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Par Carenews PRO - Publié le 2 mars 2023 - 10:00 - Mise à jour le 21 novembre 2023 - 15:03 - Ecrit par : Christina Diego
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Timothée Duverger : « Il pourrait y avoir une nouvelle loi Schiappa de l’ESS après 2024 »

Ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux où il dirige la Chaire TerrESS, Timothée Duverger publie un dernier ouvrage « L’économie sociale et solidaire » aux éditions La Découverte. L'occasion pour la rédaction de le rencontrer pour évoquer la place de l’ESS dans les enjeux socio-économiques européens et internationaux actuels, et l'évaluation de la loi Hamon, prévue en 2024, voulue par la ministre en charge de l’ESS, Marlène Schiappa.

Timothée Duverger, Ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux où il dirige la Chaire TerrESS. Crédit : TD
Timothée Duverger, Ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux où il dirige la Chaire TerrESS. Crédit : TD

 

  • Des actes forts ont été pris ces derniers mois pour diffuser l’ESS aux niveaux international et européen. Quelles sont les prochaines étapes ?  

 

Une échéance importante est attendue en avril 2023 avec l’adoption d’une résolution à l’ONU sur le rôle de l’ESS dans la réalisation des ODD. C’est une façon de positionner l’économie sociale comme une réponse aux retards pris par les ODD. Cela permettrait d’intégrer l’ESS davantage dans les programmes de l’ONU et d’encourager les différents États et collectivités locales à développer des politiques publiques de l’économie sociale et solidaire. En juin 2022, l’OIT (organisation internationale du travail) et l’OCDE avaient adopté une recommandation en faveur de la diffusion de l‘ESS. On peut donc s’attendre à un développement de l’ESS assez conséquent au niveau international dans les pays du Sud notamment sur l’ODD 8 qui concerne le travail décent et la protection des travailleurs.  

Au niveau européen, un plan d’action à l’ESS a été annoncé en décembre 2021, qui doit être porté politiquement. L'Union européenne sera sous la présidence espagnole de Yolanda Diaz, ministre chargée du Travail et de l'Économie sociale dans le gouvernement espagnol actuel, à partir de juillet prochain jusqu’en décembre. 

Il y a un enjeu de diffusion du modèle de l’ESS principalement dans les pays de l’Est. Ce sont des pays qui sont sortis du communisme pour basculer directement dans le libéralisme, une troisième voie, celle de l’ESS, pourrait être possible pour eux. Une recommandation du conseil est prévue à l’automne prochain.

 

  • Autre chantier, autre échéance politique, la réévaluation de loi ESS de 2014 a été annoncée par Marlène Schiappa. Le périmètre même de la loi serait-il concerné ? La ministre a évoqué vouloir retoucher l’agrément ESUS ? 

 

C'est essentiellement une évaluation des financements effectués pour l’ESS par le Parlement qui débutera cet été. Le Conseil supérieur de l’ESS commence à y travailler également.  La ministre a d’ores et déjà annoncé devant le bureau du conseil qu’il n’y aura pas de modifications de l’article 1 sur le périmètre de l’ESS. Les acteurs ne veulent pas modifier la définition de l’ESS, d’ailleurs, elle n’est pas contestée et ne pose pas de problèmes ni juridique ni politique. Une autre raison, cette même définition est en train d’être adoptée au niveau onusien et européen. 

Il pourrait y avoir éventuellement un petit réajustement des entreprises ESUS et des sociétés commerciales, mais à la marge, notamment du fait qu’il y ait peu de contrôles actuellement sur le fonctionnement participatif de ces entreprises. 

 

  • Quels sont les principaux enjeux de cette évaluation ? 

À mon sens, il y en a deux. Le premier concerne l'article 2 de la loi sur l’utilité sociale. ESS France a adopté en décembre 2021, une déclaration politique pour une République sociale et solidaire dans laquelle il y a la définition « d’une raison d’agir » de l’ESS par différenciation à « la raison d’être ». Il pourrait donc y avoir dans l’article 2 une introduction de la raison d’agir de l’ESS et une procédure visant à évaluer sa mise en œuvre, par exemple, par la révision coopérative à l'ensemble des acteurs de l’ESS. Un deuxième enjeu est la question de la territorialisation de l’ESS. Dans la loi de 2014, il y avait peu d’éléments concernant la vie des territoires. Il y a, certes, les conférences régionales de l’ESS organisées avec l’État tous les deux ans, un article sur les PTCE. Mais pas grand chose d'autre. 

En revanche, il me semble important de renforcer les moyens affectés aux CRESS, qui ont environ un million d’euros de budget actuellement, ce qui est peu comparé aux CCI, et leurs missions pour qu’elles deviennent des actrices structurantes de la création d’activité dans les territoires. 

 

  • Pourquoi la question de la territorialisation est-elle si importante ?

 

La première loi a permis la reconnaissance de l’ESS, mais avec un développement assez faible. Elle a besoin maintenant de se développer au niveau territorial notamment pour la création d'entreprise, c’est crucial. Quand des entrepreneurs veulent donner du sens à leur activité, s’engager pour des enjeux sociaux et environnementaux, il faut qu’ils aient accès aux modèles de l’ESS.

Aujourd’hui, les CRESS ne peuvent pas les accompagner comme il se doit. Il faut donc leur donner des moyens de le faire, ainsi qu’aux différents acteurs territoriaux, les incubateurs d’innovation sociale, les pépinières d’entreprises, etc. 

Il y a un enjeu également au niveau des initiatives de coopération territoriale. C’est ce que j’appelle la Responsabilité territoriale des entreprises. Comment faire en sorte de développer toutes les dynamiques de coopération pour mettre un territoire en transition ? C’est essentiel. Il y a aussi un sujet sur la transmission des entreprises PME et TPE. Il y a un vieillissement des dirigeants et une difficulté à trouver des repreneurs, d’où des taux de radiation élevés d’entreprises et d'emplois. Il faudrait trouver un outil législatif et réglementaire efficace pour transmettre les sociétés aux salariés, notamment à travers les coopératives.

 

  • À votre avis, peut-on s’attendre à une nouvelle loi Schiappa de l’ESS après 2024 ?  

Il pourrait y avoir une nouvelle loi si la ministre prend en compte les éléments évoqués précédemment, la raison d’agir et la territorialisation de l’ESS, sinon cela sera des modifications à la marge, plus cosmétiques qu’autre chose. Elle pourrait toutefois aller plus loin et se pencher sur les compétences des collectivités locales notamment revenir sur la clause générale de compétences des départements. Ce sont les principaux financeurs de l’ESS. C’est un vrai sujet.  

 

Christina Diego 

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