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Par Carenews INFO - Publié le 17 juin 2024 - 16:16 - Mise à jour le 17 juin 2024 - 17:20 - Ecrit par : Camille Dorival
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« Le sport est un formidable levier de transformation sociale », entretien avec David Blough

Dans le documentaire XXI, le sport des solutions, David Blough va à la rencontre de cinq initiatives, au Brésil, en Afrique du Sud, au Sénégal, en Allemagne et en France, qui utilisent le sport comme levier de transformation sociale. Il raconte à Carenews la genèse de son film et le lien qui peut être fait entre pratique sportive et impact sociétal.

À Paris, l'association Les enfants de la Goutte d'Or utilise le sport comme outil d'éducation, notamment pour favoriser l'égalité entre les genres. Crédit : Nelson Rosier Coulhon.
À Paris, l'association Les enfants de la Goutte d'Or utilise le sport comme outil d'éducation, notamment pour favoriser l'égalité entre les genres. Crédit : Nelson Rosier Coulhon.

 

  • Vous avez réalisé le documentaire XXI, le sport des solutions, qui va à la rencontre de cinq initiatives citoyennes, à travers le monde, utilisant le sport comme levier de changement social. Comment vous est venue l’idée de ce documentaire ?

 

David Blough : On peut dire que la genèse du film remonte à 2011. Je venais alors de rejoindre l’ONG Play International – qui s’appelait à l’époque Sport sans frontières –, comme directeur du développement et de la communication. Cette ONG s’appuie sur le sport pour accompagner des populations dans le monde entier et résoudre des problématiques de société.

Jusque-là, j’avais travaillé dans l’économie sociale et solidaire et par ailleurs je pratiquais le sport, mais je n’avais jamais fait le lien entre les deux.

La première action que j’ai menée pour Play International a été de faire venir deux joueurs de rugby français en Haïti, après le séisme qui avait ravagé le pays. En arrivant, j’ai vu un pays dévasté, des populations précarisées. Je me suis dit que dans ce contexte, nos actions autour du sport allaient sembler anecdotiques. Et pourtant, le lendemain, nous sommes allés dans un camp de déplacés avec des éducateurs formés par Play International, et nous avons participé à un atelier pédagogique utilisant le sport pour faire de la prévention contre le choléra. J’ai vu les sourires des gamins qui participaient, et la puissance du sport comme support de changement et d’innovation sociale.

J’ai ensuite travaillé pendant dix ans à Play International. Lorsque j’ai quitté l’association, j’ai eu envie de contribuer à faire connaître cette dimension du sport. En 2023, j’ai publié un livre, Le sport des solutions (éd. Rue de l’échiquier), dans lequel j’évoquais une cinquantaine d’initiatives alliant sport et impact social à travers le monde. Puis j’ai eu envie de mettre cela en image, afin de montrer au plus grand nombre, au-delà des convaincus, que le sport est un formidable outil de réponse à des enjeux sociétaux et environnementaux.

 

Nous avons participé à un atelier pédagogique utilisant le sport pour faire de la prévention contre le choléra. J’ai vu les sourires des gamins qui participaient, et la puissance du sport comme support de changement et d’innovation sociale.

 

Crédit : Nelson Rosier Coulhon.
À Rio de Janeiro, au Brésil, l'association Gol de Letra propose des activités sportives aux enfants et adolescents du quartier défavorisé de Caju, pour améliorer leurs conditions de vie et créer du lien social. Crédit : Nelson Rosier Coulhon. 

 

  • Votre documentaire, accessible gratuitement sur Eurosport, sort juste avant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. Comment événement contribue-t-il à renforcer le lien entre sport et impact ?

 

D.B. : On associe souvent le sport à des valeurs positives, comme la tolérance ou l’inclusion. Mais depuis les années 1980, la recherche scientifique s’intéresse à la question et il existe aujourd’hui un consensus scientifique qui tend à montrer que ces valeurs ne sont pas intrinsèques et que l’impact positif du sport est conditionnel. Ce n’est pas le sport en lui-même qui éduque, mais l’éducateur qui peut utiliser le sport comme levier pour transmettre certaines compétences.

Il ne suffit donc pas de mettre un ballon sur un terrain de foot pour transmettre des valeurs positives. Il faut des outils, des méthodes, pour accompagner la pratique sportive et pour accroître son impact social. C’est ce que j’avais cherché à démontrer dans mon premier livre, Sportwashing (éd. Rue de l’échiquier, 2020).

