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Par Carenews INFO - Publié le 22 avril 2024 - 10:00 - Mise à jour le 22 avril 2024 - 10:29 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Au musée du Quai Branly, l'art défendu comme un bulle d’air dans l’accompagnement social

Visite aux musées, photographie, musicothérapie… L’association Aurore a organisé une journée destinée à ses salariés et à ses partenaires au musée du Quai Branly à Paris autour de l’accompagnement culturel et artistique. Pour les travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés et psychologues présents autour de la table, les activités culturelles, bien qu’encore insuffisamment déployées, redonnent du plaisir et du pouvoir d’agir aux personnes accompagnées comme aux accompagnants.

L'association Aurore organisait une journée pour réfléchir sur le sens et l'impact des pratiques culturelles intégrées à l'accompagnement social. Crédits : Carenews
L'association Aurore organisait une journée pour réfléchir sur le sens et l'impact des pratiques culturelles intégrées à l'accompagnement social. Crédits : Carenews

 

« J’ai l’intime conviction que l’accès à la culture est indispensable à l’intégration sociale », soutient Laura Gerotto. Cette assistante sociale au sein de l’hôpital de jour des Cévennes, est présente ce jeudi 18 avril au musée du Quai Branly pour la journée professionnelle autour de la culture organisée par l’association Aurore, qui œuvre auprès de personnes en situation de précarité ou d’exclusion. L’objectif affiché de la journée par Aurore, « apporter une réflexion sur le sens et l’impact des pratiques culturelles intégrées à l’accompagnement social, dans un contexte où le travail social est en mutation ».

L’hôpital de jour des Cévennes, qui fait partie des structures d’Aurore, accueille des patients adultes souffrant de troubles psychiques. Dans leur accompagnement, il a inclus depuis octobre 2021 des ateliers de photographie. Un moyen de lever les freins sociaux que sont les préjugés intériorisés et le sentiment de honte liés aux maladies psychiatriques, affirme Laura Gerotto. 

« Il s’agit d’acter un déplacement symbolique et de changer la position sociale et individuelle », explique l’assistante sociale. Les personnes qu’elle accompagne décident avec elle d’un thème avant de réaliser les photographies puis d’en imprimer certaines et participent à des visites d’exposition photographiques. L’objectif promu par le centre est de favoriser l’implication des 11 patients qui prennent part aux ateliers et de faire reculer la place des soignants vers un rôle de soutien.

 

L’art pour renouer le lien social

« Du côté des enfants, les ateliers créent un apaisement et une ouverture à l’autre », rapporte quant à elle Aude Constantin, psychologue clinicienne au sein du centre d’hébergement d’urgence de l’association Aurore à Neuilly-Plaisance. 

Au sein du centre où elle exerce, Aude Constantin utilise l’art et notamment la musicothérapie pour renouer la relation parents-enfants et y apporter de nouveau du plaisir.

« Les familles qui arrivent dans le centre ont déjà eu un parcours complexe et chaotique, et elles entament un nouveau parcours du combattant pour accéder aux droits », raconte Aude Constantin, également présente pour témoigner au musée du Quai Branly.

Dans ce contexte difficile pour la santé mentale des familles, accentué par une promiscuité dans les logements, les relations familiales peuvent être dégradées. Les ateliers artistiques sont alors déployés par le centre pour favoriser des liens familiaux, tissés dans des moments plus doux et agréables. 

 

Sortir du cadre ordinaire

Les droits culturels sont défendus par l’association Aurore comme des droits fondamentaux dont il faut garantir l’accès aux personnes en situation de fragilité et d’exclusion.

Les activités culturelles sont également présentées comme un moyen pour les salariés du secteur social d’envisager leur métier différemment. « On sort de cette logique de domination inconsciente », fait remarquer Nicole Otso, éducatrice spécialisée au Caarud 93. 

Ainsi, le centre d’accueil de l’association Aurore qui agit auprès d’usagers de drogues à Aulnay-sous-Bois propose des activités culturelles et sportives une à deux fois par mois depuis 2021. « Cela montre aux usagers qu’ils peuvent prendre du plaisir par un autre moyen que leur consommation. Les visites font aussi un peu tomber l’étiquette d’usagers de drogues qui n’est pas toujours facile à porter », met en avant Nicole Otso.

Les activités organisées, comme des visites de musée, permettent de sortir du cadre ordinaire et créent un espace de liberté pour les bénéficiaires, comme pour les travailleurs du centre d’accueil. 


À lire aussi : Les initiatives culturelles à soutenir qui allient art et solidarité 


 

Un espace de liberté pour plus d’écoute et d’observation

Cette liberté permise par l’organisation d’activités culturelles et artistiques est relevée par Gérard Creux, sociologue et responsable pédagogique à l’Institut régional du travail social de Franche-Comté. 

Dans une enquête qu’il a menée auprès des travailleurs sociaux, Gérard Creux note un « désenchantement » du métier de travailleur social et une « crise structurelle » de la profession, causée par une rationalisation du métier où les comptes à rendre et la logique de rentabilité se renforcent. Une situation qui tend à créer une « crise de sens » chez les travailleurs sociaux. 

Dans ce contexte, la mise en place d’activités artistiques et culturelles permet de sortir des activités bureaucratiques et logistiques et transforme la relation avec les bénéficiaires des services sociaux. « Les travailleurs sociaux sortent d’une forme de violence symbolique vis-à-vis de ceux qu’ils accompagnent. Ils ont moins de contrôle extérieur et peuvent organiser l’accompagnement des personnes comme ils le souhaitent », rapporte-t-il.

Les activités culturelles et artistiques permettent en outre de revenir vers une pratique du métier plus subjective tournée vers l’écoute, l’observation et l’animation, explique le sociologue. 

« Ce n’est pas une solution miracle », nuance-t-il toutefois. Les effets, certes bénéfiques pour les travailleurs sociaux, restent individuels et n’apportent pas de solution globale à la crise.

 

Élisabeth Crépin-Leblond

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