La Fresque du climat contrainte de procéder à un plan de réduction massif de ses effectifs
Dans un mail adressé à ses « fresqueurs et fresqueuses », l’association La Fresque du climat a annoncé la prolongation d’un accord de licence avec un fonds de dotation créé à l’initiative de Cédric Ringenbach, le fondateur du jeu, lui permettant de continuer à proposer des ateliers Fresque du climat jusqu’en 2027. Elle a également annoncé un plan de réduction massifs de ses effectifs. Plus d’un cinquième des salariés sont concernés.
Dans un mail récemment adressé aux animateurs et animatrices de la Fresque du climat, « les fresqueurs et les fresqueuses », l’association a annoncé un plan de réduction massif de ses effectifs.
La procédure de licenciement, qui sera effective début 2025, « concerne plus de dix salariés. Nous parlons d’une vingtaine de suppressions de postes ou de modifications substantielles de contrat de travail », détaille à Carenews la présidente de l’association Anaïs Terrien. Ces mesures interviennent alors que l’association compte actuellement une cinquantaine de salariés en CDI.
Malgré bientôt deux millions de participations à la Fresque du climat depuis la création du jeu en 2015, l’association doit faire face à une baisse de la demande concernant ses ateliers, met en avant Anaïs Terrien. « Nous en voyons déjà les signes depuis plus d’un an. Cela s’est encore accéléré avec un contexte économique et politique qui met l’écologie au second plan », analyse-t-elle.
L’annonce de la mesure sociale intervient également en même temps que la signature d’un accord portant sur la prolongation de la licence accordée à l’association pour utiliser le jeu Fresque du climat, pour une durée de trois ans et sur un périmètre international.
Des droits d’utilisation conséquents, versés au Fonds de dotation
Le contrat de licence prévu par l’accord octroie à l’association les droits du jeu de la Fresque du climat créé à l’initiative de l’ingénieur Cédric Ringenbach, en échange d’une redevance fixe versée à un fonds de dotation, et s’élevant respectivement pour 2025, 2026 et 2027 à 200 000, 300 000 et 400 000 euros. « D’éventuels ajustement à la baisse » sont prévus « si le projet est en difficulté », rapportent les parties au contrat.
Le fonds de dotation en question, créé et présidé par Cédric Ringenbach depuis 2023, et qui prévoit d’embaucher prochainement un salarié permanent, a pour objet de « protéger la propriété intellectuelle et le respect des principes fondateurs du projet », « d’encourager le développement dans tous les pays du monde » de la fresque, et de « financer des projets en lien avec le dérèglement climatique ».
L’ancien dirigeant du Shift Project et créateur du jeu lui a en effet transféré, sous la forme d’un apport illimité, la propriété intellectuelle de la Fresque du climat, comprenant les marques et les droits d’auteur.
« Ce type de structure est un outil de philanthropie au service de l’intérêt général. Sa raison d’être est la même que celle de l’association : accélérer la compréhension des enjeux climatiques au niveau mondial pour contribuer à déclencher, au plus tôt, les bascules nécessaires à la préservation du vivant », déclarait en mars 2024 Cédric Ringenbach, qui quittait au même moment la présidence de l’association.
Avant le transfert des droits au fonds de dotation, et en contrepartie de la licence d’utilisation de la fresque par l’association, qui courrait de novembre 2023 à la fin de l’année 2024, le créateur du jeu avait alors perçu la somme de 230 00 euros, prévue à son bénéfice.
Comme l'indiquait Cédric Ringenbach dans un mail envoyé à la communauté des fresqueurs le 13 mars 2024, « le contrat initial datant de 2019 prévoyait déjà une contrepartie financière que j’abandonnais contractuellement chaque année au profit de l’association car elle avait besoin de toutes les ressources disponibles pour se développer. Mes autres activités professionnelles pouvaient me permettre de ne pas être rémunéré pour mon travail d’auteur à l’époque. L’association est désormais stable ce qui lui permet de rémunérer toute une équipe et de générer un bénéfice. En novembre 2023, il était prévu que je consacre l'intégralité de ce montant au développement du projet via le fonds de dotation. Depuis, mes besoins ont évolué et ma situation économique est plus incertaine. Ce montant me donnera la possibilité de me réinventer en toute sérénité. D'autant plus que le transfert des droits au fonds de dotation que je viens de réaliser m'éloigne définitivement de toute rémunération future potentielle en tant qu'auteur et que je dois aussi comme vous pouvoir vivre de mon travail ».
Un modèle économique qui s’effrite
Fonctionnant « sans mécénat, ni sponsoring, ni subventions » selon Cédric Ringenbach, l’association La Fresque du climat se rémunère par des dons et en prélevant des droits d’utilisation. Les fresqueurs professionnels, c’est-à-dire ceux qui facturent l’animation de la fresque, doivent ainsi reverser 10 % de leur chiffre d’affaires à l’association. Les entreprises privées, les adhérents d’une association professionnelle, les organismes de formation continue ou encore les élus qui bénéficient d’une Fresque du climat animé par un salarié de leur organisation doivent quant à eux reverser à l’association 3 euros HT par salarié, rehaussé à 5 euros HT par salarié à partir du 1er janvier 2025, en France et à l’international.
Seuls les fresqueurs bénévoles, qui forment le grand public, des membres de l’enseignement scolaire ou supérieur, ou encore des adhérents, des bénévoles ou des bénéficiaires d’une association, n’ont pas de droits à reverser à l’association.
Ce modèle économique a généré pour l'association 8,3 millions d'euros de produits d'exploitation en 2023, pour un bénéfice d'environ 800 000 euros, selon son dernier rapport d'activités.
Mais à la fin de l’année 2024, la situation économique semble plus compliquée pour l’association La Fresque du climat. « Les décisions prises dans le passé ne sont plus adéquates aujourd’hui. Nous ne pouvons plus les assumer financièrement », explique Anaïs Terrien, sans en préciser davantage.
Cédric Ringenbach, qui a fondé en 2020 le cabinet de conseil Blue Choice, a lancé de son côté il y a peu les « Ateliers Planète ». Cette sorte de suite de la Fresque du climat, dédiée à la décarbonation, s’appuie sur les travaux réalisés par le Plan de transformation de l’économie française du Shift Project et réunit les équipes de plusieurs cabinets de conseil, rapporte le média Novethic.
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Des projets malgré tout
Malgré les difficultés économiques et la réduction de ses effectifs, La Fresque du climat porte encore des projets en France ou à l’international. Les ateliers ont déjà été traduits dans 50 langues et déployés dans plus de 160 pays, tandis que deux autres structures nationales ont vu le jour, en Allemagne et en Suisse.
« Nous sommes déterminés », assure Anaïs Terrien. « Notre mission est toujours aussi importante. Dans le contexte politique, économique et social actuel, il est essentiel de créer des espaces de discussion sur les sujets écologiques », considère-t-elle.
Parmi ses projets, La Fresque du climat travaille en particulier sur l’adaptation de son format à différents publics. Précédemment, elle a par exemple lancé une version junior de la Fresque, adapté à un public de 10 à 14 ans.
L’association a également en charge la co-création d’une fédération internationale avec les entités nationales qui verront le jour prochainement. Concernant la possibilité d’une suite de la Fresque, « on y réfléchit », confie Anaïs Terrien.
La présidente de l’association veut rester positive malgré tout. « Notre objectif est de prendre soin de ceux qui partent et de proposer à ceux qui restent un projet enthousiasmant », affirme-t-elle.
Élisabeth Crépin-Leblond