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Par Carenews INFO - Publié le 7 juillet 2025 - 11:02 - Mise à jour le 7 juillet 2025 - 12:48 - Ecrit par : Camille Dorival
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Travailler sans chef : comment la Fondation CGénial expérimente l’holacratie depuis 6 ans

Depuis 2019, la Fondation CGénial, qui vise à promouvoir la science et ses métiers auprès des collégiens et lycéens, a adopté un mode de management et d’organisation holacratique. Encore assez peu répandue, l’holacratie vise à mieux répartir les processus de décision au sein d’un collectif. Explications.

La Fondation CGénial a mis en place une organisation de type holacratique il y a six ans, notamment pour favoriser le partage des responsabilité et le bien-être au travail. Crédit : Fondation CGénial.
La Fondation CGénial a mis en place une organisation de type holacratique il y a six ans, notamment pour favoriser le partage des responsabilité et le bien-être au travail. Crédit : Fondation CGénial.

 

 

Ce jour-là, ils sont une dizaine de salariés de la Fondation CGénial à participer à l’une des réunions dites de « triage » de l’entreprise. L’objectif : faire le tri entre les différents sujets en cours dans l’entreprise pour déterminer le « prochain pas » destiné à les faire avancer. La réunion est cadencée : chacune et chacun parle quand c’est son tour de le faire, selon un process bien défini, et le timing doit être respecté sans débordement.

Depuis maintenant six ans, la Fondation CGénial a en effet la particularité de fonctionner selon les principes de l’holacratie (également appelée holocratie). Ce terme, issu du grec « holos » (le tout) et « kratos » (le pouvoir), désigne une mode d’organisation décentralisé. Au sein d’une organisation holacratique, l’autorité et la prise de décision sont réparties entre tous les salariés, à rebours d’un système hiérarchique pyramidal.

 

Des cercles de décision autonomes

 

L’holacratie fonctionne selon plusieurs principes, notamment la constitution de cercles de décision au sein de l’organisation, chacun fonctionnant de manière autonome.

La Fondation CGénial, qui a le statut de fondation reconnue d’utilité publique (Frup), a pour mission de promouvoir les sciences, les technologies et les métiers qui lui sont liés. Elle œuvre aussi au rapprochement entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise, afin de soutenir le développement des sciences. Pour accomplir ces missions, elle a défini plusieurs cercles de décision : un cercle est ainsi consacré à la communication, un autre aux « richesses humaines », un troisième au Concours CGénial, qui récompense des projets scientifiques menés par des classes de collèges et lycées, un autre à l’essaimage des activités de la fondation en région, qui rassemble les délégués régionaux de la fondation, etc. Ces cercles peuvent évoluer en permanence, en fonction des besoins ressentis par l’équipe.

Au sein de chaque cercle, pas de chef. Tous ceux qui le souhaitent peuvent demander à y participer. Ils ont alors la responsabilité d’y tenir un « rôle », doté d’une « raison d’être » et de « redevabilités » (ou missions) précises. Chaque cercle est animé par un « leader », qui a la charge d’organiser la bonne marche du cercle, mais n’a pas de supériorité hiérarchique sur les autres membres. Un autre membre du cercle a un rôle de représentant de l’intérêt du cercle auprès du « cercle général », c’est-à-dire l’ensemble de l’entreprise.  

 

Un mode de fonctionnement responsabilisant

 

Le fonctionnement des décisions est codifié selon des règles précises, définies dans une « constitution », avec deux objectifs : répartir la prise de décisions, et être efficace. « Ce mode de fonctionnement est très responsabilisant, témoigne Emma Duboc, qui fait partie de la trentaine de salariés de la fondation. Cela permet de grandir très vite professionnellement. »

 

Ce mode de fonctionnement est très responsabilisant. Cela permet de grandir très vite professionnellement. »

Emma Duboc, déléguée régionale de la Fondation CGénial pour les académies de Nantes et Rennes

 

Emma Duboc a actuellement « 13 ou 14 rôles différents dans l’entreprise », en plus de sa fonction de déléguée régionale de la fondation sur les académies de Rennes et de Nantes. Elle fait notamment partie du « collectif rémunérations », chargé de gérer chaque année les demandes d’augmentation de l’ensemble des salariés, en répartissant entre eux l’enveloppe disponible, après examen des arguments de chacun.

