Dividende salarié, actionnariat salarié… faut-il aller plus loin dans le partage de la valeur en entreprise ?
Sans aller jusqu’au dividende salarié, une loi pourrait être votée permettant de généraliser le partage de la valeur à toutes les entreprises. Mais comment aller plus loin pour mieux répartir la richesse créée ?
Il fallait avancer sur le partage de la valeur. Le gouvernement s’est engagé à retranscrire dans une loi le projet d’accord entre le patronat et les syndicats nommé « le partage de la valeur au sein de l’entreprise ». Il prévoit notamment l’obligation de mettre en place un mécanisme de partage de valeur pour les entreprises entre 11 et 50 salariés à partir du 1er janvier 2025. Cela s’appliquerait aux sociétés dont le bénéfice net est au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. Il peut s’agir par exemple de l’intéressement ou de la participation.
Les grosses entreprises déjà concernées par le partage de valeur
Les entreprises de plus de 50 salariés doivent déjà proposer un mécanisme de participation qui varie en fonction des dividendes distribués, et peut également mettre en place une prime d’intéressement. Pour ces entreprises, il est prévu d’inclure dans les négociations relatives à la participation/intéressement une thématique relative aux résultats exceptionnels qui ne sont pas forcément pris en compte dans la participation.
Mais ces avancées peuvent apparaître peu suffisantes au regard des résultats plus que positifs affichés cette année par les entreprises cotées. Bénéfice record chez TotalEnergies pour l’année 2022 et donc augmentation du dividende de 6,4 % pour les actionnaires. LVMH a annoncé aussi une belle performance avec un bénéfice net de 14 milliards d’euros pour 2022. Le dividende sera relevé de 20 % ! Deux exemples parmi tant d’autres.
Une super-participation pour des superdividendes ?
Comment aller plus loin ? L’idée d’une super-participation lors de la réalisation de superdividendes avait été mise sur la table par l’exécutif. Les entreprises d’au moins 50 salariés seraient concernées si elles versent des dividendes supérieurs de 20 % à la moyenne des cinq dernières années. Mesure non retenue par les partenaires sociaux. Le texte signé prévoit seulement l’inclusion de discussions autour de ces profits exceptionnels.
Pour certains, ce partage de la valeur d’inspiration gaulliste, qui réconcilie les travailleurs avec le capital, est une mauvaise idée. Pourquoi ? Car il évite de se poser la question de la hausse des salaires. D’ailleurs, une étude de 2018 montre que les salaires ont moins augmenté dans les entreprises qui partagent les profits que dans les autres. De plus, ces revenus variables, liés aux résultats de l’entreprise, sont trop aléatoires. Mieux partager la valeur pourrait donc passer par une revalorisation du travail vis-à-vis du capital davantage que par l’utilisation de ces mécanismes de prime.
L’actionnariat salarié pour impliquer les salariés
Faudrait-il aller plus loin avec l’actionnariat salarié ? C’est un dispositif qui vise à faire entrer les salariés au capital de l’entreprise. L’entreprise peut distribuer des actions de son entreprise gratuitement, ou bien réaliser une augmentation du capital réservée aux salariés. Cela permet au salarié de profiter des bénéfices tout en l’impliquant aux choix stratégiques de l’entreprise. Le Groupe Bouygues est la première entreprise du CAC40 en termes d’actionnariat salarié avec 20,6 % du capital détenu par les salariés. La France est d’ailleurs le pays d’Europe avec le plus de salariés actionnaires.
Face à cet actionnariat salarié classique, l’ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux, Timothée Duverger, propose une alternative sur la table, inspirée des Employee Stock Ownership Plan (ESOP), courants aux Etats-Unis. Elle s’adresse à des entreprises de plus petites tailles. Il la développe dans un article publié sur le site de la Fondation Jean Jaurès. Le principe : l’entreprise crée un fonds d’investissement qu’elle finance grâce aux bénéfices. Il acquiert des actions pour les salariés qui deviennent donc propriétaires de l’entreprise. Cela permet de faciliter la succession en transmettant l’entreprise aux employés. Ils ne pourront céder leurs parts qu'à leur démission ou départ en retraite. Une façon de porter les valeurs coopératives au sein de l’économie classique.
Théo Nepipvoda