Comment Biocoop s’engage pour le développement d’une agriculture biologique durable
Depuis près de 40 ans, le réseau Biocoop soutient le développement d'une agriculture et d'une alimentation bio de qualité. Frédéric Faure, vice-président de la coopérative Biocoop, et Dalila Habbas, déléguée générale de son fonds de dotation, expliquent à Carenews comment cet engagement est mis en oeuvre au quotidien au sein du réseau.
Créé en 1986, le réseau Biocoop, qui regroupe 742 magasins de produits biologiques, a pour ambition de favoriser une alimentation saine et de soutenir une agriculture durable. La coopérative a également créé, en 2014, un fonds de dotation, qui poursuit les mêmes objectifs, en soutenant divers acteurs associatifs de la transition écologique. Entretien avec Frédéric Faure, vice-président de la coopérative Biocoop et lui-même gérant du magasin Biocoop Les Artisons à Firminy (Loire), et Dalila Habbas, déléguée générale de son fonds de dotation.
- Biocoop est le premier réseau de vente de produits biologiques en France, avec 742 magasins, 8200 salariés et un chiffre d’affaires total de 1,6 milliard d’euros. Comment se porte la coopérative dans un contexte difficile pour l’agriculture biologique ?
Frédéric Faure : Biocoop se porte plutôt bien. À la fin août 2024, notre chiffre d’affaires était en progression de 8 % par rapport à l’année précédente. Cela montre que les consommateurs souhaitent avoir des pratiques plus responsables, consommer des produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable.
En revanche, en amont, la filière bio ne se porte pas bien, et n’est pas soutenue par les pouvoirs publics, ce que nous regrettons fortement car l’agriculture biologique est clé pour faire face aux enjeux environnementaux actuels.
De notre côté, nous travaillons étroitement avec les paysans. 3000 fermes bio sont sociétaires de la coopérative Biocoop, participent à sa gouvernance et sont aussi nos fournisseurs.
La filière bio ne se porte pas bien, et n’est pas soutenue par les pouvoirs publics, ce que nous regrettons fortement car l’agriculture biologique est clé pour faire face aux enjeux environnementaux actuels."
Frédéric Faure, vice-président de Biocoop
- Quels types de produits proposez-vous dans les magasins Biocoop ?
F.F. : Tous les produits que nous vendons sont bio, et nous avons un cahier des charges extrêmement exigeant dans ce domaine. Les critères que nous avons adoptés sont bien plus stricts que les normes européennes sur la bio, notamment.
Parallèlement nous avons également beaucoup développé le commerce équitable, qu’il s’agisse du commerce avec les pays du Sud ou du commerce avec le Nord, et notamment dans nos achats aux paysans français. À travers cette démarche, il s’agit de proposer une juste rémunération aux producteurs bio. Le commerce équitable représente aujourd’hui près de 26 % de nos ventes. Et à nous seuls, nous représentons 17 % de l’ensemble des ventes de commerce équitable en France, tous produits confondus.
- Comment s’organise votre gouvernance et vos prises de décisions ? Cela ne doit pas être évident dans une structure de votre taille.
F.F. : La gouvernance de la coopérative Biocoop est constituée de quatre collèges : le collège des magasins, celui des paysans associés (les 3000 fermes biologiques dont je parlais précédemment), celui des sociétaires salariés et celui des consommateurs. Tous sont représentés au conseil d’administration et participent aux décisions de l’assemblée générale.
Nous avons une gouvernance démocratique qui fonctionne bien. Mais par ailleurs il faut souligner un paradoxe. Nos 740 magasins sont portés par environ 620 structures juridiques qui sont membres de la coopérative. Mais toutes ces structures juridiques n’ont pas forcément elles-mêmes un statut d’économie sociale et solidaire (ESS). Seules une centaine d’entre elles sont des coopératives, notamment des Scop ou des Scic, 140 sont des sociétés commerciales de l’ESS, 5 des associations. En revanche, 380, donc à peu près la moitié, ont des statuts commerciaux classiques.
C’est l’un des points sur lesquels nous discutons beaucoup entre nous, pour trouver des points d’accord, notamment sur la question du partage de la valeur. Nous incitons également beaucoup les porteurs de projets à créer leurs magasins sous forme d’ESS.
