La Gaîté Lyrique occupée par 300 jeunes sans-abri revendiquant un droit au logement
Occupée par un collectif de jeunes sans-abri depuis le mois de décembre, et en l’absence de solutions proposées par les pouvoirs publics, la Gaîté Lyrique, lieu culturel situé au cœur de Paris, a dû annuler temporairement sa programmation. La situation, dans l’impasse, pèse sur l’établissement et présente des risques pour les occupants, alerte le porte-parole du lieu.

Le mouvement s’est mis en place dans la journée du 10 décembre, relate David Robert, porte-parole de la Gaîté Lyrique et directeur général du programme « J’accueille », développé par l’association Singa.
Des jeunes sans-abri, habitués à fréquenter les lieux, se sont rejoints par groupes en fin de journée au sein de l’établissement culturel et social parisien, avant de brandir des banderoles et d’afficher leur intention de s’installer.
Délogés peu de temps auparavant de leurs précédents lieux de vie, le groupe de migrants, soutenus par le « collectif des jeunes du Parc de Belleville », dénonce l’absence de solutions d’hébergement proposées par la mairie de Paris, l’État ou la préfecture de région. « L’occupation de ce lieu est un moyen de revendication de notre droit au logement. En ce moment d’hiver, dormir dehors est un risque pour nous », expliquent-ils sur le compte Instagram du collectif, intitulé belleville.mobilisation.
Prise de court, avec plus de 200 jeunes refusant de quitter le bâtiment le soir, l’équipe de la Gaîté Lyrique a alors contacté les autorités, pour trouver une solution d’urgence aux occupants. Mais la seule réponse proposée a été de demander une évacuation à la police, déplore David Robert.
Des conditions de logement risquées
« Il fait zéro degré, nous n’allons pas les mettre dehors », s’indigne le porte-parole de l’établissement, tout en demandant instamment une solution aux pouvoirs publics. « C’est indigne et extrêmement choquant de savoir qu’il y a ça en plein Paris », dénonce-t-il.
Au nombre de 304 au dernier comptage, les jeunes migrants sans-abri, dont les reconnaissances de majorité de certains font l’objet d’appels devant la justice, dorment par terre, sur le sol de l’ancien théâtre. Trois sanitaires seulement sont à leur disposition dans le bâtiment.
« 300 personnes dans un espace réduit et non adapté, cela peut créer des tensions. Il est urgent de trouver des solutions avant qu’il n’y ait un dérapage », alerte David Robert. Depuis un mois, les responsables de la Gaîté Lyrique, au nombre d’une dizaine, se relaient jour et nuit pour assurer une présence constante dans le bâtiment.
Un risque financier conséquent pour la Gaîté Lyrique
L’établissement parisien, dont l’objet est de proposer une programmation culturelle mais aussi une ouverture en journée à destination des étudiants et des personnes en situation de précarité, a continué tant bien que mal ses activités, avant de se résoudre, au bout d’une dizaine de jours, à fermer le bâtiment.
Depuis, plus d’une dizaine d’événements ont été annulés, tandis que d’autres ont été déplacés ailleurs. En l’absence de solution, la Gaîté Lyrique déprogramme en ce moment à quinze jours les évènements prévus.
La situation pèse de manière drastique sur les finances de l’établissement, qui estime les pertes liées à sa fermeture à plus d’une dizaine de milliers d’euros par jour. Avec soixante salariés et 70 % de ses ressources liées à ses recettes, la pérennité du projet « La Fabrique de l’époque », cherchant à allier création et engagement, pourrait être menacée, alerte David Robert.
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Une inertie des pouvoirs publics
Contactées par la Gaîté Lyrique, ni la Ville de Paris, qui subventionne 30 % du budget de l’établissement, ni la préfecture de région n’ont apporté pour l’instant de solutions aux jeunes sans-abri.
« Nous n’avons pas de réponse de la préfecture, à part pour proposer l’intervention des forces de l’ordre », rapporte le porte-parole.
« Il s'agit d'une occupation illicite d'un bâtiment par des migrants reconnus majeurs par les services sociaux de la Ville de Paris. Il appartient au propriétaire, s'il le souhaite, de saisir les autorités judiciaires et de police de cette situation concernant cette occupation illicite. Les publics vulnérables doivent se signaler aux services sociaux et au 115 pour demander une prise en charge », considère ainsi la préfecture, interrogée sur la situation.
De son côté, la Ville de Paris « affirme son soutien aux jeunes adultes dépourvus de logement », mais rejette la responsabilité sur l’État, dont elle « regrette l’inaction en matière d’hébergement d’urgence ».
« Cette nouvelle occupation intervient dans le prolongement d’une série d’occupation de bâtiments municipaux faute d’interventions de l’État », met-elle en avant, citant l’exemple de la Maison des métallos, un établissement culturel du 11e arrondissement parisien ayant fait l’objet d’une occupation par une centaine de sans-abri en 2024.
Lors de la dernière Nuit de la solidarité, organisée en février 2024, 3 492 personnes ont été décomptées sans solution d’hébergement dans Paris. Face à cette situation, la ville de Paris demande à l’État d’engager des « moyens à hauteur des besoins » et de réquisitionner des bâtiments pour les dédier à l’hébergement d’urgence.
« Compter n’est pas accueillir. Nous ne sommes pas du bétail », dénonce quant à lui le collectif des jeunes de Belleville dans un communiqué publié sur Instagram.
Élisabeth Crépin-Leblond