Les acteurs de la solidarité internationale dénoncent les coupes annoncées dans le PLF
Lors d’une conférence de presse organisée par Coordination Sud mardi 15 octobre, plusieurs ONG de solidarité internationale ont dénoncé les coupes budgétaires dans l’aide publique au développement annoncées dans le projet de loi de finances. Des propositions sont mises sur la table.

La présentation du projet de loi de finances (PLF) jeudi 10 octobre a eu l’effet d’une douche froide pour les acteurs de la solidarité internationale. La mission interministérielle d’aide publique au développement (APD) y fait l’objet de coupes budgétaires de l’ordre de 23,3 % des crédits alloués, soit plus de 1,3 milliard d’euros pour 2025. Selon le PLF, la France prévoit de consacrer 5,2 milliards d’euros à l’APD pour 2025, alors qu’elle lui avait alloué 6,5 milliards d’euros l’année précédente.
En particulier, le programme 209 de « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui retrace les crédits gérés par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à destination de l’aide publique au développement, est aujourd’hui menacé d’être amputé d’un tiers de ses moyens.
« C’est inédit et disproportionné par rapport aux efforts généraux demandés dans le cadre du budget », s’indigne Olivier Bruyeron, président de Coordination SUD.
L’association, qui regroupe et coordonne plus de 180 ONG françaises actives dans les domaines de l’aide humanitaire d’urgence, de l’aide au développement, de la défense des droits humains auprès des populations défavorisées, de l’éducation et de la protection de l’environnement, a organisé mardi 15 octobre une conférence de presse à Paris pour alerter sur les conséquences sur leurs actions de ces coupes envisagées par le gouvernement.
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Des besoins humanitaires en augmentation
« Ce sont potentiellement 20 000 enfants qui ne pourront plus bénéficier de nos programmes », s’alarme Adrien Sallez, directeur général d’Asmae-Association Sœur Emmanuelle, qui s’inquiète d’un risque de baisse de 40 % de l’aide publique reçue par l’organisation.
L’association, qui intervient dans plusieurs pays en faveur de l’éducation et de la protection de l’enfance auprès de 75 000 bénéficiaires, fait face à une augmentation de ses besoins notamment auprès d'enfants déplacés au Burkina Faso et au Liban. « Si ces coupes interviennent, nous serons confrontés à un choix : réduire la qualité de nos actions ou restreindre le nombre de bénéficiaires », prévient-il.
Les associations redoutent d’autant plus des restrictions budgétaires dans la mesure où ces dernières interviennent dans un contexte de précédentes coupes déjà actées, couplées à une croissance des besoins humanitaires. En février, Bruno Le Maire, avait en effet déjà annoncé une réduction de 740 millions d’euros du budget de l’aide publique au développement, soit 13 % de ses moyens budgétaires de l’époque.
« Il y a à peu près 300 millions de personnes en situation de besoins humanitaires en 2024 », appuie pourtant Anne Héry, directrice du plaidoyer et des relations institutionnelles chez Handicap International.
L’urbanisation des conflits dans le monde provoque une augmentation constante du nombre de victimes et de personnes déplacées en plus d’un accroissement des risques sanitaires, souligne-t-elle en rappelant qu’en 2023, plus de 114 millions de personnes ont été déplacées à cause des conflits et de la violence, selon les chiffres des Nations-unies.
La responsable de l’association, qui intervient auprès des personnes handicapées et vulnérables dans les zones de conflit et de catastrophe, évoque à propos des coupes budgétaires « un sabrage inédit » qui envoie « un signal désastreux aux partenaires de la France ».
« Ces coupes interviennent dans une séquence très gestionnaire de l’État où on oublie les rendements à long terme de l’aide au développement », ajoute Adrien Sallez.
Un recul de la France dénoncé par les associations
« Ces coupes sont d’autant plus choquantes que la France a pris des engagements internationaux », relève de son côté Olivier Bruyeron. Le président de Coordination SUD s’offusque de la contradiction entre les économies budgétaires présentées par le gouvernement et le discours tenu par le président de la République devant l’assemblée générale des Nations-unies en septembre.
« Il faut un choc financier, public et un effet de levier privé supplémentaire », avait notamment déclaré Emmanuel Macron à cette occasion, évoquant la nécessité de concilier les besoins de développement des pays de sud avec les impératifs climatiques.
Les coupes budgétaires rentrent aussi en contradiction, selon les associations, avec la loi de programmation du 4 août 2021, qui prévoyait d'augmenter l'aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut en 2022, avant d’être prolongée de trois ans pour fixer un objectif de 0,7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement en 2025. Cet objectif, depuis, a été par reporté par décret à 2030.
« Je demande à nos députés, nos sénateurs et nos sénatrices d’honorer leurs votes », plaide Olivier Bruyeron.
La suppression des taxes affectées au cœur des contestations
Pour permettre à la solidarité internationale de bénéficier de moyens suffisants tout en prenant en compte les tensions budgétaires, les associations formulent plusieurs propositions.
Élise Rodriguez, directrice du plaidoyer pour l’association Action santé mondiale, pointe notamment la suppression de l’affectation de deux taxes à la solidarité internationale : la taxe sur les transactions financières (TTF) introduite en 2012 et qui affectait un montant fixe de 500 000 euros à la solidarité internationale, et la taxe sur les billets d’avion introduite en 2006 afin de financer la lutte contre le sida en Afrique.
À la place, le projet de loi de finance prévoit la création du programme intitulé « Fonds de solidarité pour le développement », inclus dans le budget de l’État.
« Les mécanismes d’affectation des taxes sont le meilleur moyen de sanctuariser le budget de la solidarité internationale tout en ne pesant pas sur les finances publiques », plaide Élise Rodriguez qui se dit « consciente de l’état des finances de l’État ».
Élisabeth Crépin-Leblond