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Par Carenews INFO - Publié le 6 octobre 2025 - 16:52 - Mise à jour le 6 octobre 2025 - 16:52 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Le mécénat d’entreprise peut-il être éthique ?

Le soutien financier accordé par des entreprises à des projets d’intérêt général peut soulever des questions éthiques. Ce sujet faisait l’objet d’une table ronde au Mécènes forum, l’événement organisé par l’association spécialiste du mécénat d’entreprise Admical, le 2 octobre.

Yann Queinnec, le délégué général d'Admical, à droite, accompagné du directeur général d'Entreprises et cités Thierry Dujardin, en ouverture du Mécènes forum 2025. Crédit : Carenews.
Yann Queinnec, le délégué général d'Admical, à droite, accompagné du directeur général d'Entreprises et cités Thierry Dujardin, en ouverture du Mécènes forum 2025. Crédit : Carenews.

 

« L’éthique du mécénat repose sur un équilibre complexe et délicat », pose d’emblée Orlane Aquilina, directrice de l'expertise mécénat et engagements du réseau Les entreprises pour la cité. Elle introduit ainsi une table ronde organisée lors du Mécènes forum, évènement de l’association spécialiste du mécénat d’entreprise Admical, qui se déroulait à Marcq-en-Barœul (Nord) le 2 octobre.  

Près d'une entreprise sur dix (9 %) est mécène en France : en tout, elles ont déclaré 2,93 millions d’euros de dons à des projets d’intérêt général en 2024, selon Admical.  À ce titre, elles peuvent bénéficier d’une réduction fiscale. « Comment s’assurer que le mécénat serve bien l’intérêt général, sans se confondre avec une stratégie commerciale ? », s’interroge Admical dans la présentation de la table ronde. 

 

Des contreparties aux dons 

 

Cette question suscite parfois de la méfiance, comme le raconte Cécile Jouenne-Lanne, qui dirigeait la Fondation Société générale entre 2010 et 2020. Il y a quelques années, celle-ci souhaite proposer aux salariés de la banque de se rendre dans des centres de formation d’apprentis (CFA), pour « parler gestion budgétaire à ces jeunes », dans le cadre d’un « programme d’éducation financière ». Dans un premier temps, les CFA refusent : ils craignent que les collaborateurs de Société générale « essaient de vendre des comptes en banque », témoigne Cécile Jouenne-Lanne. Ils finissent par accepter après que l’association Crésus, dédiée à la prévention du surendettement, se soit positionnée « en tiers de confiance » auprès d’eux.  

« Certaines pratiques peuvent faire débat sur le plan éthique », reconnaît Diane Colombani, la directrice juridique et des affaires publiques d’Admical : les dons alimentaires par des distributeurs, par exemple, avance-t-elle. La loi dite Garot, adoptée en 2016, les oblige à donner leurs invendus alimentaires à une association d’aide alimentaire. Ces dons « jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaire », souligne Diane Colombani. Mais ils ouvrent aussi droit à une déduction fiscale. Or, quand des produits à date de péremption « très proche » ou avec une faible qualité nutritionnelle sont donnés, doivent-ils permettre de bénéficier de « la même valorisation fiscale ? », s’interroge-t-elle.  

 

Des « bonnes pratiques » pour garantir l’éthique 

 

Au-delà de l'éthique, « il existe un certain nombre de risques et d’infractions » en matière de corruption, constate pour sa part Catherine Ferriol, cheffe du département de l’appui aux acteurs économiques de l’Agence française anticorruption. Des « entreprises pourraient être tentées de proposer des pots-de-vin (...) pour voir leur image associée à certaines opérations de mécénat », illustre-t-elle, puisque celles-ci ont parfois « une forte exposition publique ». C’est le cas des grands événements culturels ou sportifs par exemple. 

Les opérations de mécénat doivent se faire sans contrepartie équivalente au montant du don. Mais il peut en exister si leur valeur n’est pas équivalente, sous la forme d’actions de communication, par exemple, comme le fait d’apposer le logo de l’entreprise à l’événement soutenu.  

Les contreparties ne sont « jamais obligatoires », affirme Diane Colombani, à propos des « bonnes pratiques » éthiques. Cécile Jouenne-Lanne mentionne l’exemple d’une « ONG internationale », qui a bénéficié d’un soutien financier de la part de la Fondation Société générale, sans accepter la publication d’un communiqué de presse à propos de ce don. L’éventuelle contrepartie ne doit pas non plus servir un but commercial, indique par ailleurs Diane Colombani. 

 

Quels liens entre activité de l’entreprise et mécénat ?  

 

En règle générale, les mécènes doivent s’engager « de façon responsable et constructive » pour ne pas « compromettre l’indépendance » des projets soutenus, soutient Orlane Aquilina. Il faut trouver un « équilibre des forces » entre la structure financée et le financeur, considère Mathilde Lerosier, directrice du mécénat et des fondations pour AG2R-La Mondiale. Il est important que les mécènes agissent de manière « désintéressée par rapport à [leur] métier d’entreprise, à [leur] cœur business », met en avant Cécile Jouenne-Lanne, désormais déléguée générale de la Fondation Groupe LBPAM.  

Il n’est pas garanti que cela se passe toujours de cette manière. Lors d’une table-ronde ayant eu lieu un peu plus tôt, le président recteur de l’Université catholique de Lille Patrick Scauflaire était interrogé sur les évolutions qu’il constatait parmi les mécènes. « Les entreprises, de plus en plus, veulent flécher leur soutien sur des thématiques qui leur correspondent, qui correspondent à leur stratégie, à leur ADN et à leur priorité de marque, remarque-t-il. Il faut qu’on arrive, en tant qu’institution, à trouver les bonnes articulations pour répondre à ces demandes tout en ne faussant pas (...) les priorités qui sont les nôtres. » 

 

Célia Szymczak 

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