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Par Carenews INFO - Publié le 9 mars 2022 - 12:00 - Mise à jour le 9 mars 2022 - 12:48 - Ecrit par : Christina Diego
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Face à la santé précaire des femmes à la rue, quelles réponses?

Le nombre de personnes sans abri augmente et avec lui, la part des femmes. Invisibles, ces femmes sont très souvent en errance près des gares des centres-villes. Comment aller vers elles et répondre à leurs besoins de santé ? Éclairages.

Aller vers les femmes en errance dans les gares pour leurs besoins en santé. Crédit : iStok
Aller vers les femmes en errance dans les gares pour leurs besoins en santé. Crédit : iStok

 

Cette année encore, la Nuit de la Solidarité a mis en exergue une réalité qui ne cesse de s'accentuer : 10 % des personnes sans abri rencontrées étaient des femmes. Le Samusocial de Paris vient de publier un dernier rapport dans lequel la proportion de femmes à la rue serait de 14 %, elles ne représentaient que 2 % en 2012 (INSEE). 

Pour l’association, le constat est clair : plus de 90 % des femmes vivant dans la rue ont été victimes de divers types de violences, insultes, exploitations, agressions, viols… Pire, la grande majorité d’entre elles, en errance, présente un état de santé physique et psychologique très dégradé. Et c’est souvent dans les gares des grandes villes que ces femmes se réfugient. 

Le personnel des gares en première ligne 

Les premières opérations de solidarité, auprès des personnes en errance dans les gares, datent de la création du Samusocial de Paris en 1994-1995. La SNCF prend sa part de responsabilité à l’époque et annonce appuyer l’association en détachant du personnel de gare, avec « huit conducteurs en équipe mobile au début », précise Ahmed Khelifa, responsable de l’Engagement sociétal chez SNCF Gares & Connexions. Aujourd’hui, 77 conventions d’objectifs sont passées avec des associations spécialisées, actives dans 70 gares, et 15 000 maraudes sont organisées à l’année sur toutes les gares du territoire.

Notre objectif est, dans la mesure du possible, de jouer un rôle d'alerte et de veille sociale pour accompagner les problématiques du sans-abrisme via des dispositifs sociaux adaptés et appropriés à proximité de nos gares », détaille-t-il.

Une fois par an, dans chaque gare, un diagnostic social est réalisé sur plusieurs mois avec les commerçants, les gestionnaires de parking, les associations, etc. Toutes les structures environnantes de la gare sont interrogées sur la problématique du sans-abrisme. Ces dernières années, en fermeture de gare, les agents ont remarqué de plus en plus de femmes en errance. Tous les partenaires ont fait ce même constat. « Sans les associations, nous ne pouvons rien. Nous avons créé un cercle vertueux, un écosystème de solidarité et la gare en fait partie. Cela permet d’orienter ces personnes vers des dispositifs pérennes », indique-t-il.   

SNCF Gares & Connexions s'est rapproché de plusieurs associations spécialisées dont l’Abej Solidarité qui agit en gare de Lille et Agir pour la santé des femmes (ADSF) qui intervient dans plusieurs gares parisiennes pour proposer des consultations de santé aux femmes en errance.  

 

Quelle approche pour Agir pour la santé des femmes ? 

 

L’association Agir pour la santé des femmes (ADSF) a une démarche d’accompagnement global en santé physique, psychologique et sociale avec des médecins, des travailleurs sociaux et des sages-femmes. « Ces femmes ont vécu des traumatismes physiques et psychologiques, avec des répercussions sur leur corps, notamment sur le plan hormonal et gynécologique », explique Anne Bourgognon, directrice générale de l’association. 

Au total, fin 2021, l’association a effectué 46 maraudes dans les différentes gares parisiennes soit 147 rencontres avec des femmes. La singularité de l’association réside dans l'aspect innovant des frottis trucks, des camions aménagés pour accueillir les besoins gynécologiques des femmes et leur proposer des auscultations.  

 C’est un véritable outil de médiation en santé qui permet une première consultation gynécologique et d’accrocher les femmes pour les faire rentrer dans un parcours de santé plus long », détaille Anne Bourgognon. 

La démarche sociale du « aller-vers » est véritablement dans l’ADN de l’association. « Une fois que nous sommes allés vers ces femmes, l’objectif est de les ramener vers le soin et le suivi en hôpital de jour », précise Zineb Jamal, psychologue clinicienne de l’association. L’équipe volante est composée d’une sage-femme, d’une psychologue, d’une intervenante sociale, d’un.e bénévole et d’une femme repaire. Ces femmes repaires, ex-sans domicile, jouent un rôle primordial dans le repérage des femmes sans-abri. « Ces femmes repaires ont retrouvé une dignité, des liens sociaux et ont envie d’être utiles. Elles nous aident à repérer d’autres femmes et sont aussi un repaire pour les femmes à la rue », indique Zineb Jamal. 

Une fois que les femmes en errance ont accroché avec les équipes volantes, ce qui peut prendre des mois, les rendez-vous, semaine après semaine, favorisent le lien social et un suivi sur le long terme. « Ce sont des femmes qui nous disent très souvent merci et nous leur avons sauvé la vie », précise Anne Bourgognon. 

 

L’Abej Solidarité a testé des séjours de rupture 

Marine Vidil, éducatrice spécialisée pour l’Abej Solidarité, intervient en maraude dans la gare de Lille. Son constat est sans appel. « Les femmes à la rue, il y en a toujours eu. Avec mon collègue, depuis trois ans, nous avons pu constater un nombre plus important de femmes abîmées et très marginalisées, en très mauvaise santé ».  Sur l’année 2020 et 2021, les équipes mobiles ont rencontré environ 310 personnes à la rue, dont environ 55 femmes. « À Lille, il y a peu d'hébergements pour les femmes. Sur 20 hébergements, il y a deux places pour elles », constate Marine Vidil.

Et quand il y a des permanences gynécologiques dans les centres de santé, c’est une fois par mois, à un horaire précis. « C’est compliqué pour ces femmes qui sont dans un rythme de vie loin du nôtre. Elles oublient qu'il existe un jour où elles peuvent rencontrer un médecin. »

Pour l’éducatrice, le manque de dispositifs adaptés pour l’accueil de ces femmes précaires est un enjeu primordial pour les aider à être mieux considérées. « S’il y avait plus de places pour ces femmes, nous pourrions répondre à leur demande et elles ne se laisseraient pas se dégrader si longtemps dehors. » 

Face à ce constat, Marine Vidil et son binôme de maraude ont mis en place un projet social en octobre 2020. « Nous avons proposé à six femmes très dégradées et abîmées, en situation d’addiction, de partir avec nous en séjour de rupture, pour leur parler de santé et leur proposer des traitements de substitution liés à leurs consommations addictifs. » Un vrai succès. Ces femmes se sont mobilisées, ont avancé dans leurs démarches en acceptant un traitement, et l’une d'entre elles à même réaliser une cure de sevrage pour la première fois. 

 Je pense qu'il est important de créer de nouveaux dispositifs pour ces femmes à la rue, car quand on leur propose une écoute, un accompagnement adapté, elles acceptent de sortir de la rue », conclut Marine Vidil.

 

 

Christina Diego 

 

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