L’ANTISÈCHE - Au fait, c’est quoi une coopérative carbone ?
Les coopératives carbone émergent ces dernières années dans plusieurs villes de France. Ces structures cherchent à créer une forme de marché du carbone à échelle locale, pour soutenir financièrement des projets de limitation d’émissions de gaz à effet de serre du territoire, à différentes échelles.

Début février, la ville de Montpellier a annoncé le lancement d’une « coopérative carbone » dans le but affiché d’accélérer la transition écologique de son territoire à échelle locale.
Ce type de structures connaît un essor dans plusieurs autres villes de France. Implanté à la Rochelle en 2021 puis à Paris, le concept est également en voie de développement à Bordeaux, à Brest et au Mans. Comment fonctionne-t-il et à quoi sert une coopérative carbone ?
Un marché du carbone à l’échelle locale
Une coopérative carbone est une structure créée par une métropole et plusieurs acteurs du même territoire pour contribuer à atteindre la neutralité carbone à l’échelle de l’agglomération.
Leur création par les métropoles s’accompagne souvent d’objectifs chiffrés de réduction des émissions. La coopérative de la Rochelle s’est ainsi fixé à sa création un objectif de réduction de 40 000 tonnes d'équivalents CO2 dans les trois ans, tandis que la coopérative de Paris vise une réduction de moitié de ses émissions d’ici à 2030. Toutes s’inscrivent dans l’objectif fixé par l’Union européenne de neutralité carbone d’ici à 2050.
Créée généralement sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (Scic), la coopérative carbone fonctionne selon une gouvernance locale réunissant des acteurs privés et publics, des associations et des citoyens.
Concrètement, elle met en relation les acteurs économiques de l’agglomération avec des porteurs de projet locaux en recherche de financement et dont les activités visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à diminuer les consommations énergétiques ou à séquestrer du carbone.
La coopérative évalue l’impact carbone des projets portés, les accompagne dans des démarches de labellisation et de certification visant à attester les réductions d’émissions ou les séquestrations de carbone (comme le label national bas carbone) et les valorise financièrement sous la forme de crédits carbone.
Les crédits carbone générés par les projets portés et accompagnés peuvent ensuite être achetés par les entreprises de l’agglomération qui souhaitent améliorer leur bilan des émissions de gaz à effet de serre, souvent appelé bilan carbone. En effet, les entreprises de plus de 500 salariés doivent rendre compte des émissions dont elles sont responsables. Elles recensent aussi les émissions qu’elles ont séquestrées ou évitées, en finançant ce type de projet par exemple.
Le but : une décarbonation collective et indépendante par territoire
Les projets accompagnés permettant de générer des crédits carbone sont par exemple la plantation de végétaux permettant de séquestrer le carbone, la mise en place d’une boucle énergétique locale, la protection d’un espace naturel, l’accompagnement de la transition d’une exploitation vers le bio, la restauration des zones humides ou encore la création d’espaces verts.
Les coopératives carbone sont actuellement créées sur une impulsion politique locale et grâce à des subventions publiques. À terme, elles ont cependant vocation à être indépendantes des collectivités et à fonctionner avec leurs propres ressources provenant des sociétaires et de la prestation de services.
La forme de coopérative est choisie par les villes car elle permet une approche collective de la décarbonation du territoire. Le but est également de prendre en compte les effets des projets soutenus au-delà de la limitation du changement climatique, par exemple sur la biodiversité, la qualité de l’air, la gestion des déchets ou encore l’emploi local.
La coopérative peut également créer son propre label local afin d’authentifier l’impact carbone des projets qu’elle soutient. À Paris, la ville et la métropole ont par exemple annoncé la création du label Urb’Adapt, dédié aux projets d’adaptation au changement climatique.
Une réponse aux critiques sur les crédits carbone ?
La mise en place de coopératives carbone par les territoires permet de favoriser la coopération locale et de soutenir financièrement une variété de projets concourant à la transition écologique, y compris ceux portés à plus petite échelle, grâce à la mobilisation de fonds privés.
La proximité territoriale est également présentée comme permettant de mieux contrôler l’impact réel des projets financés par les crédits carbone.
Développés à l’échelle internationale depuis la fin des années 1990, ces derniers reçoivent en effet de nombreuses critiques pointant le manque de transparence ou d’efficacité réelle des crédits. Les dérives constatées depuis plusieurs années ont conduit à un accord sur la réforme des marchés carbone volontaire lors de la COP 29, qui s’est tenue en novembre 2024 à Bakou, visant à adopter une méthodologie commune de comptage des crédits carbone.
À l’échelle des territoires, les coopératives carbone doivent quant à elle veiller à réunir une expertise suffisante afin de garantir des projets de décarbonation efficaces. Pour rappel, le label bas carbone mis en place par l’État français fait lui aussi l’objet de critiques, notamment par des ONG de protection de l’environnement qui dénonce une mauvaise prise en compte de la biodiversité.
Enfin, le système même de la compensation est parfois pointé du doigt, accusé d’être un argument de « greenwashing » par des entreprises qui se dédouanent en achetant des crédits carbone mais continuent d’émettre des gaz à effet de serre en grande quantité.
Élisabeth Crépin-Leblond