- Biocoop a lancé un fonds de dotation en 2014. Dans quels domaines intervient-il ?
Dalila Habbas : Notre fonds de dotation est conçu comme la continuité du projet de Biocoop de favoriser une alimentation saine et une agriculture durable.
Nous intervenons dans trois domaines : la lutte contre la précarité alimentaire à une alimentation bio et de qualité pour tous ; la justice climatique et sociale ; et le développement de territoires autonomes et résilients. Sur le premier volet, nous sommes dans une logique d’innovation sociale : nous travaillons avec les acteurs des territoires pour identifier des besoins sociaux sur ces territoires et voir comment nous pouvons arriver à y répondre.
Par exemple, avec le Groupement des épiceries sociales et solidaires de Rhône-Alpes (Gesra) et en lien avec les bénéficiaires de ces épiceries, nous avons imaginé le programme « Bio vrac pour tous », qui consiste à rendre accessible des produits bio en vrac de qualité dans les épiceries sociales et solidaires. Nous y menons aussi des ateliers de sensibilisation à l’alimentation biologique. Ce projet a été expérimenté de 2015 à 2017, puis déployé en 2018 sur tout le territoire national au bénéfice d’autres acteurs associatifs de la solidarité alimentaire.
Nous travaillons avec les acteurs des territoires pour identifier des besoins sociaux sur ces territoires et voir comment nous pouvons arriver à y répondre."
Dalila Habbas, déléguée générale du fonds de dotation Biocoop.
Sur le volet Justice climatique et sociale, nous avons par exemple soutenu le documentaire Pourquoi on se bat , co-réalisé par Camille Etienne. Nous appuyons aussi le tour de France d’Alternatiba, le mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale. L’enjeu pour nous est d’éveiller au maximum les consciences à l’urgence climatique pour donner envie au plus grand nombre de s’engager pour l’environnement et la biodiversité.
Enfin, sur le volet « Développement de territoires autonomes et résilients », notre objectif est de soutenir des initiatives locales et innovantes sur deux thématiques : l’insertion professionnelle par l’emploi dans les métiers de la transition écologique et de la bio, mais aussi la protection du patrimoine naturel.
Ainsi, sur le volet insertion, nous avons lancé depuis deux ans le « prix Creadie de la transition écologique inclusive », en partenariat avec l’Adie. Nous soutenons également des projets d’insertion de territoire comme « Les transformations solidaires de fruits et légumes en Provence » avec l’association Le Village. Quant à la protection du patrimoine naturel, nous nous engageons aux côtés d’ONG agissant en faveur de la défense du foncier agricole, de la solidarité paysanne comme Terre de Liens, ou en faveur de la lutte contre les OGM et les pesticides comme Générations Futures.
- Vous menez également un plaidoyer important sur la collecte de produits alimentaires par la grande distribution. Que dénoncez-vous dans ce domaine ?
D.H. : La plupart des magasins de grande distribution participent à des opérations de collecte alimentaire au profit d’associations qui redistribuent ces produits à des personnes qui ont peu de moyens. Cela est très positif. Ce qui l’est moins, c’est qu’en réalité certains de ces magasins font des bénéfices plus ou moins importants lors de ces collectes car celles-ci entraînent des hausses des ventes, et la plupart d’entre eux ne redistribuent absolument pas ces bénéfices aux associations.
C’est pourquoi dans le réseau Biocoop, nous organisons des collectes bio solidaires à l’issue desquelles les magasins Biocoop participants reversent à leurs associations partenaires les marges liées aux produits achetés par leurs clients pour la collecte, sous forme de dons financiers. Cela a représenté 75 000 euros reversés en 2024, avec plus de 300 magasins Biocoop impliqués. Il a été décidé lors de notre dernière assemblée générale qu’à partir de l’édition 2025, il sera obligatoire pour tous les magasins Biocoop de participer à cette collecte bio solidaire. Les montants de nos dons devraient donc augmenter.
Nous plaidons pour que toute la grande distribution s’inspire de cette démarche pour mettre en place des systèmes de collecte plus éthiques.
Propos recueillis par Camille Dorival