Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 2 novembre 2023 - 11:16 - Mise à jour le 13 novembre 2023 - 09:57 - Ecrit par : Célia Szymczak
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Entretien : à quoi sert le testing, cet outil de lutte contre les discriminations à l’embauche ?

Le gouvernement a annoncé le 27 octobre viser la réalisation d’opérations de testing dans 500 entreprises par an pour identifier des discriminations à l’embauche. En quoi consistent ces pratiques ? Quel est leur intérêt et quelles sont leurs limites ? Décryptage avec l’enseignante-chercheure en économie Pascale Petit, spécialiste du sujet.

Le testing permet de lutter contre la discrimination à l'embauche. Crédits : iStock.
Le testing permet de lutter contre la discrimination à l'embauche. Crédits : iStock.

 

C’est l’une des mesures annoncées par Élisabeth Borne le 27 octobre dernier à l’occasion du Comité interministériel des villes : déployer à partir de 2024 une politique de testing dans 500 entreprises par an pour lutter contre les discriminations. Plusieurs vagues de testing ont déjà été réalisées ces dernières années.

Pascale Petit, professeure d’économie à l’université Gustave Eiffel de Marne-la-Vallée, est spécialiste du testing. Elle explique à Carenews cette méthode. 

 

  • En quoi consiste une opération de testing pour évaluer les discriminations à l’embauche ?

Un employeur reçoit deux candidatures. Une seule différence les distingue. Cela peut être le sexe, le lieu de résidence ou l’origine, en fonction du critère de discrimination auquel on s’intéresse. Si un des deux candidats a plus de succès que l’autre, on pourra l’imputer à de la discrimination parce que cette caractéristique démographique choisie est la seule différence entre les deux candidatures. Ces candidatures sont fictives, on les construit de toute pièce, ce qui permet de bien les égaliser à l’exception de ce critère de discrimination. On reproduit ça sur un très grand nombre d’entreprises et d’offres d’emploi. 

 

  • Quels peuvent-être les effets de ces opérations sur les entreprises ? 

Ces opérations peuvent les aider à sortir du déni, qui est assez fort. Lorsque j’ai fait ma thèse, j’ai échangé avec des directeurs des ressources humaines qui m’expliquaient que les discriminations n'existent pas. Or, toutes les campagnes de testing réalisées en France, en particulier sur le critère de l’origine, mettent en lumière des discriminations fortes et persistantes à l’embauche. Il faut donc montrer que la discrimination n’est pas un fantasme et bien une réalité. 

Il faut montrer que la discrimination n'est pas un fantasme et bien une réalité. »

L’outil de testing peut aussi permettre de concevoir des politiques publiques. Cela figurait dans le programme d’Emmanuel Macron en 2017. On peut l’utiliser pour construire une politique de name and shame. L’idée est d’avertir les entreprises qu’elles vont faire l’objet de testings, et que si ceux-ci montrent qu’elles pratiquent des discriminations, leur nom sera publié. Cela permettrait aux consommateurs de se détourner des entreprises qui ne seraient pas éthiques.

 


À lire aussiLa formation des recruteurs, une solution contre les discriminations à l’embauche ? 


 

  • Un testing peut-il être vain, si les entreprises ne font pas évoluer leurs pratiques ? 

Je ne pense pas que ce soit vain. Au contraire, je plaiderais plutôt pour que ces opérations de testing soient répétées. Il faut faire évoluer les mentalités et effacer les stéréotypes. À ce titre, le testing est un outil qui est important, même si ce n’est pas le seul. 

Les résultats des campagnes sont très médiatisés et permettent à la société de s’emparer de ce problème important. En prouvant l’existence de discriminations à l’embauche, le testing légitime aussi les politiques publiques contre les discriminations. 

 

Les résultats des campagnes (...) permettent à la société de s'emparer de ce problème important. 

 

  • Y-a-t-il des limites méthodologiques à cette expérience ? 

C’est la seule méthode qui permet de façon indiscutable de mettre en évidence des discriminations à l’embauche. Il y a vraiment un consensus dans la littérature internationale. 

Pour autant, elle ne permet pas d’évaluer l’ampleur de la discrimination à l’embauche sur le marché du travail, c’est-à-dire de produire un chiffre qui moyennerait les comportements discriminatoires des entreprises françaises. C’est une mesure très partielle, ponctuelle, souvent assez localisée. 

De plus, le testing concerne l’accès à un entretien d’embauche. Or, la discrimination dans le domaine professionnel n’intervient pas qu’au moment de la sélection des CV. Elle peut aussi avoir lieu pendant l’entretien et au cours de la carrière professionnelle. 

 

Propos recueillis par Célia Szymczak 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer