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Par Carenews INFO - Publié le 26 février 2025 - 18:11 - Mise à jour le 27 février 2025 - 10:57 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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En Charente-Maritime, la LPO modèle le littoral pour préserver des espèces menacées par le réchauffement climatique

Dans la réserve de Moëze-Oléron dont elle a la gestion, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) met en place des opérations de « restauration de la nature ». Ces aménagements visent à répondre à la modification des habitats des espèces d’animaux présentes, altérés par l’augmentation du niveau de la mer. Ils impliquent également d’adapter les usages humains du littoral. Reportage.

Un vol d'oiseaux au-dessus de la vasière, découverte par la marée. Crédit : Elisabeth Crépin-Leblond
Un vol d'oiseaux au-dessus de la vasière, découverte par la marée. Crédit : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Située entre terre et mer dans la Charente-Maritime, la réserve naturelle nationale de Moëze-Oléron s’étend sur plus de 200 hectares de côte, le long de l’Océan atlantique, et 6500 hectares d’espace maritime. Depuis la plage de Saint-Froult où ses gestionnaires la présentent, l’île d’Oléron et l’île Madame encadrent le paysage, tandis qu’au loin sur la mer, l’île de Ré et le fort Boyard dessinent leurs silhouettes. Dans le ciel du mois de février, un vol blanc bat des ailes. 

Cette propriété du Conservatoire du littoral a été confiée pour sa gestion à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) depuis sa création en 1985. Pour cause, les vasières de grande amplitude, tour à tour submergées et découvertes par les marées, en font un endroit idéal pour l’accueil des oiseaux migrateurs. Quelque 300 espèces passent par la réserve chaque année, et environ 200 s’y trouvent de manière régulière, explique Pierre Rousseau, un garde technicien. Dans les dunes, se niche une espèce menacée de crapaud des sables, le « pélobate cultripède ».

 

Vol d'oiseau au dessus des vasière, Moëze-Oléron
Les vasières hébergent de la nourriture nécessaire aux oiseaux et aux poissons côtiers. Crédit : Elisabeth Crépin-Leblond

 

  

La menace du réchauffement climatique sur la réserve 

  

Préservé des habitations et pourvu du statut de protection de la nature le plus fort de France, avec celui des parcs nationaux, ce petit refuge maritime est pourtant menacé. La montée des océans, sous l’effet du réchauffement climatique et de la fonte des glaces, grignote petit à petit le territoire épargné des constructions urbaines. Ce phénomène provoque une réduction progressive de la réserve et met en péril ses habitants.  

« Pour protéger la diversité des espèces, nous avons besoin de zones de quiétude, de cœur de nature », soutient Cédric Marteau, directeur général de la LPO. L’association de protection de la nature est née en 1912 dans le but d’endiguer la disparition de son animal-emblème, le macareux moine. Aujourd’hui, depuis son siège national situé non loin, à Rochefort, et à travers ses différentes antennes locales, la LPO agit pour la protection de diverses espèces animales. 

« En France, la notion de naturalité [NDLR : qui désigne un milieu naturel sauvage, faiblement ou non maitrisé par l’homme] n’existe plus depuis longtemps. Pendant des siècles, la biodiversité s’est adaptée à une nature modelée par l’activité humaine et cela a donné la richesse que l’on connaît aujourd’hui. Mais avec la transformation climatique actuelle, cette biodiversité se dégrade sans que cela n’entraîne la création de nouvelles espèces », explique le directeur général de l’association.  

 


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Depuis 1980 par exemple, un quart des oiseaux européens et 60 % des oiseaux des champs ont disparu, selon une étude parue en 2023 dans la revue Proceedings of the National Academy of Science et menée par deux scientifiques et un doctorant de l’université de Montpellier. Selon une autre étude publiée en 2017 par la revue PLOS One, les populations d’insectes auraient chuté de 80 % en Europe en trois décennies. En France, la liste des espèces menacées comprend 14 % des mammifères, 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens, 32 % des oiseaux nicheurs et 19 % des poissons d’eau douce. « Nous perdons 20 millions d’oiseaux par an à l’échelle de l’Europe », ajoute le directeur général de la LPO.  

« Avec la croissance urbaine, les espèces "opportunistes", comme les pigeons ou les pies, croissent d’un côté. D’un autre côté, les espèces "spécialistes", c’est-à-dire celles qui ne supportent pas la modification de leur territoire, disparaissent », développe Cédric Marteau.  

Parmi ces espèces dites « spécialistes », se trouve justement le pélobate cultripède vivant dans la réserve de Moëze-Oléron. Ce crapaud, endémique du sud-ouest de l’Europe, a besoin pour vivre de sols meubles ou sableux, comme le sont les milieux dunaires. Un habitat spécifique, qui tend à disparaître à cause de l’urbanisation massive des littoraux.  

 

Dunes et ganivelles de Moeze-Oléron
Les ganivelles limitent l'accès aux dunes pour permettre à la laisse de mer de s'accumuler. Crédit : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Des actions de « renaturation » pour favoriser les espèces 

  

À l’heure de l’ « anthropocène », un terme récent qui désigne la période de l’histoire ayant commencé à partir de la révolution industrielle et dans laquelle l’humain exerce un rôle déterminant sur son environnement, la protection de la biodiversité doit donc passer par des actions concrètes et volontaires, estime la LPO.  

