La Commission européenne propose d’assouplir le règlement anti-déforestation
Après avoir proposé en septembre un nouveau report d’un an du règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, la Commission européenne a finalement émis mardi 21 octobre des propositions de « simplifications ciblées » des obligations du règlement. Au programme, un devoir de vigilance réduit pour « les petits opérateurs primaires » et pour les opérateurs en aval de l’entrée sur le marché européen, concernant les risques de déforestation importée.
Le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts sera-t-il un jour appliqué dans les modalités prévues initialement ? Depuis son adoption en 2023, ce texte du Pacte vert, qui vise à interdire la commercialisation en Europe de produits provenant de terres récemment déboisées, comme le cacao, le café, le soja, l’huile de palme ou encore le bois, a vécu de nombreux revirements.
Après un premier report d’un an de son entrée en vigueur fin 2024, la Commission européenne avait demandé le 23 septembre dernier un an de délai supplémentaire, invoquant un problème technique lié au système informatique de surveillance des forêts.
Ce mardi 21 octobre, l’institution européenne est finalement revenue sur la durée de ce report, en fixant la mise en application réelle du texte au 30 juin 2025, et en proposant une « simplification ciblée » des obligations fixées par le texte afin « d’aider les entreprises, les parties prenantes mondiales, les pays tiers et les États membres à garantir une mise en œuvre harmonieuse ».
Une réduction des obligations pour les opérateurs en aval et les petits opérateurs primaires
Concrètement, la Commission européenne propose de supprimer l’obligation de déclarations de diligence raisonnée pour les acteurs qui commercialisent les produits concernés par le règlement, dès lors que ces derniers sont déjà entrés sur le marché de l’Union européenne. « Il peut s'agir, par exemple, de détaillants ou de grandes entreprises manufacturières de l'UE. Ces entreprises se trouvent dans la partie aval des chaînes de valeur concernée. L'opérateur en amont continuera à faire preuve de diligence raisonnable », indique la Commission européenne.
Les obligations de déclarations de diligence raisonnée prévues par le règlement signifient que les entreprises doivent réaliser une procédure de collectes de données, d’évaluation des risques et d’atténuation des risques, afin de s’assurer que les produits importés ne proviennent pas de la déforestation. Elles doivent ensuite déclarer les produits qu’elles s’apprêtent à mettre sur le marché européen dans un système d’information nommé TRACES. Une fois les informations prouvant la légalité des produits transmises, elles reçoivent un numéro de référence qui permet un contrôle par les douanes européennes.
La Commission justifie la limitation de cette obligation au moment de l’entrée sur le marché européen par une « utilisation plus efficace du système informatique », en se concentrant sur l’amont de la chaîne de valeur.
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L’exécutif européen propose également de réduire les obligations pour « les micros et petits opérateurs primaires des pays à faible risque du monde entier qui vendent leurs produits directement sur le marché européen ». Ces derniers « ne présenteraient qu'une déclaration simple et ponctuelle dans le système informatique » au lieu de déclarations régulières de diligence raisonnée.
Enfin la Commission européenne propose la mise en œuvre de périodes transitoires. Le règlement entrerait ainsi en vigueur le 30 décembre 2026 pour les micro et petites entreprises. Pour les grandes et moyennes entreprises, la date d’application resterait le 30 décembre 2025, mais avec un délai de six mois avant d’appliquer des sanctions liées à son application.
Un contexte de simplification des normes du Pacte vert qui suscite des critiques
Cette proposition doit encore être examinée par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, représentant les Etats membres. Elle s’inscrit dans la politique de « simplification » menée par la Commission européenne depuis le début de l’année, et qui entraîne une remise en question de plusieurs textes du Pacte vert, comme la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et de celle sur le devoir de vigilance (CS3D).
Elle intervient également en plein processus de négociations de plusieurs traités de libre-échange avec des acteurs particulièrement concernés par la déforestation, comme le traité Union européenne-Mercosur en cours de discussions, ou le traité conclu avec l’Indonésie, fin septembre.
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« À la suite de la très forte mobilisation qu’a suscité l’annonce de la Commission européenne de reporter la loi contre la déforestation, celle-ci a revu sa copie. Si cela est à souligner, cette nouvelle proposition ouvre malgré tout la boite de Pandore. Celle-ci va maintenant être soumise au Parlement, qui a maintenant la possibilité de modifier l’entièreté du texte », a réagi mardi l’association française Canopée Forêts Vivant, qui milite pour une protection des forêts.
Élisabeth Crépin-Leblond 