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Par Carenews INFO - Publié le 22 septembre 2025 - 17:16 - Mise à jour le 22 septembre 2025 - 17:27 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Comment notre épargne pourrait financer la transition écologique

Face aux besoins d’investissements importants pour la transition écologique, plusieurs voix proposent de réorienter l’épargne des Français, qui atteint des montants massifs. Cela est-il possible ? Quelles seraient les modalités, et surtout, pour quels résultats ? Décryptage.

Plusieurs acteurs économiques et ONG proposent de mieux orienter l'épargne vers la transition écologique. Crédit : iStock.
Plusieurs acteurs économiques et ONG proposent de mieux orienter l'épargne vers la transition écologique. Crédit : iStock.

 

En France, l'épargne atteint des montants significatifs : plus de 2 000 milliards d’euros placés sur les seuls contrats d’assurance-vie, près de 956 milliards d’euros pour les produits d’épargne réglementée, dont les livrets A ou développement durable (LDDS), par exemple. En prenant en compte l’ensemble des placements financiers des ménages, le total s’élève à 6 356 milliards d’euros fin 2024, selon la Banque de France.  

Dans l’absolu, cet argent pourrait davantage servir à la transition écologique, qui nécessite des financements importants. En effet, les investissements publics et privés pour le climat doivent augmenter « au minimum » de 87 milliards d’euros à horizon 2030, selon le think tank I4CE.  Développement des transports en commun, électrification des véhicules, remplacement des systèmes de chauffage, rénovation des bâtiments, décarbonation de l’industrie... Les besoins sont multiples.  

 

d'autres projets financés par l'épargne

 

Actuellement, l’épargne des Français n’est pas toujours investie vers des projets compatibles avec les objectifs climatiques, bien qu'il existe des labels certifiant des fonds responsables. Reclaim finance dénonce même « des financements massifs vers les énergies fossiles (...), à rebours de l’urgence climatique ». « Les principales banques françaises, BPCE, Société générale, le Crédit agricole et BNP Paribas continuent de soutenir l’expansion des énergies fossiles, à des degrés différents », déplore Julie Sansoucy, chargée de campagne pour l’ONG spécialisée. « Nous faisons bien la différence entre le développement de nouveaux projets et le financement du secteur fossile, qu’il serait difficile d’arrêter complètement », précise-t-elle. 

Selon Reclaim finance toujours, deux tiers des assureurs-vie pouvaient « encore réaliser, via leur fonds euros [une partie des supports utilisés dans ces contrats] de nouveaux investissements dans des entreprises développant de nouveaux champs de pétrole et de gaz », en 2024. 84 % des fonds d’épargne salariale « investissent aujourd’hui dans des entreprises développant de nouveaux projets de charbon, pétrole et gaz », constatait-elle encore la même année. 

Autre exemple : les fonds placés sur les livrets A et les LDDS. Ils représentent plus de 600 milliards d’euros d’encours et sont gérés à 60 % environ par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), un établissement public. Dans ce cas, ils servent notamment au financement du logement social, de la politique de la ville et à des « projets d’intérêt général » via des prêts. Une autre partie est investie par la CDC en placements financiers. Le reste des fonds placés sur les livrets A et LDDS est employé par les banques. Ils contribuent au financement de la transition écologique et l’économie sociale et solidaire, mais aussi, de façon plus massive, au financement des petites et moyennes entreprises (PME) sans conditions de durabilité.  

 

Améliorer la transparence 

 

« L’épargne des Français est principalement investie sur des produits à faible rendement et hors de l’Europe », ajoute Flavie Houdin, responsable affaires publiques « énergie et finance » du mouvement d’entreprises « engagées » Impact France. Cela se traduit par un « financement insuffisant des besoins stratégiques de notre économie », dont la « transition énergétique », peut-on lire dans un « manifeste » sur le sujet paru le 29 août dernier.  

