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Par AXAFrance - Publié le 13 septembre 2023 - 10:24 - Mise à jour le 13 septembre 2023 - 10:24
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Nayla Ibrahim (Le Choix de l'école) : « Transmettre l’envie d’enseigner est notre plus belle récompense »

Pour cette rentrée scolaire, l’Éducation nationale doit composer avec 3 100 postes non pourvus aux concours enseignants. Malgré une légère amélioration par rapport à l’année dernière, il manque encore des professeurs dans les classes. Afin de remédier à cette pénurie persistante, il est crucial de convaincre un plus large public de se lancer dans l’enseignement. Cette mission, l’association Le Choix de l’école la prend à bras le corps. Entretien avec Nayla Ibrahim, sa déléguée générale.

Nayla Ibrahim (Le Choix de l'école) : « Transmettre l’envie d’enseigner est notre plus belle récompense »
Nayla Ibrahim (Le Choix de l'école) : « Transmettre l’envie d’enseigner est notre plus belle récompense »
  • La rentrée scolaire est de nouveau marquée par une pénurie de professeurs en France. Comment expliquez-vous ce phénomène persistant ?

 

Contrairement aux idées reçues, ce problème ne concerne pas uniquement la France. La pénurie épargne peu de pays de l’Union européenne (UE) et ce quel que soit le niveau de rémunération des enseignants. Ainsi, même l’Allemagne, qui rémunère bien ses professeurs, n’échappe pas à cette tendance. 

Cette pénurie s’explique dans une large mesure par une dégradation de l’attractivité du métier d’enseignant, particulièrement forte en France. Notre pays pâtit, en outre, d’un faible niveau de rémunération des professeurs. Ils commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l’UE. Ainsi, un enseignant qui travaille dans l’élémentaire gagne 19 % de moins que la moyenne OCDE après 15 ans d'exercice.

Au-delà de la question de la rémunération, surgissent celles de la reconnaissance sociale, des conditions de travail difficiles et d’une sensible montée des violences. 

Selon l’OCDE, seuls 6,6 % des enseignants se sentent valorisés par la société française.

Dans le même temps, au moment où les jeunes aspirent à la mobilité, tant géographique que professionnelle, et ne se projettent pas dans un poste au-delà de 5 ans, les avantages du statut d’enseignant séduisent moins qu’auparavant.

 

  • Cette pénurie affecte-t-elle plus particulièrement certains élèves ?

 

Malheureusement, oui. Elle a de plus fortes répercussions lorsque le contexte familial ne permet pas de la compenser. Nous nous retrouvons dans le même cas de figure que pendant la crise sanitaire : les inégalités économiques, sociales et culturelles se traduisent par des inégalités scolaires. Les enquêtes PISA mises en œuvre depuis le début des années 2000 dans l’OCDE nous enseignent que les performances des petits Français dépendent bien plus qu’ailleurs de l’origine sociale. La pénurie renforce cette tendance, avec pour corollaire inévitable que l’école ne joue plus suffisamment son rôle d’ascenseur social dans les quartiers prioritaires.

« Le manque de professeurs a des répercussions plus fortes sur les élèves lorsque le contexte familial ne permet pas de le compenser. »

Nayla Ibrahim, déléguée générale du Choix de l'école

 

  • Quelles actions menez-vous pour lutter contre cette pénurie et la crise d’attractivité, qui en est à l’origine ?

 

Notre association a été créée en 2015 pour contribuer à remédier à cette pénurie. Nous agissons sur deux fronts, pour nous indissociables. Le premier est d’encourager les jeunes diplômés ou des actifs à se reconvertir vers le métier d’enseignant dans les réseaux d’éducation prioritaires, dans lesquels les besoins de professeurs sont les plus importants. Nous travaillons avec plusieurs académies partenaires : Créteil, Versailles, Paris et Aix-Marseille. Depuis 2016, à raison de promotions de près de 50 personnes par an, nous avons accompagné pas moins de 355 primo-enseignants.

Notre seconde mission s’inscrit dans un temps long. Elle consiste, aux côtés de nombreux acteurs, au premier chef le ministère de l’Éducation nationale dont nous sommes partenaires, à valoriser le métier d’enseignant, en changeant la perception négative que j’évoquais il y a quelques instants. Nous nous faisons ainsi le porte-voix des nombreux atouts qu’il revêt, en particulier pour répondre aux aspirations de jeunes en quête de sens : son utilité bien sûr mais aussi sa diversité et sa technicité. C’est un métier de défis qui fait appel à une palette de compétences très diversifiées !

