L'indice Vérité 40 distingue les entreprises cotées les plus « carbone solvables »
L'indice Vérité 40, établi par le cabinet Axylia, distingue les entreprises cotées qui sont capables de prendre en charge leur facture carbone, c'est-à-dire le coût de leurs émissions de C02. A contrario, certaines entreprises du CAC 40 obtiennent un très mauvais score carbone, ou continuent de ne pas communiquer sur l'ensemble de leurs émissions, malgré la mise en oeuvre de la directive CSRD, qui exige d'elles une certaine transparence sur leur durabilité.

Parmi les entreprises du SBF 120 (les 120 premières cotations boursières en France), lesquelles sont capables de payer leur facture carbone ? C'est ce que mesure, depuis cinq ans, l'indice Vérité 40, mis au point par le cabinet de conseil en finance responsable Axylia.
Un risque carbone attribué à chaque entreprise
Pour élaborer cet indice, Axylia mesure la facture carbone de chaque entreprise, à travers un calcul simple : le cabinet de conseil multiplie le nombre de tonnes de CO2 émises par l'entreprise (sur les scopes 1 à 3, c'est-à-dire aussi bien ses émissions propres que les émissions liées à l'énergie qu'elle utilise et toutes ses autres émissions indirectes) par le coût du CO2 tel que défini par le Giec (148 euros par tonne de CO2 en 2024). Cette facture carbone est ensuite rapportée à l'Ebitda de l'entreprise, c'est-à-dire à son bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.
Ce rapport entre facture carbone et Ebitda détermine le risque carbone de l'entreprise. Ainsi, si la facture carbone de l'entreprise représente une grande partie de son Ebitda ou dépasse son Ebitda, on peut considérer que son risque carbone est élevé et qu'elle ne peut pas absorber le coût des émissions dont elle est à l'origine. Si sa facture carbone représente une part raisonnable de son Ebitda, au contraire, Axylia considère que le risque carbone de l'entreprise est faible.
Le « risque global », quant à lui, exprimé en %, inclut aussi bien le risque carbone actuel que l’évolution projetée de la facture carbone de l'entreprise d’ici 2030. Ce score sert de base à l’attribution du score carbone, noté de A à F. Toutefois, une entreprise qui rencontre une hausse de sa facture carbone ou une baisse insuffisante de cette facture, mais qui contribue significativement à la transition écologique voit son score carbone bonifié.
Un score carbone positif ou une trajectoire de réduction des émissions
Au final, l'indice Vérité 40 est constitué de 40 entreprises obtenant un score carbone positif (A, B ou C) et/ou ayant une trajectoire de réduction ou de stabilisation de leur facture carbone. On y trouve notamment Kering, L'Oréal, Sanofi, Teleperformance, Endenred ou Orange. Beaucoup d'entre elles sont donc issues du secteur tertiaire, par nature moins émetteur de CO2 que l'industrie.
Les entreprises retenues dans l'indice Vérité 40 sont donc globalement plus vertueuses sur les questions environnementales que les autres entreprises du CAC 40 (les 40 plus grosses capitalisations boursières) et du SBF 120. Ainsi, le risque carbone moyen des entreprises faisant partie de l'indice est de 28 % de leur Ebitda, alors que celui de l'ensemble des entreprises du CAC 40 atteint les 94 %. Par ailleurs, les entreprises retenues dans l'indice ont réduit leurs émissions de 21 % en moyenne depuis 2019, contre une baisse d'1 % seulement pour l'ensemble des entreprises du CAC 40.
Airbus, Stellantis, Totalenergies, parmi les mauvais élèves
Selon les calculs d'Axylia, les trois entreprises ayant la facture carbone la plus élevée sont Airbus (avec une facture carbone de 70 milliards d'euros pour un Ebitda de 8,2 milliards d'euros), Stellantis (61 milliards d'euros de facture carbone versus 16 d'Ebitda) et TotalEnergies (55 versus 40).
Engie est la 4e entreprises du CAC 40 la plus émettrice, à égalité avec Carrefour, avec 22 milliards d'euros de facture carbone en 2024. Toutefois, elle a réussi à réduire considérablement ses émissions en quelques années, souligne Ferdinand Raffy, d'Axylia : moins 100 millions de tonnes de CO2 émises par rapport à 2017, soit une baisse de 50 % de ses émissions. Ce qui explique qu'Engie fasse son entrée dans l'indice Vérité 40 cette année.
Un manque de transparence dans le secteur bancaire
Malgré la mise en place de la CSRD et l'obligation de rendre des comptes sur leur durabilité, Axylia constate sur certaines entreprises du CAC 40 ne publient toujours pas l'ensemble de leurs émissions de gaz à effet de serre (scopes 1 à 3). C'est le cas notamment de certaines banques et assurances (BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale, Axa), ainsi que d'Accor, de Publicis, d'Eurofins Scientific et de ST Microelectronics. Ces entreprises sont donc exclues d'emblée de l'indice Vérité 40.
D'autres entreprises du CAC 40 en sont exclues en raison de leur score carbone situé en D et F : c'est le cas d'Airbus, Arcelor Mittal, Carrefour, Renault et Stellantis (qui obtiennent un score de F), de Société générale et TotalEnergies (score de E) et d'Air liquide (score de D).
Au total, 38 % des entreprises du CAC 40 ont une facture carbone supérieure à leur Ebitda.
« Le classement Vérité 40 révèle une vérité aussi simple qu’implacable et incontestée depuis 2019, estime Vincent Auriac, président-fondateur d’Axylia : si une entreprise ne peut pas assumer le coût réel de ses émissions de CO2, alors son modèle économique ne serait pas viable dans un monde aligné sur les objectifs climatiques. En clair, elle vit à crédit environnemental. Cette cinquième édition montre que certaines entreprises amorcent une véritable transition quand d’autres manquent encore de transparence. »
Camille Dorival