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Par Carenews INFO - Publié le 7 novembre 2023 - 12:00 - Mise à jour le 26 janvier 2024 - 01:30 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Projet de loi « immigration » : les associations insurgées font entendre la voix des exilés

À la Gaîté Lyrique (Paris), lundi 6 novembre, plusieurs associations se sont réunies pour s’opposer au projet de loi Immigration. Le but : donner la parole aux personnes concernées alors qu’au même moment s'ouvrent les débats au Sénat.

Des personnes exilées et membres de structures associatives prennent la parole sur le projet de loi «immigration ». Crédit photo : Elisabeth Crépin-Leblond
Des personnes exilées et membres de structures associatives prennent la parole sur le projet de loi «immigration ». Crédit photo : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Le projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », porté par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, est contesté par plus d’une quinzaine d’associations et collectifs qui agissent pour les droits des personnes exilées en France. Alors que les débats s’ouvrent ce lundi 6 novembre au Sénat, les structures se sont réunies à la Gaîté Lyrique à Paris pour faire entendre la voix des personnes concernées qui évoluent dans diverses structures associatives.

« Les premiers concernés ne sont pas invités à faire entendre leur voix », déplore Camila Rios Armas, présidente de l’association Singa Paris et directrice d’UniR, une association qui aide les personnes exilées à poursuivre des études en France. « Nous refusons cette vision utilisatrice de la migration comme une variable d’ajustement », s’indigne la vénézuélienne arrivée en France il y a neuf ans. 

Régularisation des travailleurs sans papiers, réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), suppression de l’aide médicale de l’État,... Les motifs de contestation des associations au sujet du projet de loi sont nombreux. 

 

 un juge unique à la Cour nationale du droit d’asile

Nayan NK, originaire du Bangladesh, est arrivée en France en 2002 à l'âge de 10 ans. Aujourd’hui interprète et président de l’association Solidarités Asie France, il dénonce la suppression de la collégialité des juges de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). L’article 20 du projet de loi prévoit en effet la généralisation du juge unique comme nouvelle norme de la CNDA. Une affaire ne pourra être renvoyée devant une formation collégiale seulement si elle « pose une question qui le justifie ». Or, pour Nayan NK, les deux assesseurs nommés pour l’un par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et pour l’autre par le Conseil d’État, présent dans la formation collégiale que la loi pourrait supprimer, « sont souvent les seuls à maîtriser concrètement les faits ». La réforme « porte atteinte à l’impartialité de la justice », accuse-t-il, alors même que « les décisions de la CNDA conditionnent l’avenir des personnes ».

Camila Rios Armas est présidente de l’association Singa Paris et directrice d’UniR.
Camila Rios Armas est présidente de l’association Singa Paris et directrice d’UniR. Crédit photo : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Les travailleurs sans papiers mobilisés

Plusieurs membres de différents collectifs locaux de travailleurs sans papiers étaient notamment présents pour dénoncer le projet de loi. L’article 3 est l’un des points les plus sensibles du texte. Il prévoit l’obtention d’une carte de séjour d’un an et sous certaines conditions pour les personnes étrangères exerçant une activité professionnelle considérée comme « en tension ». Pour obtenir sa carte de séjour, la personne doit justifier de sa présence en France depuis trois ans, que son activité concerne un métier ou une zone géographique en tension et qu’elle l’ait exercée au moins huit mois sur les 24 derniers. 

La disposition « enferme les personnes exilées dans un certain nombre de métiers et dans des zones géographiques », critique Bchira Ben Nia, médiatrice interculturelle en langue. « La personne doit prouver qu’elle a travaillé pendant un certain temps alors qu’elle n’a pas le droit de travailler », pointe l’exilée d’origine tunisienne également membre du bureau de l’Union des Étudiants Éxilés et des travailleurs sans papiers. 

L’article 4 du projet de loi envisage quant à lui l’accès au travail immédiat de certains demandeurs d’asile originaires de pays à risque. Le projet  « crée une situation inégalitaire en ne se basant pas sur des critères individuels qui sont pourtant la base de la demande d’asile », s’insurge Nayan NK.

 

l’ordre public, « une notion floue » pour justifier une expulsion

Pour Mody Diawara, président du Collectif sans papiers de Montreuil, « le projet de loi est dans la continuité de la circulaire Darmanin qui consiste à systématiser les Obligations de quitter le territoire français (OQTF)  et les expulsions ». L’homme né en Côte d’Ivoire et arrivé en France en 2018 estime que le texte présenté au Sénat « ne va que renforcer le nombre de personnes sans papiers ce qui est alarmant ». 

Plusieurs articles visent en effet à « améliorer le dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public ». L’article 10 prévoit qu’un étranger peut « faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français si son comportement constitue une menace grave pour l’ordre public ».

Pour Dembélé Aboubacar, militant du Collectif des travailleurs sans papiers de Vitry Île-de-France, ce dispostif « est une négation totale des droits de l’homme ». « La menace à l’ordre public n’est pas caractérisée, il n’y pas de définition juridique », constate-t-il.

Mody Diawara est président du Collectif sans papiers de Montreuil.
Mody Diawara est président du Collectif sans papiers de Montreuil. Crédit photo : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Autre point de tension, la suppression de l’Aide médicale de l’État (ame)

La suppression de l’aide médicale de l’État (AME) votée par la commission des lois du Sénat et remplacée par une aide médicale d’urgence limitée au « traitement des maladies graves et douleurs aiguës », aux « vaccinations réglementaires » et aux « soins liés à la grossesse », suscite l’inquiétude d’ Hamada Siby, membre du collectif des sans papiers de Montreuil et de la Marche des solidarités. En France depuis cinq ans, le Malien est confronté à des problèmes de santé. Pour lui, la suppression de l’AME « met en danger des milliers de personnes ». Au-delà, cela poserait un réel problème de santé publique. Les sans papiers « ne sont pas en dehors de la société », appuie le militant. Pour l'instant, la mesure n'est pas soutenue par la majorité présidentielle.

Les associations d’aide aux exilés ont également contesté d’autres points du projet de loi comme l’obligation de connaître un minimum la langue française pour obtenir un titre de séjour. « Le projet de loi fait de la langue française une condition de l’accès aux droits et non un facteur d’inclusion », critique notamment Camila Rios Armas. La « compréhension du fait migratoire n’est pas du tout à la hauteur des enjeux », résume la secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte.

 

Elisabeth Crépin-Leblond 

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