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Par Carenews INFO - Publié le 30 novembre 2023 - 19:00 - Mise à jour le 4 décembre 2023 - 16:41 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Pourquoi le service national universel (SNU) suscite-t-il autant de craintes ?

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le service national universel propose à des jeunes des séjours autour de l’engagement. Pourtant, ce dispositif suscite des critiques quant à son coût, mais surtout sa philosophie. Décryptage.

Le dispositif a pour objectif de transmettre les valeurs républicaines. Crédit : rarrarorro- iStock.
Le dispositif a pour objectif de transmettre les valeurs républicaines. Crédit : rarrarorro- iStock.

 

Après un démarrage plus lent que prévu, 2024 devrait être l’année de déploiement du service national universel (SNU). Le dispositif pourrait connaître un doublement des effectifs de participants avec 80 000 jeunes contre 40 000 cette année.

Lancé en 2019, le SNU entend engager les jeunes entre 15 et 17 ans. Il se déroule en deux temps : un séjour de cohésion de douze jours durant lequel les jeunes participent à des activités et réalisent des missions d’engagement. Une phase ultérieure est dédiée à l’engagement avec une mission courte d’intérêt général ou un service civique de plusieurs mois.


 

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Le SNU, une fausse solution ?

Retour d’une forme de service militaire ? Ces séjours sont rythmés par la levée du drapeau et le chant de la Marseillaise et ont pour dessein la transmission des valeurs républicaines.

De nombreuses voix se sont élevées pour critiquer la philosophie du dispositif. Jean-Michel Bocquet est enseignant à l’université Paris 13, spécialiste des questions de pédagogie. Il prend régulièrement la parole pour faire part de son agacement et dénoncer avec virulence une forme de militarisation de la jeunesse.

« Le président pense que le service national universel permettra de redresser des jeunes qui s'éloignent des manières du vivre-ensemble en France. Il imagine qu’il aura les mêmes faux-effets que le service militaire. Pourtant le service militaire n’a jamais permis de construire des mixités et des rencontres puisque toute une partie de la population ne faisait pas l’armée », estime-t-il. 

Un collectif de structures de gauche nommé « Non au SNU » dénonce également la militarisation de la jeunesse et vient perturber des réunions publiques autour du dispositif.

En mai, deux députés de la majorité avaient publié une tribune pour défendre le dispositif  qui permettrait de « rendre plus concret un sentiment de fierté et d’appartenance » et de donner davantage « corps à nos valeurs républicaines ».

 

Vers une généralisation ?

Le dispositif était une promesse de campagne du candidat Macron en 2017. À l’époque, l’idée était de le rendre obligatoire. Un objectif affiché jusqu’à tout récemment. Il était possible de lire jusqu’au printemps, sur le site du SNU, comme le note Le Monde« Le séjour de cohésion (phase 1) et la réalisation d’une mission d’intérêt général (phase 2) prévus dans le cadre du SNU ont vocation à devenir obligatoires pour l’ensemble d’une classe d’âge. » Cette mention a à l’époque soudainement disparu.

Vocation à devenir obligatoire."

Mais en juin, le gouvernement annonce que des lycées pourraient se porter volontaires pour faire participer des classes au dispositif. Et cela dès mars 2024. Le SNU rentre donc dans l’organisation de l’éducation nationale. Une évolution faisant dire à certains que l’obligation et l’universalisation pointent le bout de leur nez.

« Avec cette nouveauté, le SNU sera sous une forme plus contrainte car ce sont les classes et lycées qui seront engagés dans le dispositif. La décision sera prise par l’établissement plus que par l’élève qui participe », considère le député écologiste Jean-Claude Raux. Il a publié un rapport à ce sujet fin octobre.

 

Un engouement mesuré des établissements

Les établissements scolaires ont fait preuve d’un engouement mesuré face à ce projet. La clôture de l’appel à candidature pour les établissements souhaitant participer en 2024 devait être à la mi-octobre. Elle a finalement été repoussée d’un mois : « Je ne suis pas sûr que cela ait suscité beaucoup d'enthousiasme de la part des équipes et cela malgré une incitation très forte de la part des académies pour inscrire des classes dans ce dispositif », constate le député. Des quotas par académie ont été appliqués dans le but d'inciter les établissements à participer.

Une sorte de conscription qui ne dit pas son nom."

Pour Jean-Michel Bocquet, « le SNU est une sorte de conscription qui ne dit pas son nom ». « Or, continue-t-il, pour remettre en place une conscription, il faudrait que les finalités de celles-ci soient partagées par une très grande majorité des Français. Aujourd’hui, les finalités sont floues, changeantes et surtout absolument pas débattues démocratiquement ».

 

Un retournement de l’exécutif ?

Mais cette ambition de construire un service militaire 2.0 universel semble avoir du plomb dans l’aile ces derniers mois. Prisca Thevenot, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel depuis juillet, n’utilise plus le terme d’obligation mais celui de généralisation. Un article récent de Paris Match évoque les nombreux doutes de l’exécutif sur ce sujet.

Pour ne rien arranger, le média d’investigation Mediapart a relevé le 27 novembre qu’un encadrant du dispositif était suspecté de harcèlement sexuel sur une jeune de 16 ans, faisant monter une petite musique : le manque de formation du personnel encadrant. D’autres faits ont été relatés par la presse depuis la création du dispositif. Il n’y a pas plus d’incidents lors du SNU qu’en établissements scolaires, rétorque-t-on du côté du secrétariat d’État.


 

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Un coût estimé à deux milliards d'euros par an au minimum

Jean-Michel Bocquet craint que ces violences se reproduisent : « C’est un temps éloigné de la famille et de lieux connus où les jeunes font l'expérience d’une vie en groupe. Le SNU ajoute à cette forme le décorum militaro-policier et l’autorité toute militaire, juge-t-il. Je crains que tout cela produise des violences sur les jeunes accueillis. »

Autre crainte affichée : celle du coût du dispositif. « On sait que la généralisation coûterait 2 milliards d’euros au bas mot, ce qui est une somme colossale », considère Jean-Claude Raux. « On ne peut pas engager une telle politique publique quand on n’est pas sûr des objectifs que l’on souhaite atteindre », ajoute-t-il.

Au secrétariat d’État, on estime que les critiques viennent d’une méconnaissance du projet trop souvent caricaturé. Le taux de satisfaction des participants, très élevé, est mis en avant pour prouvé la pertinence du projet.

 

Théo Nepipvoda

 

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