Tara : 20 ans d’explorations scientifiques au service de l’océan
La goélette de la Fondation Tara Océan a jeté l’ancre à Paris jusqu’au 5 octobre. Depuis son acquisition en 2003, ce bateau réaménagé en laboratoire sillonne les océans pour réaliser des expéditions scientifiques. En avril 2025, un deuxième navire a été mis à l’eau par la fondation : la Tara Polar Station, dédiée aux recherches dans l’océan Arctique.

Sur les quais de Seine à Paris, au pied du Grand palais, les hauts mâts détonnent avec le reste du paysage. Tous les week-ends jusqu’au 5 octobre, la goélette de la Fondation Tara Océan accueille des visites publiques.
« L’objectif est de parler de l’océan et de sensibiliser à sa protection », explique Bérengère Roche, la directrice de la communication de la fondation. Depuis son acquisition en 2003 par la créatrice de mode Agnès b et son fils, le navire sillonne les océans du globe lors d’expéditions scientifiques. Parmi les travaux menés à son bord, une partie notable est dédiée au « peuple invisible de l’océan » : le plancton. Ces micro-organismes qui dérivent avec le courant marin sont analysés directement à bord du navire et recensés dans la base de données de la fondation, accessible gratuitement à tous les chercheurs.

À bord de Tara, se trouvent donc d’ordinaire trois laboratoires permettant de les étudier. Le « Wet Lab » implanté sur le pont arrière, permet de filtrer l’eau récoltée grâce à une rosette, tandis que le « Dry Lab » installé à l’intérieur de la cale sert à trier les échantillons. « L’Underway Lab », installé en 2016, permet quant à lui de récupérer de l’eau en continu sous le bateau grâce à une pompe et de réaliser un premier tri du plancton, à l’aide de l’intelligence artificielle.
De retour de l'Unoc, Tara veut préserver la dynamique
« Les espaces ont été réaménagés pour la conférence des Nations unies sur l’océan, l’Unoc », explique cependant Morgan Andrieu, le capitaine actuel de Tara, tout en réalisant la visite du bateau. La fondation, dotée du statut d’observateur spécial à l’ONU, mène en effet des activités de plaidoyer en faveur d’une protection internationale des océans.
Ses membres étaient donc présents en juin à Nice, pour l’Unoc. « Cet événement a été un vrai catalyseur, qui a mis un gros coup de projecteur sur les enjeux de l’océan », se réjouit Bérengère Roche. Parmi les avancées notables, la directrice de la communication pointe notamment la hausse des ratifications réunies concernant le traité sur la biodiversité en haute mer. Ce dernier en recense aujourd’hui 56 sur les 60 nécessaires pour son entrée en vigueur.
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La conférence de Nice a également été l’occasion d’un appel de 95 pays en faveur d’un traité ambitieux contre les pollutions plastiques. Si les négociations internationales sur ce texte ont encore échoué cet été, « mieux vaut ne rien avoir, qu’un traité décevant », se rassure la directrice de la communication. « Il faut continuer dans la dynamique de l’Unoc », appelle-t-elle.


Une prochaine expédition pour étudier la résilience des coraux
À l’issue de son séjour dans la capitale, la goélette rejoindra son port d’attache, Lorient, afin de se préparer pour sa nouvelle expédition. Le départ est prévu le 14 décembre, direction le « Triangle de corail » dans l’Océan pacifique, afin d’étudier la résilience inhabituelle de récifs coraliens au réchauffement climatique.
« Nous savons qu’il y a des coraux qui résistent au blanchissement. L’objectif est de les étudier pour comprendre ce phénomène », détaille Bérengère Roche. L’exploration, prévue jusqu’en 2028, permettra également de retourner sur une route déjà échantillonnée par Tara il y a dix ans lors de sa mission « Tara Pacific ».
« Le bateau a déjà réalisé treize expéditions scientifiques », comptabilise Morgan Andrieu. Lors des voyages, l’équipage est généralement constitué de six marins, six scientifiques, un correspondant de bord et un artiste en résidence. « Le consortium scientifique monté pour chaque expédition décide de l’objectif de la mission et fixe un protocole à respecter. Cela permet de respecter une rigueur scientifique et de nourrir la base de données », explique la directrice de la communication.
Durant l’une de ses premières expéditions, en 2006-2008, le bateau a notamment dérivé durant 507 jours dans la banquise arctique. Sa coque, en forme de noyau d’olive, lui a permis de se faire prendre dans la glace, créant un camp de base idéal pour réaliser des prélèvements à plus de 1 500 mètres de fond et étudier la fonte de la banquise sous l’effet du réchauffement climatique.
Tara Polar Station : un deuxième navire dédié aux recherches sur l’Arctique
Un travail que la fondation compte perpétuer à travers son deuxième navire mis à l’eau en avril : la Tara Polar Station. Après plus de dix ans de réflexion, cinq ans de conception et 18 mois de construction, cette station scientifique flottante ressemble aujourd’hui à une soucoupe volante. Pensée pour les régions polaires, elle est en cours de test en Norvège.
« Les pôles vivent le réchauffement climatique trois à quatre fois plus vite que le reste de la planète. De plus, il y a un réel besoin d’échantillonner en Arctique », explique Bérengère Roche. Le bateau, qui peut accueillir à son bord une cinquantaine de scientifiques, et qui a reçu un soutien à hauteur de 13 millions d’euros par la France dans le cadre de sa stratégie pour les pôles, devrait partir à l’été 2026 pour sa première mission de 18 mois au cœur de l’Arctique.

Si tout se passe comme prévu, la fondation prévoit de réaliser dix expéditions au cours des vingt prochaines années. « Le but est d’étudier l’Océan arctique de mi-juillet à novembre de l’année d’après », déroule Bérengère Roche. « Nous voulons mieux comprendre ce qui s’y passe pour être davantage en mesure de le protéger », appuie-t-elle.
Tara espère analyser la fonte des glaces, mais aussi identifier de nouveaux micro-organismes pour compléter sa base de données. La fondation souhaite également continuer sa sensibilisation, comme en emmenant la Tara Polar Station le 19 octobre prochain pour le sommet annuel de l'Assemblée du Cercle arctique à Reykjavik.
Élisabeth Crépin-Leblond