Les JOP de Paris 2024 sont le premier événement sportif international en France qui cherche à valoriser le sport comme outil d’impact social à un tel niveau. Le Fonds de dotation Paris 2024 a été doté de 50 millions d’euros pour financer des projets sportifs à impact. Y étaient éligibles des fédérations sportives, des collectivités et des projets portés par la société civile. Ces différents acteurs étaient incités à se rencontrer et à monter des projets ensemble. C’est ainsi par exemple que la Fédération française du cyclisme a initié un dispositif de reconditionnement de vélos avec des entreprises de l’ESS, vélos qui étaient ensuite redistribués dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est intéressant car cela a permis aux acteurs de l’ESS et au mouvement sportif, qui communiquaient peu, de mieux de se connaître et de faire des choses ensemble.

Depuis quelques années, certains mécènes, par exemple la Fondation FDJ, ont également lancé des appels à projets spécifiquement tournés vers le sport. L’Agence française de développement (AFD), qui a par ailleurs soutenu la sortie de mon film, a aussi, depuis 2019, mis en place une stratégie « Sport et développement » pour soutenir des projets liés au sport dans les pays en développement.

Le lien entre sport et impact social bénéficie donc d’une reconnaissance institutionnelle de plus en plus forte, ce qui est une bonne nouvelle. Espérons que cette dynamique se poursuive d’une manière ou d’une autre une fois les JOP de Paris 2024 terminés…

 


À lire aussi : Évaluer les projets pour améliorer l’efficacité de l’aide au développement : entretien avec Jean-Claude Pires (AFD) 


 

 

  • Dans votre documentaire, vous évoquez cinq initiatives citoyennes liées au sport, situées sur différents continents. Pouvez-vous nous en donner un aperçu, à travers deux initiatives que vous affectionnez particulièrement ?

 

D.B. : En Afrique du Sud, nous nous sommes intéressés au projet Waves for change, qui accompagne des jeunes en souffrance psychique grâce à la pratique du surf. Les jeunes des townships du Cap ont des conditions de vie extrêmement difficiles, ils vivent des traumatismes fréquents, or la question de la santé mentale y est assez taboue.

Au départ, le fondateur de Waves for change a créé un club pour permettre à ces jeunes de pratiquer le surf, en terminant chaque session sportive par une discussion. Puis il s’est rapproché de psychologues et de chercheurs pour créer une méthode spécifique, qui associe pratique du surf, méditation et groupes de parole.

Les actions de l’association ont un impact fort : elles permettent d’augmenter le taux de présence des enfants et des adolescents en classe, de réduire l’usage de drogues ou de participation à des gangs. Aujourd’hui, Waves for change accompagne des centaines d’enfants chaque année, qui sont orientés vers eux par les services éducatifs ou sanitaires.

 

Crédit : Nelson Rosier Coulhon.
En Afrique du Sud, Waves for change accompagne par la pratique du surf des enfants des townships en souffrance psychique. Crédit : Nelson Rosier Coulhon. 

 

Le deuxième exemple que je citerai est celui de Bike bridge, qui est né à Fribourg, en Allemagne, mais a depuis essaimé dans plusieurs autres villes allemandes. Cette association est née en 2015, à l’initiative de trois étudiantes fribourgeoises. Il y avait alors une forte vague migratoire en Allemagne, notamment en raison des conflits en Syrie et en Afghanistan. Or les femmes migrantes ne sortaient pas des centres d’accueil, étaient très isolées, ne nouaient pas de lien avec les populations locales.

Ces étudiantes ont donc décidé d’apprendre à ces femmes, qui venaient souvent de pays où elles n’avaient pas le droit de le pratiquer, à faire du vélo, important moyen de locomotion à Fribourg. Le but était de leur permettre de se déplacer, mais aussi de nouer des liens avec les bénévoles de l’association. Très vite, cet apprentissage du vélo s’est agrémenté de moment de discussions et de cours d’apprentissage de la langue allemande, pour permettre à ces femmes de mieux s’intégrer dans leur pays d’accueil.

Dans les deux cas, on voir qu’il s’agit en quelque sorte de « sport augmenté » : les deux initiatives s’appuient sur une expertise non sportive, qui vient accroître le bénéfice de la pratique sportive proposée. 

 

Propos recueillis par Camille Dorival 

 

Crédit : Nelson Rosier Coulhon.
Au Sénégal, l’ONG Pour le sourire d’un enfant propose une pratique de l’escrime, associée à un accompagnement psychologique, à des jeunes incarcérés à la prison de Thiès. Crédit : Nelson Rosier Coulhon. 

 

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