Pour préserver le milieu des espèces présentes dans la réserve malgré les transformations climatiques, l’association met au point des opérations de « restauration de la nature ». Ces dernières font référence à une intervention active de l’homme dans le but de favoriser la biodiversité, et se déploient de manière diverse.  

Il s’agit par exemple du creusement d’une connexion entre les dunes et les mares d’eau douce pour favoriser le passage des crapauds, de l’arrachage d’espèces invasives ou de la construction d’une continuité hydraulique avec les anciens bassins ostréicoles, pour permettre aux espèces envasées comme les anguilles, de grossir.  

 

marée d'eau douce Moëze Oléron
Les mares d'eau douce font partie du milieu du pélobate cultripède. Crédit : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Afin de maintenir le cordon dunaire, l’association a également planté des espèces végétales adaptées avec les élèves du lycée de la mer à proximité et installé des ganivelles. Ces petites clôtures en bois de châtaigner limitent l’accès aux dunes pour permettre à la laisse de mer, c’est-à-dire les débris naturels provenant de l’océan, de s’accumuler. Une action naturelle qui permet de maintenir la dune par la végétation et de fournir de la nourriture aux oiseaux.  

« Nous faisons de la renaturation. Nous accompagnons la nature », explique le conservateur de la réserve Adrien Chaigne. « Nous jardinons, nous aménageons. Ensuite nous regardons si les espèces viennent ou non », résume quant à lui Cédric Marteau. « Notre métier originel était de conserver mais le changement climatique nous impose d’adapter la gestion des espaces protégés et de restaurer la nature », ajoute-t-il. 

 

Adrien Chaigne, LPO
Adrien Chaigne est le conservateur de la réserve. Crédit : Elisabeth Crépin-Leblond

 

Accueillir la mer plutôt que lutter : une philosophie qui demande d’adapter les usages 

  

Face au recul inexorable du trait de côte, l’association a choisi d’aménager la réserve plutôt que de lutter contre sa submersion partielle. « Le long du littoral, des digues ont été aménagées. Mais ici, de simples levées de terre protégeaient la réserve. Il y a quelques années, une brèche s’est ouverte », raconte Adrien Chaigne.  

Dans le territoire de la Charente-Maritime, les digues traditionnelles étaient construites en argile, comme à Moëze-Oléron. Elles permettaient l’exploitation agricole des terres situées sur le littoral. Autrefois sur la partie terrestre de la réserve, des bovins étaient ainsi installées pour paître et les herbes fauchées par les agriculteurs. « C’était intéressant pour la biodiversité », met en avant le conservateur.  

Mais, avec les assauts répétés des flots, la digue en argile s’est effritée. À cause de l’évolution climatique, sa reconstruction est vouée à l’échec, estime la LPO.  

À la place, l’association aménage l’accueil de l’eau de mer dans la réserve pour permettre à celle-ci d’investir progressivement l’espace, « comme une baignoire qui se remplit », explique le conservateur.  Ce type de solutions dites « fondées sur la nature » sont des alternatives aux solutions dites « artificielles » comme la construction de digues en enrochement ou en béton, plus coûteuses et ne répondant que localement au problème. Elles risquent en effet d’aggraver la submersion, en amont ou en aval du trait de côte, par un reversement brutal de l’excédent d’océan. 

« L’eau rentre peu à peu dans ses espaces naturels, ce qui impacte l’ensemble du territoire », expose le conservateur. 

La progression de la mer implique néanmoins d’accompagner l’évolution des usages, pointe Adrien Chaigne. Des réflexions sont par exemple menées pour maintenir ses milieux ouverts à l’agriculture, notamment en y faisant paître des espèces tolérantes au sel, comme des moutons.  

L’adaptation implique aussi de faire reculer les activités humaines qui avaient lieu dans la réserve, comme le pâturage des bovins ou l’ostréiculture. « L’objectif est de faire reculer les zones de chasse pour permettre le recul des zones de réserve », ajoute le conservateur. 

Autant d’évolutions qui nécessitent de trouver de nouveaux espaces naturels à l’arrière des terres et qui peuvent potentiellement soulever des conflits d’usage et d’acceptation de la part des populations.

 

Un projet soutenu par le Fonds Maif pour le vivant
L’adaptation de la réserve au changement climatique a été débutée par la LPO en 2023. Le projet a bénéficié du soutien de la Maif, via la partie de son dividende écologique, consacré aux solutions fondées sur la nature, à hauteur de 200 000 euros. Depuis 2023, 14 projets ont été sélectionnés par la Maif dans le cadre de son dividende écologique pour faire l’objet d’une opération de mécénat, grâce à un partenariat avec le programme Nature 2050 mis en place par la Caisse des dépôts et consignations. Nature 2050 se charge de mener l’appel à projets et met en place le suivi de l’impact des projets sélectionnés.

 

Élisabeth Crépin-Leblond

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