Intelligence artificielle : quelles opportunités et quels risques pour les entreprises ?
Docteur en intelligence artificielle, Gilles Moyse vient de publier aux éditions Le Robert l’essai « Donnerons-nous notre langue au ChatGPT ? L’impact de l’IA sur notre avenir ». Pour Carenews, il revient sur les grands enjeux des intelligences artificielles génératives pour les entreprises.
Comment la France peut-elle devenir leader de l'intelligence artificielle ? La question est sur toutes les lèvres, dans les entreprises comme à Matignon, depuis l’arrivée fracassante de ChatGPT sur la place publique. Entre novembre 2022, date de l’ouverture de son accès, et janvier 2023, 100 millions de personnes auraient utilisé cet outil technologique.
Alors que le Gouvernement vient de se doter d’un comité interministériel de l'intelligence artificielle générative, Carenews revient sur les opportunités et les risques de cette technologie pour les entreprises avec Gilles Moyse, docteur en intelligence artificielle, cofondateur de l'entreprise reciTAL et auteur de l’essai Donnerons-nous notre langue au ChatGPT ? L’impact de l’IA sur notre avenir, paru le 14 septembre aux éditions Le Robert.
- Comment ChatGPT et l’intelligence artificielle générative, de manière plus globale, pourraient-ils faciliter la vie des entreprises à impact ou des associations ?
On pourrait imaginer une sorte de ChatGPT qui, 24 heures sur 24, répondrait dans une quarantaine de langues à des gens qui seraient intéressés par une association.
Le problème, c’est qu’il faut entraîner l’intelligence artificielle pour qu’elle soit en capacité de répondre à des besoins spécifiques. Pour l’instant, les seules qui aient les moyens d’adapter ChatGPT à leurs besoins, ce sont les structures qui ont beaucoup d’argent. Ce n’est donc pas encore très inclusif, même si l'arrivée de projets open source va les rendre plus accessibles.
- C’est donc une technologie qui n’est pas inclusive, mais qui n’est pas responsable non plus…
En effet, faire tourner un outil comme ChatGPT, cela demande une consommation électrique et une consommation d’eau phénoménales. Pour entraîner ChatGPT, il faut lui montrer des milliers de milliards de mots, de chiffres et de données, plusieurs fois, pendant des semaines, parfois des mois. Il faut donc énormément de puissance de calcul, c’est-à-dire énormément d'électricité, ce qui produit de la chaleur. Il faut donc refroidir les systèmes informatiques avec des climatisations qui tournent en permanence. Ce n’est donc pas du tout écolo.
- Quels sont alors les avantages d’un tel outil pour les entreprises ?
Avec ChatGPT, plus de page blanche, il y a toujours une première version ou un brouillon, qu’il s’agisse d’un mail, d’un document, d’un article ou d’un post de réseau social. Cela peut aider tout le monde, notamment les petites structures qui cherchent à travailler leur plan de communication. C’est comme avoir un très bon stagiaire qui aurait lu tout Wikipédia et qui serait à disposition quand on le souhaite.
Ce qui est intéressant, c’est que ChatGPT commence à devenir une source de recommandations. Quelqu’un peut formuler sa recherche en disant par exemple : « Je cherche une boîte pour faire mon bilan RSE, je n’ai pas énormément de moyens, je suis dans la région lyonnaise, qui est-ce que tu me recommandes ? » L’intelligence artificielle pourra alors faire des propositions de prestataires, mais ne soyons pas naïfs, comme sur Google, ce sera rapidement payant, les gens qui font ça ne sont pas des philanthropes.
- Les entreprises pourront-elles utiliser l’intelligence artificielle pour leur faciliter certaines tâches administratives chronophages comme le reporting extra-financier ?
Le problème, c’est que ChatGPT est un « perroquet statistique », il ne fait que prédire des mots ou des chiffres. Il n’a pas de volonté, de plan stratégique, de notion de vraisemblance, de vérité ou de cohérence. Le risque est que des employés utilisent ces systèmes pour les aider à accélérer leur travail, mais qui ne vérifient pas ce qui est généré et qui racontent des bêtises à leurs clients. L’énorme problème pour les entreprises est donc la vérification des données, d’autant que les réponses de ChatGPT peuvent être très convaincantes et on peut avoir la paresse de s’en contenter.
Je serais l’État, j’interdirai l’usage de ChatGPT pour ces rapports. La réglementation européenne a, quant à elle, pris un bon tournant en votant les principes d’un Acte européen sur l’IA pour encadrer ces évolutions.
Tout ce qui est généré par de l’IA doit être affiché comme tel. Sur de l’audio et de l’image, ça se met en place facilement, un peu comme pour les droits d’auteurs, on peut encoder de l’information dans le fichier sans que cela se voie. Pour un texte, c’est beaucoup plus compliqué, mais en tout cas, la loi peut le demander.
Leticia Farine