COP 30 de Bélem : quels sont les enjeux ?
La trentième conférence des Nations unies sur le climat se tiendra du 10 au 21 novembre 2025 au Brésil. Relancement du multilatéralisme, financements, inclusion des populations autochtones, adaptation au changement climatique… Carenews revient sur les principaux enjeux de cette grande réunion internationale.
La trentième conférence des Nations unies sur le climat s’ouvrira lundi 10 novembre à Belém, au Brésil. Près de dix ans après la signature de l’accord de Paris, lors de la COP 21 en 2015, cette réunion internationale doit se pencher sur une situation plus que jamais d’actualité. En effet, selon le programme de surveillance de la terre de l’Union européenne Copernicus, 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée depuis 1850, dépassant pour la première fois le seuil des 1,5 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle.
En 2025, une étude d’un groupe de chercheurs français a également conclu que la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C – objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris- était désormais impossible.
La COP 30 doit être la COP du renouveau climatique ». Monique Barbut, ministre de la Transition écologique.
Relancer le multilatéralisme autour de la lutte contre le réchauffement climatique
Malgré ce contexte, l’accord de Paris a eu des résultats, défend la ministre de la Transition écologique Monique Barbut dans une table ronde organisée par la commission du développement durable du Sénat mercredi 5 novembre. « Il y a dix ans, la trajectoire d’augmentation des températures était de 4 à 5 °C. Aujourd’hui nous sommes entre 2 et 3°C », relève la ministre, pour qui l’accord de Paris « est le dernier grand accord multilatéral que nous avons été capable de construire ces vingt dernière années », sur les questions climatiques.
Dix ans plus tard, et alors que l’ensemble des articles de l’accord de Paris ont été finalisé depuis Bakou, « la COP 30 doit être la COP du renouveau climatique », argumente-t-elle. Parmi les enjeux, cette édition ouvre notamment le troisième cycle des contributions déterminées au niveau national (CDNN), des feuilles de route climat par État, prévues de manière quinquennale par l’accord de Paris. « Ce qui compte désormais, c’est la qualité des feuilles de route et la réelle mise en œuvre du Bilan mondial de 2023 », estime dans un communiqué le Réseau action climat. Prévu par l’accord de Paris, le bilan mondial est une évaluation des progrès réalisés depuis la signature de 2015. Il identifie également les chantiers persistants pour atteindre les objectifs climatiques ainsi que les approches nationales et internationales permettant de renforcer les efforts. À partir du premier bilan de 2023, il doit être réalisé tous les cinq ans.
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Un contexte diplomatique tendu
La conférence de Bélem s’ouvre cependant dans un contexte diplomatique tendu. Après avoir annoncé en janvier leur retrait de l’accord de Paris, les États-Unis, deuxièmes émetteurs de gaz à effet de serre au niveau mondial, n’enverront aucun représentant de haut niveau à la COP 30. La Chine en revanche, première émettrice devant les États-Unis, sera bien présente, après avoir annoncé en septembre un objectif de réduction de ses émissions de 7 à 10 % d’ici à 2035. Une ambition considérée comme faible, mais qui devrait être largement dépassée, selon le Centre de recherche sur l’énergie et l’air.
De leur côté, les pays de l’Union européenne sont parvenus in extremis le 5 novembre à un accord, actant un objectif de réduction de 90 % de leurs émissions de gaz à effet de serre en 2040, par rapport à 1990, et de réduction de 66,25 % à 72,5 % d’ici à 2035. Le Brésil, pays hôte de la COP et particulièrement affecté par les effets du dérèglement climatique, a quant à lui affirmé son ambition de maintenir une mobilisation collective pour une action climatique, incluant non seulement les États mais aussi les entreprises, les collectivités et la société civile, et ce malgré les vents contraires.
Mobiliser des financements
Le président brésilien Lula souhaite notamment mettre au cœur des discussions la protection des forêts, en particulier amazoniennes. Dans ce cadre, le Brésil se mobilise pour la création d’un fonds d’investissement pour lutter contre la déforestation en zone tropicale, le « Tropical forever forest facilities » (TFFF), avec un objectif de financement de 125 milliards de dollars. Le Brésil est cependant par ailleurs critiqué pour avoir autorisé récemment un projet de recherche d’hydrocarbures océaniques au nord-est du pays.
D’une manière générale, « un des enjeux de cette COP portera sur le financement de la transition mondiale », appuie Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat. « La COP 29 a fixé l’objectif de mobiliser au moins 1 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035, à travers de financements publics et privés. Les discussions à Belém devront désormais préciser les modalités concrètes », précise le sénateur du Doubs.
À l’issue de la COP 29, cet engagement des pays riches avait été jugé largement insuffisant par les pays en développement, soutenant qu’il ne leur permettait pas d’avoir les ressources nécessaires pour s’attaquer aux conséquences de la crise climatique. De son côté, l’Agence française de développement (AFD) s’est par exemple engagée à consacrer au moins 6 milliards d’euros par an au climat sur période 2025-2027 et 800 millions d’euros par an à la biodiversité, à travers sa nouvelle feuille de route « Planète 2025-2030 ».
