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Par Carenews INFO - Publié le 1 décembre 2023 - 09:00 - Mise à jour le 19 décembre 2023 - 17:58 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Chez Médecins du Monde, les débats sur l’aide médicale de l’État suscitent l’inquiétude

L’antenne de l’association Médecins du Monde à Paris reçoit trois fois par semaine des étrangers, demandeurs d’asile et en situation irrégulière, pour des consultations médicales et pour les accompagner dans l’accès aux soins. Pour les salariés et bénévoles présents sur place, une suppression de l’aide médicale de l’État pèserait sur leur situation.

Des médecins bénévoles reçoivent en consultation des patients sans couverture maladie. Crédits : Elisabeth Crépin-Leblond
Des médecins bénévoles reçoivent en consultation des patients sans couverture maladie. Crédits : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Dans la salle d’attente du local de la délégation Île-de France de Médecins du Monde à Paris, une dizaine de personnes attendent d’être reçues. D’origines étrangères, certaines sont sans-papiers en situation irrégulière, les autres demandeurs et demandeuses d’asile. 

Parmi eux, Cherik Dieng a rendez-vous avec un travailleur social pour l’aider à réaliser sa demande d’accès à l’aide médicale de l’État (AME). Arrivé du Sénégal il y a quelques mois et pour l’instant sans-papiers, il doit réaliser des examens de santé. Plus loin dans la salle, un autre homme originaire du Maroc est venu pour obtenir de l’aide car il doit changer ses lunettes. 

Pour eux, comme pour les autres présents ce jour-là, Médecins du Monde est une des premières portes vers la prise en charge médicale. « Nous avons un rôle de passerelle », explique Marthe Chabrol, la coordinatrice du programme CAOA pour « Centre d’accueil, d’orientation et d’accompagnement ». Les personnes reçues ici pour la première fois sont prises en charge par un accueillant social et par un médecin qui établit un premier diagnostic. Encore sans couverture sociale, elles ont ici accès à une consultation médicale gratuite.

« Nous recevons les patients, écoutons leurs plaintes et évaluons leurs pathologies. Nous pouvons prescrire quelques médicaments mais c’est plutôt symptomatique» , explique Marianne Gaudric, une des médecins bénévoles. 

 

Une mission d’orientation des patients

Les deux tiers des patients, nécessitant un second diagnostic ou la réalisation d’examens, sont redirigés vers les permanences d’accès aux soins de santé (PASS), des cellules publiques implantées au sein des hôpitaux. Les plus vulnérables bénéficient également du suivi du travailleur social de l’association. 

« 90% des patients qui arrivent ici n’ont aucune couverture sociale », explique Marianne Gaudric. 

L’association informe les patients sur leurs droits et les oriente vers le système de santé. Les demandeurs d’asile ont droit à la prise en charge par l’Assurance maladie et à la Complémentaire santé solidaire (CSS) au bout de trois mois de présence en France. Les étrangers en situation irrégulière peuvent quant à eux accéder aux soins grâce à l’aide médicale de l’État. 

 

La suppression de l’AME, une mesure qui inquiète

Le dispositif, accordé pour un an sous conditions de résidence et de ressources, est au cœur des débats du projet de loi « immigration » en ce moment étudié par les députés. Sa suppression, votée par le Sénat et depuis rejetée par l’Assemblée nationale en commission, inquiète les salariés et bénévoles de Médecins du Monde. 

« C’est un drame si on supprime l’AME », se désole Marianne Gaudric. Son remplacement par une aide médicale d’urgence, comme envisagé, impliquerait l’impossibilité pour les patients d’avoir accès au suivi de la médecine de ville ou aux soins hospitaliers autres que les PASS ou les urgences. Une situation qui diminuerait les soins accessibles et provoquerait un engorgement de services et d’associations déjà saturés qui accueillent les personnes sans droits. « On devra se multiplier par trois », estime la médecin, bénévole chez Médecins du Monde depuis sept ans. 

« Ça nous inquiète beaucoup », confie-t-elle. L’ancienne gastro-entérologue à l’hôpital public pense notamment aux diabétiques ou aux hypertendus, qui ont besoin de traitements et de suivis réguliers. « Ils peuvent avoir des complications graves. Sans traitement, certains seront handicapés à vie ». Et devront subir des hospitalisations plus longues et plus onéreuses. Marianne Gaudric s’inquiète également pour les patients atteints de maladies virales comme le sida ou l’hépatite B. « S’ils ne peuvent pas avoir leur surveillance et leur traitement mensuel, leurs complications coûteront beaucoup plus cher à la société », met-elle en avant. 

Même si elle a été rétablie par les députés en commission, l’AME fait toujours l’objet de l'attention parlementaire. Un rapport doit être rendu sur le sujet le 4 décembre. « Les lois n’évoluent jamais dans le bon sens », dénonce un des travailleurs sociaux, Charly Laleau,en rappelant l’exemple de l’Espagne. Le pays avait supprimé l'équivalent de l'AME en 2012 avant de le rétablir en 2018, notamment face à la hausse de la mortalité des personnes sans-papiers. 

Marianne Gaudric est médecin bénévole.
Marianne Gaudric est médecin bénévole. Crédits : Elisabeth Crépin-Leblond

 

La demande de l’AME, « un parcours du combattant » 

En charge d’une quinzaine de suivis, Charly Laleau réfute l'idée d'un « appel d'air »  créé par l’AME qui attirerait des personnes souffrantes. « Huit personnes sur dix ne savent pas qu’elles sont malades en arrivant en France. Et 49 % des personnes qui pourraient avoir l’AME ne la demandent pas », argumente-t-il. Le travailleur social met également en avant les difficultés administratives auxquelles sont confrontés les demandeurs de l’aide médicale de l'État. 

Pour bénéficier du dispositif, les étrangers en situation irrégulière doivent fournir certains justificatifs dont un de domiciliation. Mais la domiciliation des personnes en situation de précarité est souvent compliquée et « il y a une véritable suspicion de fraude », rapporte Charly Laleau. À Paris, les organismes qui peuvent faire de la domiciliation pour les personnes à la rue sont saturés. Quant aux CPAM, certaines sont pointilleuses, voire plus exigeantes que la loi. « Elles demandent systématiquement un passeport comme pièce d’identité ou des attestations sur le parcours des personnes », explique Charly Laleau. 

« C’est un véritable parcours du combattant », ajoute Marthe Chabrol. Pour les deux, la suppression de l’AME serait une erreur qui coûterait plus cher à l’État et compliquerait leur travail. « Cette situation pèse sur le moral », confie Charly Laleau.

Charly Laleau est travailleur social pour Médecins du Monde.
Charly Laleau est travailleur social pour Médecins du Monde. Crédits : Elisabeth Crépin-Leblond

 

 

Elisabeth Crépin-Leblond 

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