Le plan national d’adaptation au changement climatique manque « d’objectifs chiffrés, de pilote et de moyens », selon les ONG
Si les associations environnementales soulignent l’importance du plan national d’adaptation au changement climatique présenté par le Premier ministre le 25 octobre, elles déplorent un manque de moyens financiers et d’obligations.
Comment les entreprises, les collectivités et les citoyens français vont-ils pouvoir vivre à une température de quatre degrés de plus par rapport à l’ère préindustrielle ? C’est la question à laquelle le Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) entend fournir une première réponse. Le Premier ministre Michel Barnier l’a présenté publiquement vendredi 25 octobre, à l’occasion d’un déplacement à Eveux (Rhône).
Point essentiel : ce document stratégique repose sur une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc), basée elle-même sur les projections du Groupe d’experts intergouvernemental pour le climat (Giec). C’est cette Tracc qui anticipe un réchauffement de quatre degrés en moyenne en 2100, compte-tenu des politiques mises en œuvre par les États dans le monde. Le Pnacc n’est pas une « stratégie à 2100 », mais bien une étape, destinée à « préparer le palier de 2030 ». 51 mesures sont énoncées, concernant les entreprises et les travailleurs, les collectivités ou encore le grand public et les assurances.
« Ce document était attendu et il est important. Il nous rappelle qu’il va falloir s’adapter dès aujourd’hui aux conséquences du changement climatique sur tous les territoires et dans tous les secteurs d’activité, en sachant que ce sont toujours les plus fragiles qui vont le plus souffrir », indique Nicolas Richard, vice-président de France nature environnement (FNE). « Par rapport au Pnacc précédent, il est plus lisible et plus accessible, mais il manque d’objectifs chiffrés, de pilote désigné et de moyens associés », regrette-t-il.
Trop d’incitations et trop peu de moyens
« Il y a beaucoup d’incitations, mais on attendrait des choses un peu plus fortes. La trame n’est plus inscrite dans la loi, contrairement à une version antérieure sur laquelle nous avons travaillé », continue Nicolas Richard. Par exemple, il est prévu que les régions soient « encouragées » à mener des études multimodales sur la résilience des modes de transport de leur territoire, sans obligation.
[Ce plan] sera vain sans moyens financiers adéquats, en particulier pour les plus vulnérables
Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat
« Ce plan est hélas très représentatif des politiques climatiques de ces dernières années : il ne prévoit ni chef de file ni financements, le projet de budget actuellement en discussion prévoyant même une baisse des crédits du Fonds vert liés à l'adaptation. Sans tête et sans jambes, le Pnacc ne pourra jamais se déployer », confirme Jean Burkard, directeur du plaidoyer WWF France. « Le Pnacc montre la voie d’une adaptation de la France à un climat qui change, mais il évoque beaucoup d’études, de diagnostics, de plans, et peu de moyens concrets. Il sera vain sans moyens financiers adéquats, en particulier pour les plus vulnérables », abonde sur X Anne Bringault, la directrice des programmes du Réseau action climat.
75 millions pour le fonds Barnier, une « goutte d’eau »
Le plan est divisé en cinq axes : « protéger la population », « assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels », « adapter les activités humaines », « protéger notre patrimoine naturel et culturel » et « mobiliser les forces vives de la Nation pour réussir l’adaptation au changement climatique ». Ainsi, les mesures concernent des secteurs divers, des transports au logement en passant par l’agriculture. Une mesure prévoit par exemple la création d’un observatoire pour analyser les pratiques des assureurs dans les zones les plus à risque, de manière à éviter qu’ils s’en désengagent. Une autre entend intégrer les projets de rafraîchissements des logements dans les programmes de rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov’. Une troisième concerne l’accompagnement de 100 collectivités dans leur démarche d’adaptation sur la base d’une offre commune déployée par les opérateurs de l’État concernés.
La seule annonce de nouveaux financements concerne le fonds « de prévention des risques naturels majeurs », dit « fonds Barnier », destiné à permettre aux ménages, aux petites entreprises, aux collectivités et aux services de l’État de mettre en place des actions de prévention ou de protection des personnes ou des biens face aux catastrophes naturelles. Il sera abondé de 75 millions d’euros en 2025.
Pas de quoi convaincre le Réseau action climat : cette somme représente « une goutte d’eau comparés aux montants nécessaires », estime Anne Bringault, toujours sur X. La version du Pnacc consultée par France nature environnement en juillet prévoyait d’abonder le fonds de 150 millions d’euros, appuie Nicolas Richard.
Intégration de l’adaptation dans les documents de politiques publiques
Deux types de mesures paraissent toutefois centrales au vice-président de FNE. D’une part, des études de vulnérabilité seront rendues obligatoires « pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques, à commencer, dès 2025, par les grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie et, dès 2026, par les opérateurs d’importance vitale ». Ces opérateurs exercent dans des secteurs d’activité ayant trait « à la production de biens ou de services indispensables », liés aux besoins essentiels des populations ou à la défense par exemple, ou des activités pouvant présenter un danger grave pour la population. « C’est l’une des seules mesures qui laisse penser qu’il y aura une obligation de suivi », indique Nicolas Richard.
Autre mesure importante aux yeux du vice-président de FNE : l’objectif d’intégrer la Tracc à l’ensemble des documents de planification publique d’ici à 2030. Il s’agit par exemple des schémas régionaux d’aménagement de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ou des plans locaux d'urbanismes (PLU). « Il faut diffuser cette culture du risque, anticiper le fait que les conséquences du dérèglement climatique vont être pires chaque année. C’est très urgent », explique le vice-président de FNE.
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des consultations sur la base du plan
« L’adaptation doit être intégrée dans toutes les politiques publiques », affirme Anne Bringault du Réseau action climat. Nicolas Richard appelle aussi à davantage de transversalité. « Il faut une cohérence entre les actions. Un acteur pilote serait capable d’éviter le silotage et les risques de mal-adaptation », souligne-t-il. Ce terme désigne une situation où les mesures d’adaptation ont pour conséquence d’accroître la vulnérabilité de territoires ou d’acteurs. « Les méga-bassines fournissent de l’eau l’été mais pompent dans les nappes phréatiques et diminuent la disponibilité de l’eau potable », illustre-t-il.
Un acteur pilote serait capable d’éviter le silotage et les risques de mal-adaptation »
Nicolas Richard, vice-président de France nature environnement
Ce plan devrait être révisé tous les cinq ans. Il sera soumis dans les semaines et les mois qui viennent à trois types de consultations. Auprès du grand public, d’abord, avec un questionnaire diffusé en ligne. Des consultations sectorielles seront menées par les ministres. Enfin, des séances de travail seront dédiées à l’adaptation dans le cadre des Cop régionales, des dispositifs visant à identifier les leviers d'atténuation du changement climatique sur les territoires. Cela permettra des concertations territoriales, selon le Pnacc. « Après les consultations, [celui-ci] intègrera également l’opérationnalisation des mesures phares (...). Il sera également plus précis sur le suivi de l’ensemble de ses mesures grâce à une batterie d’indicateurs d’impacts et une méthode de suivi et d’évaluation annuelle », peut-on lire dans le document.
Célia Szymczak