COP 30 : « aucune ambition concrète » sur les énergies fossiles, le financement et la déforestation, déplorent les ONG
La déclaration finale de la 30e conférence des Nations Unies sur le climat n’a pas été à la hauteur des ambitions affichées par les États à l’ouverture de l’évènement. Les associations environnementales regrettent un manque d’engagement des pays riches, en particulier concernant les financements, la lutte contre la déforestation et la sortie des énergies fossiles.
La 30e conférence des Nations Unies sur le climat (COP 30) s’est achevée samedi 22 novembre à Belém, au Brésil. Dix ans après la signature de l’accord de Paris, « ce qui aurait pu être une COP historique laisse un goût d’inachevé », regrette la Fondation Tara Océan, qui agit pour la protection des océans. Comme d’ autres ONG de protection de l’environnement, elle salue quelques avancées, mais les estime largement insuffisantes.
« Les manquements honteux sur la finance climat à la COP 29 par les pays du Nord et le manque d’ambition des feuilles de route climat de plusieurs pays ont miné les chances de cette COP d’atteindre tous ses objectifs », analyse de la même manière le Réseau action climat. « La COP 30 a offert une lueur d’espoir, mais bien plus de désillusions », résume quant à elle Viviana Santiago, directrice exécutive d’Oxfam Brésil.
Des modalités toujours imprécises pour atteindre les objectifs de financement
Au cœur de la COP 30 : la question des financements nécessaires à la transition mondiale. À Bakou en Azerbaïdjan, la COP 29 avait en effet consacré un objectif de mobilisation d’au moins 1 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035. Charge restait aux États d’en définir les modalités concrètes lors de la COP 30.
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À Belém, les négociations sur le financement ont finalement conduit à l’adoption d’un objectif de triplement des financements consacrés à l’adaptation au changement climatique d’ici à 2035, et non à 2030 comme le proposait la présidence brésilienne dans l’avant-dernière version du texte final. « Il faut encore savoir ce que l’on compte "tripler". L’absence de chiffres précis et l’horizon repoussé à 2035 laissent les pays les plus vulnérables sans perspective concrète pour faire face à l’intensification des impacts climatiques », considère le Réseau action climat, estimant cet objectif « truffé de faiblesses ».
« Hélas, les caisses sont vides, et la plupart des pays riches se remettent à nouveau au monde de la finance et à des contributions volontaires pour trouver des "fonds climatiques”, comme pour le nouveau Fond “éternel” pour la forêt tropicale (Tropicalf orest forever fund) lancé par le Brésil et la Colombie », déplore de son côté la Fondation Tara Océan.
« Les populations du Sud global sont arrivées à Belém avec de l’espoir, en quête de véritables avancées sur l’adaptation et le financement, mais les pays riches ont refusé de fournir les financements d’adaptation indispensables. Cet échec laisse les communautés en première ligne de la crise climatique exposées aux pires impacts, avec très peu d’options pour survivre », abonde encore Oxfam.
La pression des lobbies, une présidence qui a gardé le texte en secret pendant trop longtemps, plus les mauvaises conditions de travail sur place ont fait capoter les ambitions brésiliennes ». Fondation Tara Océan.
L’absence de feuille de route concernant la sortie des énergies fossiles
Un autre grand échec de la COP est l’absence de feuille de route de sortie des énergies fossiles dans la décision finale. Malgré l’ambition affichée du Brésil dès le début de la réunion internationale, ce document, qui devait permettre à chaque État de décrire la manière dont il prévoyait concrètement de sortir des énergies fossiles, n’a pas vu le jour. Mentionné pour la première fois à la COP 28 de Dubaï, le terme « énergies fossiles », n’est même pas présent dans la déclaration finale de Belém.
« Près de 90 pays du Nord comme du Sud ont appelé à l’élaboration d’une feuille de route pour concrétiser l’engagement pris à Dubaï et la Colombie a même mis sur la table une proposition, soutenue par 24 pays, pour une sortie plus concrète et plus juste (...). Cependant, à la suite de pressions, cette initiative n’a pas trouvé sa place» dans la déclaration finale, dénonce le Réseau action climat. « La pression des lobbies, une présidence qui a gardé le texte en secret pendant trop longtemps, plus les mauvaises conditions de travail sur place ont fait capoter les ambitions brésiliennes », déplore de son côté la Fondation Tara Océan. « Nous restons sur une trajectoire à +2,6°C en 2100 au lieu de +1,5°C actés par l’accord de Paris », relève-t-elle.
