L’aide humanitaire internationale devant la menace de nouvelles coupes budgétaires
Le président des États-Unis a demandé au Congrès la suppression de 4,9 milliards de dollars supplémentaires, dédiés à l’aide internationale. Dans le même temps, en France, les prévisions pour le budget 2026 suscitent l’inquiétude des ONG.

4,9 milliards de dollars dédiés à l’aide internationale font l’objet d’une demande de suppression par le président des États-Unis au Congrès, a annoncé la Maison blanche vendredi 29 août. Sur cette somme, 3,2 milliards de dollars concerne directement l’USaid, l’agence américaine pour le développement international, tandis que 838 millions de dollars sont destinés à des missions de maintien de la paix.
Une réduction massive des financements américains depuis janvier
Cette nouvelle demande de Donald Trump, qui doit encore être validée par le Congrès et qui risque d’entraîner une paralysie de l’Etat fédéral américain, intervient alors que l’USaid a déjà fait l’objet d’un démantèlement massif depuis le mois de janvier, avec des conséquences majeures sur l’aide humanitaire mondiale.
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Validées par la justice américaine le 13 août, les coupes budgétaires décidées au cours de l’année par l’administration Trump pourraient provoquer 14 millions de morts supplémentaires d’ici 2030, dont un tiers d’enfants, selon une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet cet été.
L’arrêt des soutiens américains « risque d’interrompre brutalement, voire d’inverser deux décennies de progrès pour la santé des personnes vulnérables », avertit Davide Rasella, un des coauteurs de l’étude et chercheur au Barcelona Institute for Global Health, cité dans un communiqué. « Le choc qui en résulterait serait d'une ampleur comparable à celle d'une pandémie mondiale ou d'un conflit armé majeur », alertent les scientifiques.
Les financements onusiens impactés
Cette nouvelle annonce « s’ajoute à ce qui a déjà été annoncé » ces derniers mois, analyse de son côté Marie Berra, chargée de plaidoyer au sein de l’alliance des organisations de solidarité internationale française Coordination Sud.
Selon les chiffres transmis par des organisations membres de Coordination SUD, les coupes américaines impactent 6 millions de bénéficiaires directes des activités d’ONG françaises récipiendaires de l’aide américaine. En plus des ruptures de contrat, ces dernières déplorent des restrictions liées à certaines terminologies, imposées par l’administration Trump. « Il y a déjà eu des demandes en cours d’année de retirer certaines mentions des contrats, comme des clauses d’inclusion ou des références au genre ainsi qu’au climat », rapporte Marie Berra. Des contraintes et des incertitudes qui provoquent chez les organisations françaises une hésitation à conclure de nouveaux contrats avec les États-Unis.
Au-delà de ces ruptures directes de financement par les États-Unis, Coordination Sud déplore des effets en cascade. « Dès le départ, nous avons projeté que les restrictions budgétaires allaient prendre forme par vagues », se souvient Marie Berra. Les coupes budgétaires impactent notamment le budget des agences de l’ONU, elles-mêmes co-financeuses d’interventions humanitaires. « Nous n’arrivons pas à le chiffrer précisément mais le budget du haut-commissariat aux réfugiés a été coupé de façon importante », rapporte la chargée de plaidoyer. Une situation qui a poussé les Nations unies, dès mars, à annoncer une réforme du système de coordination de leur réponse humanitaire.
« En 2025, les Nations unies auront besoin de 47,4 milliards de dollars pour soutenir leurs opérations en matière d'aide humanitaire, mais le sous-financement chronique menace la capacité à fournir une aide essentielle. De nombreux programmes vitaux risquent d'être réduits ou interrompus en raison du manque de ressources », communiquait à cette période le site de l’ONU.
En France, l’inquiétude vis-à-vis du budget 2026
D’un point de vue international, « il y a un contexte global de réduction de quasiment tous les budgets de l’aide au développement », pointe Marie Berra. L’Allemagne par exemple prévoit de couper presque de moitié son budget consacré à l’aide humanitaire d’urgence. Du côté français, « la tendance est à la réduction de l’aide au développement depuis deux ans », relève Coordination Sud qui craint de voir le budget de l’aide publique au développement tomber « à -52 % en 2026 par rapport à 2024 ».
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Après une chute de presque 2,1 milliards d’euros en 2025 du budget de l’aide au développement, le gouvernement Bayrou a en effet annoncé le 15 juillet une nouvelle coupe de 700 millions d’euros à venir dans le budget 2026. « Si cette coupe était confirmée, elle ramènerait le budget de la solidarité internationale à un niveau inférieur à 2017, détruisant ainsi les efforts réalisés lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron pour l'aide humanitaire et le développement », dénonçait dans la foulée Coordination Sud.
« Si le gouvernement reste en place et que la coupe annoncée est adoptée, cela entraînera des conséquences énormes, dans un moment où les organisations subissent déjà des restrictions financières de toutes part », s’inquiète aujourd’hui Marie Berra. La chargée de plaidoyer de Coordination Sud redoute notamment le recul sur des avancées significatives, en termes de santé globale et de lutte contre la pauvreté.
Élisabeth Crépin-Leblond