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Toujours dans le but d’attirer des investisseurs, la présidence brésilienne portera également un agenda visant à « multiplier par quatre la production mondiale et l’utilisation de carburants durables d’ici à 2035 ». Des annonces sont en outre attendues de la part de la coalition d’États engagés en faveur de la taxation des billets d’avion premium et des voyages en jet privé, dont fait partie la France, tandis que la régulation des flux financiers mondiaux sur les objectifs de l’accord de Paris fait également partie des points mis en avant par le Brésil.
La crise climatique conduit indéniablement à une crise sociale ». Secours Catholique.
Inclure tous les peuples dans les discussions
« Dix ans après son adoption, l’accord de Paris s’impose toujours comme le seul outil multilatéral capable de fixer un cap collectif face à l’urgence climatique », défend le Réseau action climat. Avec d’autres ONG, la fédération environnementale plaide pour « mettre les populations autochtones au cœur de l’action climatique ».
« La COP30 doit créer un précédent pour une meilleure prise en compte des besoins et voix des populations autochtones, dont les savoirs et savoir-faire sont vitaux pour concevoir des stratégies d’atténuation et d’adaptation plus efficaces », argumente le Réseau action climat. Sur la lutte contre la déforestation, le réseau estime que « des mesures urgentes sont nécessaires pour dépasser la fragmentation des actions actuelles ». « Elles doivent s’articuler avec les calendriers de sortie des combustibles fossiles, s’appuyer sur un mandat conjoint des Conventions de Rio et intégrer des indicateurs robustes permettant de suivre l’intégrité écologique, les bénéfices de l’adaptation fondée sur les écosystèmes et le risque d’effondrement des écosystèmes », ajoute-t-il, plaidant pour un plan international de lutte contre la déforestation. Le Réseau action climat s’est également prononcé en faveur de la création du « Mécanisme d’action de Belém », un organe permanent qui aurait pour fonction « de coordonner et d’accélérer les efforts pour que la transition soit réellement équitable ».
« La crise climatique conduit indéniablement à une crise sociale », abonde le Secours catholique dans un communiqué. L’association, qui a mené une enquête internationale avec plus de 150 témoignages de terrain, insiste sur « la nécessité de garantir une répartition équitable des bénéfices et responsabilités liés aux réponses climatiques, de reconnaître les savoirs et les priorités des populations concernées, et de considérer la participation des personnes aux processus de décision ».
Définir l’objectif mondial d’adaptation aux changements climatiques
Alors que « les catastrophes climatiques aggravent la pauvreté et créent de nouvelles fragilités, tandis que la précarité rend les populations plus vulnérables face aux chocs climatiques », selon le Secours catholique, la question de l’adaptation au changement climatique, bien que moins mentionnée par les Brésiliens, sera également un des enjeux de la COP 30. Les États seront ainsi chargés de progresser sur la définition de l’objectif mondial d’adaptation (OMA) prévu par l’article 7 de l’accord de Paris, « qui ne connaît pas encore de traduction opérationnelle, faute d’indicateurs fiables pour mesurer les efforts et les moyens fournis », selon Jean-François Longeot.
« La France doit soutenir des décisions ambitieuses qui placent l’adaptation et les pertes et dommages au centre de l’agenda climatique », défend le Réseau action climat.
La fédération plaide notamment pour des contributions annuelles « ambitieuses, prévisibles et pluriannuelles » au Fonds d’adaptation au changement climatique (officiellement lancé en 2007), qui permettraient de « pleinement déployer son potentiel et jouer un rôle clé en complémentarité avec le Nouvel objectif collectif quantifier (NCQG), qui doit intégrer un pilier fort sur les pertes et dommages ».
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Pour que l’objectif mondial d’adaptation devienne pleinement opérationnel, le réseau appelle également à le relier à un financement concret. « Un engagement ferme des pays développés est nécessaire pour relier les moyens de mise en œuvre aux indicateurs, en veillant à ce qu’ils reflètent un financement accessible, équitable et sensible au genre », plaide le Réseau action climat.
La priorité est de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre ». Plateforme Océan Climat.
Intégrer davantage la recherche scientifique
Enfin, la Plateforme océan et climat (POC), qui regroupe différents acteurs de la société civile avec l’appui de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’Unesco, appelle à consolider les moyens accordés à la recherche, et à faire un meilleur usage de ces connaissances à travers leur diffusion au grand public et leur intégration aux processus de décisions.
« La priorité est de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, de mettre fin aux pratiques néfastes et de s’assurer de ne pas en introduire de nouvelles (ex : exploitation des grands fonds marins) », argumente la POC.
« Les puits carbone sont soumis à un stress. Ils absorbent moins », appuie le ministère de la Transition écologique français en conférence de presse, appelant à ce que « le méthane soit un des sujets discutés lors de la COP 30 ».
Les organisations de la POC militent notamment pour la décarbonation du transport maritime, alors que l’adoption du plan mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre des navires de commerce a été repoussé en octobre, sous la pression de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, et des États-Unis.
Dans cette optique, elles plaident pour la fin des subventions aux énergies fossiles et à tout nouveau projet d’extension « tout en planifiant le démantèlement des installations pétrolières et gazières offshore », et pour la transition des industries maritimes « vers des modèles à moindre impact environnemental et social ». Elles appellent à ce que « nos systèmes socio-économiques, financiers et politiques » soient repensés en profondeur.
Élisabeth Crépin-Leblond 