Le mouvement formule donc des propositions pour faire évoluer la situation. « Nous les avons travaillées avec plusieurs réseaux de la finance, d’entreprises du secteur, des fonds d’investissement », explique Flavie Houdin. Impact France constate d’abord la méconnaissance par les épargnants de l’utilisation de leur argent et propose notamment d’améliorer la transparence sur la durabilité des contrats d’assurance-vie.  

 « L’épargne des Français a été soumise à plein de fantasmes politiques différents : elle pourrait financer la défense, la dette, la relance de l’économie. Nous considérons que les épargnants sont à même de faire les bons choix, mais sans transparence, c’est impossible », confirme Julie Sansoucy, de Reclaim finance. Elle cite les chiffres du Forum pour l’investissement responsable (FIR) : selon cette autre ONG, la moitié (51 %) des épargnants déclare accorder une place « importante » ou « très importante » aux impacts sociaux et environnementaux dans les placements. Reclaim finance propose de créer un « écoscore » des produits financiers permettant d’identifier ceux qui excluent les entreprises engagées dans la production énergies fossiles en général, ceux qui excluent celles développant des projets de pétrole, gaz et charbon, de même que les produits n’ayant pas de politiques sur la question.  

 

Des incitations fiscales pour orienter l’épargne ?  

 

Et si l’information ne suffisait pas ? Depuis 2022, les conseillers bancaires sont en principe déjà tenus d’interroger les clients sur leur préférence en matière de durabilité et de leur recommander des placements adaptés à celles-ci. « Pour vraiment changer d’échelle, il faudrait un encouragement des investissements responsables », souligne Julie Sansoucy.  Impact France suggère « d’orienter par défaut une part significative et croissante » des contrats d’assurance-vie ainsi que des plans d’épargne salariale, dans des investissements durables certifiés par des labels existants, comme Greenfin ou Investissement socialement responsable (ISR). Les épargnants conserveraient la possibilité de refuser.  

Dans ce cas, ils ne sélectionneraient pas toujours ces fonds, s’ils s'intéressent avant tout à la sécurité et la disponibilité du placement, ou à sa rentabilité. La moitié (51 %) d’entre eux considère uniquement la performance financière dans les choix d’investissement, par rapport à l’impact positif et à niveau de risque équivalent, selon la société d’investissement CPRAM avec OpinionWay.  « C’est quelque chose que nous avons bien en tête », abonde Julie Sansoucy. Ainsi, Reclaim finance suggère de mettre en œuvre des dispositifs fiscaux pour orienter davantage l’épargne vers la durabilité. D'après elle, un système de bonus-malus pourrait par exemple permettre de taxer « davantage une épargne placée sur des fonds qui participent au changement climatique, ou de façon moindre une épargne investie durablement ».  Impact France propose aussi des incitations fiscales pour orienter l’épargne vers des « actifs utiles à l’économie ». 

 

Un cadre réglementaire à faire évoluer 

 

« L’épargne n’est pas un levier à ignorer », estime de son côté Mathieu Garnero, chef de service économie et finance à l’Ademe, l’agence gouvernementale de la transition écologique. Il considère par exemple que les fonds placés sur les livrets A contribuent utilement à la rénovation des bâtiments. Mais il s’interroge : « est-ce que ce sont les investissements qui manquent, ou des projets rentables, portés par les entreprises ? Nous avons quand même une grande capacité privée de financement ». 

Il insiste donc sur la nécessité de « créer les conditions pour que ces projets puissent être mis en place ». En d’autres termes, il faut que le contexte économique et réglementaire incite à s’engager sur des projets verts. « C’est plutôt la transition qui va réorienter l’épargne que l’épargne qui va réorienter la transition. Le meilleur moyen d’électrifier le parc automobile, c’est d’interdire la vente de véhicules thermiques en 2035, par exemple. Des aides publiques peuvent rendre la décarbonation rentable et intéressante pour les entreprises », illustre Mathieu Garnero.  « Sans normes qui favorisent la transition, on risque de rester dans une situation de niche, avec quelques produits qui répondent à un certain nombre de critères, mais on aura du mal à passer à quelque chose de plus ambitieux », alerte-t-il.  

 

Célia Szymczak 

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