d’intérêt général créé par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoire. Cette Semaine du Numérique Social et Solidaire Européen aura lieu du 8 au 17 novembre 2023, entre Paris, San Sébastiàn et Bruxelles pour mettre en lumière les solutions de l’ESS numérique.