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Par Carenews INFO - Publié le 24 juin 2024 - 11:53 - Mise à jour le 28 août 2024 - 10:17 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Repartager un post militant sur les réseaux sociaux... Cela sert-il à quelque chose ?

Il y a quelques semaines, l’image « All eyes on Rafah » a inondé les stories Instagram du monde entier. Mais cela a-t-il un réel effet de repartager des posts militants sur les réseaux sociaux ?

Repartager un post sur les réseaux sociaux : quel effet. Crédit : DR.
Repartager un post sur les réseaux sociaux : quel effet. Crédit : DR.

 

Son succès a pris tout le monde de court, même son initiateur. Fin mai, un photographe malaisien créé une image fictive à l’aide de l’intelligence artificielle en soutien des Palestiniens déplacés à Rafah subissant les bombardements de l’armée israélienne. On y voit des milliers de tentes devant des montagnes ainsi que le slogan « All eyes on Rafah ». L’image est rapidement devenue virale, repartagée plus de 50 millions de fois et notamment par certaines personnalités comme la youtubeuse Lena Situations ou Bella Hadid. 

Malgré une ampleur notable, pas sûr que ce phénomène ait eu un impact réel sur le déroulé des événements à Gaza... Si beaucoup de ces posts militants constituent des coups d’épée dans l’eau, certains ont néanmoins eu un effet majeur sur l’opinion et plus largement sur la société. 

 

Le rôle des conversations privées dans les boucles militantes 

 

Le relai du #metoo sur Twitter fut un de ceux-là. Si certains messages allant dans ce sens avaient été postés antérieurement, notamment dénonçant le producteur Harvey Weinstein, c’est bien le post du 15 octobre 2017 de l’actrice Alyssa Milano qui marque le début du mouvement. « Si toi aussi tu as été harcelée ou agressée sexuellement, réponds à ce tweet en écrivant Me too », pouvait-on lire sur son message. Déflagration. S’en est suivi un mouvement mondial de prise de conscience. 

Sept ans plus tard, on fait les comptes : « Metoo a fait bouger les lignes sur le plan légal. En France par exemple, avec la loi sur l’outrage sexiste et sexuel. Des mesures ont été prises pour former les policiers à la déclaration de viols », explique Josiane Jouët, sociologue, professeure émérite à l’Université Paris 2.  

 


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Comment en est-on arrivé là ? « Cela a fait tache d'huile sur les réseaux sociaux avec des messages qui ont été partagés dans de nombreux cercles féministes d’abord puis non-féministes, rappelle Josiane Jouët. Il y a eu une série de boucles de repartage dont le rôle a été extrêmement important ». Elle estime que le repartage dans des conversations privées a eu un rôle majeur. Les médias se sont ensuite emparés du sujet et ont notamment réalisé des enquêtes importantes à ce sujet. 

 

Les réseaux sociaux, un réel pouvoir des utilisateurs ? 

 

Mais rares sont les mouvements numériques qui permettent de toucher un public large et font ainsi évoluer l'opinion. Habituellement, ils touchent des personnes déjà sensibilisées : « sur les réseaux sociaux, l’algorithme calcule les contenus susceptibles de nous intéresser en fonction de nos centres d’intérêts et nous fait tomber dans une bulle de filtre », explique Stéphanie Lukasik, enseignante-chercheuse à l’Imsic de l’Université Aix-Marseille, experte au Conseil de l’Europe. « Les personnes vont voir leur avis se conforter car les contenus proposés épousent leur vision du monde. » 

 


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Elle estime cependant que certains posts peuvent toucher au-delà de ce cercle d’initiés : « Ces contenus que l’on partage sur son profil sont visibles par les personnes de nos réseaux, les personnes avec qui on interagit le plus, juge-t-elle. On atteint ainsi des petits groupes. Mis bout à bout, cela créé une viralité. » Les réseaux sociaux Instagram et Facebook sont propices à cela puisque Mark Zuckerberg, le PDG de la maison mère, a expliqué en 2018 sa volonté de favoriser les contenus provenant de la communauté de chaque internaute plutôt que les contenus de sources officielles. Stéphanie Lukasik considère que les usagers ont de ce fait un réel pouvoir sur la mise en lumière de certains sujets, des actualités non prises en compte par des médias traditionnels.  

 

Une méthode utilisée par les associations 

 

Des associations engagées, notamment pour l’environnement, utilisent cette viralité pour toucher le plus grand nombre. L’association de protection des océans Bloom cumule sur certains posts Instagram plus de 20 000 « J’aime ». Par exemple, ce post du 18 avril avec une photo de bateau et le texte suivant : « Urgent. Ce monstre des mers de 88 m – qui peut massacrer 100 000 kilos d’animaux marins par jour – est autorisé à venir dévaster... les aires marines protégées françaises. Oui, vous avez bien lu. Ça vous révolte ? Nous aussi. Mais on peut mettre fin à ce scandale. Et ça commence dès demain ». À ce jour, il a obtenu plus de 25 000 « J’aime ».  

Un effet certain de ces posts est celui sur le cercle militant. « Tous les partages vont inciter les militants à agir davantage, à organiser des événements, à se mobiliser sur le terrain », explique Josiane Jouët, toujours en se référant au phénomène #Metoo. 

Les boucles de repartage permettent de sortir de l’isolement." Josiane Jouët, sociologue.

Une façon de répondre à une critique régulière au sujet de l’engagement en ligne : qu’il pousserait à un militantisme paresseux, sans engagement concret et actif dans la réalité. On parle d’ailleurs pour cela de Slacktivisme, fusion des mots slacker (fainéant) et activisme. 

Outre cet effet sur le cercle militant, ces campagnes peuvent aussi pousser certaines personnes, sensibles mais silencieuses, à s’engager : « Notre cadre de vie peut nous donner l’impression que nous sommes seuls avec cette position. Les boucles de repartage permettent de sortir de l’isolement, elles nous montrent que nous sommes plusieurs à partager le même sentiment », justifie Josiane Jouët. C’est d’ailleurs l’essence même du mouvement #Metoo qui entend briser le silence. 

 

Une campagne réussie autour de la minorité ouïghoure 

 

Outre la vague #metoo, de tels mouvements digitaux peuvent-ils aboutir à l’adoption de lois, de mesures ? Raphaël Glucksmann, eurodéputé français Place publique, mène depuis 2020 une campagne Instagram pour mobiliser les jeunes autour de la cause de la minorité ouïghoure en Chine. En 2020, il a notamment appelé les utilisateurs des réseaux sociaux à changer leur photo de profil par un carré bleu. En 2024, l’Union européenne a décidé d’exclure du marché européen les produits provenant du travail forcé, mesure visant notamment la production chinoise. Une victoire à laquelle la campagne numérique menée par Raphaël Glucksmann n’est pas étrangère. L’homme politique de gauche s'est d’ailleurs félicité sur Twitter : « C'est l’aboutissement de 4 ans de combats ayant mobilisé des millions de jeunes Français ».  

 

Théo Nepipvoda

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