Comment l’ESS peut-elle assurer une transition écologique juste ?
Le Labo de l’ESS a publié mardi 14 mars l'étude « Réussir une transition écologique juste ». Elle met en lumière la manière dont des initiatives de l’ESS contribuent à cette transition sur l'ensemble du territoire. Détails.
Qu’est-ce qu’une société juste et durable ? Comment des initiatives d’économie sociale et solidaire contribuent-elles à la transformation vers une telle société ? Dans une étude publiée ce mardi 14 mars, le think tank Le Labo de l’ESS tente de répondre à ces questions. Les auteur.rice.s effectuent un important travail de définition de la notion de « transition écologique juste ». Ils montrent que des initiatives de l'ESS contribuent à construire une société plus durable.
Qu’est ce qu’une transition écologique juste ?
À l’issue d’échanges menés avec des acteur.rice.s engagés dans 25 initiatives de l’ESS mêlant engagement écologique et social, les auteurs aboutissent à une définition d’une transition écologique juste.
« La transition écologique juste désigne une transformation radicale et démocratique de notre société visant à assurer tant la soutenabilité écologique de cette dernière qu’une réponse digne et suffisante aux besoins de tou·te·s et l’émancipation de chacun·e. » Extrait de l’étude « Réussir une transition écologique juste ».
Cette transition est « radicale », car elle « agit sur les causes profondes » de la double crise écologique et sociale. L’une de ces causes : notre économie, « dirigée selon un principe dominant de recherche du profit », au détriment de la protection des ressources naturelles, des activités peu génératrices de richesses matérielles comme la santé ou la culture et en renforçant les inégalités socio-économiques.
L’économie sociale et solidaire porte un modèle alternatif à ce système, elle « se révèle naturellement une actrice clé sur laquelle s’appuyer pour mener la transition écologique juste ». Elle répond à des besoins plutôt qu’à une quête de profit, promeut des modes d’organisations démocratiques et se caractérise par un caractère « pionnier dans bien des champs de la transition écologique ».
Comment l’ESS contribue-t-elle à l’émancipation des citoyen.ne.s ?
Le rapport identifie sept besoins centraux, comme « se déplacer », « se loger » ou « être en bonne santé », les façons dont l’ESS y répond et des exemples d’initiatives associées. Ce tour d’horizon des contributions sociales et écologiques du secteur permet aux auteur.rice.s de conclure qu’en plus de satisfaire des besoins, ces initiatives facilitent l’émancipation des personnes.
Par l’accueil, l’écoute et l’échange, d’abord. Le tiers-lieux Les Amarres, à Paris, accueille des personnes isolées, demandeuses d’asile ou réfugiées, mais aussi des initiatives de l’ESS dans un espace partagé et le grand public dans une buvette solidaire. En même temps qu’elles réunissent ces publics, les associations y déploient une programmation culturelle et répondent aux besoins de « se cultiver et se divertir ».
L’émancipation repose aussi sur la transmission de connaissances et de savoir-faire. Par exemple, La Rebooterie organise des ateliers de réparation d’outils numériques à Toulouse, facilitant par la même occasion l’équipement durable.
Enfin, l’accompagnement social lève « les freins à l’autonomie individuelle ». Par exemple, les salarié.e.s en insertion des Jardins du Cœur de Gien se forment à la production sans pesticides de fruits et légumes et bénéficient également d’un accompagnement dans la construction de leur projet professionnel, peuvent passer leur permis et améliorer leurs compétences linguistiques.
Une échelle intermédiaire entre l’individu et la société
D’après les auteur.rice.s, l’ESS ne se focalise pas sur les « petits gestes » des individus, mais ne se réduit pas non plus à une transformation « macro » à l’échelle nationale ou globale (...) dont on voit mal comment elle pourrait être déconnectée d’évolutions profondes dans les aspirations et les comportements individuels. » Une partie des initiatives créent aussi des collectifs plus ou moins formels, ancrés à l’échelle locale, à un niveau médian.
« Les dynamiques locales portées par les initiatives de l’ESS constituent donc un espace intermédiaire, rendant possible une action collective dans laquelle l’individu n’est pas noyé et peut appréhender concrètement les effets de sa contribution. » Extrait de l’étude « Réussir une transition écologique juste »
À la clé : l’entretien d’un sentiment d’appartenance, le développement de pratiques de réciprocité, la participation de chacun.e à la prise de décision et la possibilité de se rendre compte de son impact positif. À Pipriac-Saint-Ganton, par exemple, les salarié.e.s sont associé.e.s à la gouvernance de l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Celle-ci associe donc participation et insertion économiques, en recrutant des personnes « durablement privées d’emploi » en contrat à durée indéterminée pour développer des activités utiles à la société. À l’Accorderie Cœur des Bauges, les adhérents échangent du temps plutôt que de la monnaie : ces unités de temps leur permettent d’échanger des services.
Enfin, plutôt que d’augmenter leur taille et de perdre ainsi leur convivialité, les initiatives se multiplient sur le territoire. Quand c’est utile, elles se mettent en réseau dans des actions de coopération et de mutualisation des ressources en créant une forme de croissance alternative.
Célia Szymczak 