« Nous agissons sur deux fronts : encourager la reconversion des jeunes diplômés et actifs vers le métier d’enseignant ; valoriser ce métier auprès du grand public. »

Nayla Ibrahim, déléguée générale du Choix de l'école

 

  • Comment accompagnez-vous les primo-enseignants ?

 

Nous veillons d’abord à communiquer largement sur les atouts du métier d’enseignant pour créer le déclic et donner envie d’exercer ce métier. Parmi les candidates et candidats qui postulent auprès du Choix de l’école, nous sélectionnons celles et ceux qui vont rejoindre le programme, en prêtant une attention particulière à leur motivation, en plus de leur parcours académique et professionnel. Les personnes sélectionnées postulent ensuite auprès des académies partenaires pour devenir enseignant contractuel. Une fois recrutées par les académies, elles bénéficient de notre programme exclusif de 300 heures d’accompagnement, déroulé sur deux ans afin de prendre la mesure de leur poste, avec, pour premier temps fort, une formation de quatre semaines d’immersion lors de notre Campus d’été. Notre programme couvre un large éventail de sujets, pratiques – « Comment construire une séquence de cours » – mais aussi transversaux comme la gestion de classe, la psychologie des enfants et des adolescents, les leviers de motivation… Nous créons également des binômes : chaque primo-enseignant est accompagné durant deux ans par un professeur titulaire de l’Éducation nationale, son référent, qui l’aide face à des difficultés éventuelles et lui donne des conseils concrets à l’issue de visites de classes. Tous les ingrédients d’un coaching personnalisé sont en place. En plus de son référent, chaque primo-enseignant peut nous contacter à tout moment pour nous poser une question. Nous jouons presque un rôle de hotline !

J’ajoute que nous sommes très attentifs aux résultats de nos actions et au retour d’expérience de nos alumni. Quelques chiffres issus de notre étude d’impact annuelle en disent plus qu’un long discours. Nous avons un taux de recommandation de 9,2 sur 10. À l’issue de notre programme de deux ans, 55 % des enseignants passent les concours de l’Éducation nationale et 60 % restent enseignants. Nous réussissons donc à peser sur la conversion au métier et sur la fidélisation. C’est essentiel face à la pénurie et c’est une grande satisfaction pour nous.

 

  • Outre ces actions pérennes, quelles sont vos priorités pour cette année scolaire ?

 

L’an dernier, nous avons lancé un pilote ciblé sur le premier degré dans deux départements : la Seine-Saint-Denis et le Val d’Oise. Nous avons bien sûr adapté notre programme aux spécificités du métier de professeur des écoles. Comme cette expérimentation a été couronnée de succès, nous l’étendons à toutes nos académies partenaires, en plus du collège et du lycée professionnel bien sûr. Nous étudions désormais l’opportunité d’étendre notre champ d’action sur le plan géographique, en particulier vers des zones rurales, ce qui nous demandera là encore une démarche d’adaptation. 

 

  • AXA France est l’un de vos grands mécènes. Que vous apporte son soutien ?

 

Grand mécène depuis 2019, AXA France est à nos côtés financièrement et humainement. Grâce à son soutien, nous avons pu développer une plateforme technologique et proposer des formations sous forme de MOOC. Nous avons également pu compter sur AXA pour élargir notre programme à l’école primaire et, demain, pour nous ouvrir à de nouvelles géographies. L’équipe s’implique dans la vie de notre association, en participant aux journées de sélection des candidats, en visitant notre Campus d’été ou encore via le mécénat de compétences. Ce mécénat est, pour nous, un véritable partenariat.

 

  • Pour conclure, que diriez-vous à un ou à une jeune intéressé·e par le métier d'enseignant pour le convaincre de franchir le pas ?

 

 

Je lui dirais d’oser et de foncer ! Être enseignant est aussi gratifiant qu’exigeant. C’est l’un des rares métiers où l’on donne beaucoup aux autres, tout en recevant énormément soi-même. Il permet de percevoir chaque jour l’impact concret de son travail. Enfin, il offre l’opportunité unique d’apprendre au quotidien et de grandir dans la durée.

 

Plus de 3 100 postes non pourvus aux concours d’enseignants

Selon le ministère de l’Éducation nationale, sur plus de 23 800 postes ouverts en 2023 dans le public, 3 163 n’ont pas été pourvus. Ce nombre s’élève à 1 315 dans le premier degré (maternelle et élémentaire), avec un taux de recrutement de 84 %, et à 1 848 dans le second degré (collèges et lycées), avec un taux de 86,3 %. Malgré une amélioration par rapport à 2022 — plus de 4 000 postes n’avaient pas été pourvus —, les difficultés persistent donc. Concernant les professeurs des écoles, les académies de Créteil, de Versailles et de Guyane sont particulièrement touchées.

 

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