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Un sommet sur la sortie des énergies fossiles, hors cadre onusien
À la place, un « accélérateur mondial de mise en œuvre » de la sortie des fossiles a été proposé. Cette initiative, reposant sur la base du volontariat, fera l’objet de deux sessions de travail en juin et en novembre 2026 dans le but de préparer un rapport, qui sera remis à la COP 31.
Un sommet sur la transition juste hors des combustibles fossiles sera également organisé en dehors du cadre des COP les 28 et 29 avril 2026, sous la direction de la Colombie et des Pays-Bas.
« Le Brésil doit désormais travailler en toute transparence avec la Colombie et les Pays-Bas [...] mais aussi avec les États du Pacifique afin de transformer l’essai. Le monde était prêt à tourner la page des énergies fossiles mais une poignée l’en a empêché », appuie le Réseau action climat.
La déclaration finale ne mentionne aucunement les moteurs de la déforestation, ni la nécessaire transition des systèmes alimentaires ». Réseau action climat.
Un accent mis sur les forêts, mais sans réel impact
Alors que la protection des forêts devait également être au cœur de la COP 30, les ONG estiment que la conférence internationale n’a pas tenu ses promesses sur ce point. « Ce moment historique aurait dû aboutir à un plan d’action et un calendrier clair pour mettre fin à la déforestation d’ici 2030 […] nous n’avons obtenu que des engagements volontaires, laissant la possibilité aux industries de continuer à détruire les écosystèmes pour engranger des profits », pointe le Réseau action climat, regrettant que « la déclaration finale ne mentionne aucunement les moteurs de la déforestation, ni la nécessaire transition des systèmes alimentaires ».
Ce réseau d’associations de protection de l’environnement rappelle que « les systèmes alimentaires représentent environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre et l’agriculture industrielle demeure l’un des principaux facteurs de destruction des forêts ». « Ne rien inscrire sur ces enjeux centraux dans une COP au cœur de l’Amazonie est profondément décevant », estiment-elles.
De son côté, la Fondation Tara Océan souligne que, malgré un accent largement mis sur les forêts, « les actions en faveur de solutions pour l’océan ont progressé ». La fondation et le Plateforme Océan et Climat ont par ailleurs rejoint un plaidoyer sur le rejet de la géo-ingénierie sur le carbone appliqué à l'océan, « une proposition polémique qui divise la communauté scientifique ».
La lueur d’espoir réside dans le Belém Action Mechanism proposé, qui place les droits des travailleurs et la justice au cœur de la sortie des énergies fossiles ». Oxfam.
Le mécanisme de transition juste : une avancée saluée
Les ONG saluent quelques avancées.. Parmi elles, la mention du développement d’un mécanisme de transition juste dans le texte final. Celui-ci est destiné à améliorer le partage des connaissances et savoirs-faire afin que la transition écologique ne pénalisent pas certaines populations.
« Une des victoires de cette COP est la reconnaissance [dans la déclaration finale] des droits – le droit du travail, mais aussi à la santé, l’éducation, la sécurité sociale – de toutes les personnes et pays qui vont devoir être accompagnés et soutenus dans la transition vers un monde durable » met en avant le Réseau action climat. La fédération d’association appelle à sortir d’un modèle extractiviste « pillant par exemple les sols des pays en développement pour alimenter le Nord Global en minerais sans aucun respect des droits humains et du droit du travail ».
« La lueur d’espoir réside dans le Belém Action Mechanism proposé, qui place les droits des travailleurs et la justice au cœur de la sortie des énergies fossiles. Mais sans financement des pays riches, la transition énergétique juste risque d’être paralysée dans de nombreux pays », prévient de son côté Oxfam.
« La COP30 n’a apporté aucune ambition concrète sur les “3F” : les énergies fossiles, les financements et les forêts. Mais les millions de personnes mobilisées dans le monde, et les dizaines de milliers dans les rues de Belém, montrent que l’espoir vit en dehors des murs de la conférence, là où les populations continuent de résister et de se mobiliser pour la justice et pour la planète », analyse enfin Jasper Inventor, directeur adjoint du programme chez Greenpeace International.
Élisabeth Crépin-Leblond 