Emma postule pour tel ou tel rôle selon ses appétences et les compétences qu’elle a envie de développer. C’est ainsi qu’elle s’est engagée dans le cercle « richesses humaines », chargé des recrutements et du développement des compétences, alors qu’elle n’est pas RH de métier. Aucun de ses collègues ne l’est d’ailleurs. « Mais justement, cela permet d’ouvrir nos horizons et de nous former sur les sujets qui nous intéressent », fait-elle valoir.

 

S’appuyer sur l’intelligence collective

 

Si la Fondation CGénial a adopté ce mode de gouvernance et de management, c’est par la volonté de sa déléguée générale, Hélène Chahine. Elle prend les rênes de la fondation en 2012. En 2017, elle expérimente une journée en holacratie avec un cabinet de conseil spécialisé sur ce sujet, Happy Work, et elle en ressort convaincue. « Pour moi, ce système avait plusieurs avantages, explique-t-elle. Faire monter en compétences et en responsabilité l’ensemble des collaborateurs. Mais aussi partager les décisions, pour en prendre de meilleures, en croisant les regards et en s’appuyant sur l’intelligence collective. Et favoriser une plus grande transparence des informations au sein de la fondation. »

 

Ce système a plusieurs avantages. Faire monter en compétences et en responsabilité l’ensemble des collaborateurs. Mais aussi partager les décisions, pour en prendre de meilleures, en croisant les regards et en s’appuyant sur l’intelligence collective. Et favoriser une plus grande transparence des informations au sein de la fondation. »

Hélène Chahine, déléguée générale de la Fondation CGénial

 

En 2018, toute l’équipe de la fondation décide d’adopter ce nouveau mode de fonctionnement. Ce qui se fait en plusieurs étapes, avec l’accompagnement de Happy Work. « Pendant six mois, on a "joué" à l’holacratie, avec un facilitateur de Happy Work qui animait chaque réunion », explique Géna Giletti, cheffe de projet à la Fondation CGénial, qui a aujourd’hui un rôle de « leader » pour le cercle consacré au fonctionnement de l’holacratie au sein de l’entreprise. Elle a été choisie par ses collègues sur ce rôle par un dispositif d’« élection sans candidat » (une personne est élue par le groupe pour remplir une mission sans qu'il n'y ait eu aucun candidat déclaré pour cette élection au préalable), selon les principes du système. « J’ai adhéré à la philosophie de l’holacratie dès le départ », s’enthousiasme-t-elle.

Pour autant, travailler en holacratie n’est pas évident pour tout le monde. C’est précisément pour cette raison que Géna, avec l’une de ses collègues, Marine, est la garante du système en interne. « Notre rôle est d’impulser une dynamique dans l’entreprise et d’embarquer les nouveaux venus en holacratie, mais aussi de faire en sorte que ce système soit vu comme un levier chouette en interne, et non pas comme un frein ou une contrainte », souligne-t-elle.

 


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Un espace de libération de la parole

 

« Pour moi, l’holacratie permet de se sentir vraiment partie prenante de l’organisation, explique-t-elle. Nous sommes tous considérés comme responsables du bon fonctionnement interne. C’est aussi un espace qui permet de libérer la parole, car, grâce au cadre, tout le monde a la place de s’exprimer, et un espace de créativité, car il repose sur la confiance et non le contrôle. » « Ce système a également permis de développer un très fort sens du collectif dans l’entreprise », ajoute Emma Duboc. Pour Hélène Chahine, au-delà de la responsabilisation et de l’autonomisation des collaborateurs, l’holacratie permet également « un fort engagement de l’équipe » et « plus de bien-être au travail ».

« C’est vrai que certaines personnes n’adhèrent pas à ce système, tant il est différent de ce qu’on a l’habitude de voir », reconnaît néanmoins Géna Giletti. C’est pourquoi, dans les processus de recrutement, un accent est mis sur l’organisation particulière de la fondation. « Nous en parlons longuement lors des recrutements, pour vérifier que ce mode de fonctionnement peut convenir à la personne, et nous l’indiquons dans les fiches de poste », remarque Géna Giletti.  

« L’holacratie peut représenter une grande liberté pour certains, grâce au cadre qui protège, ajoute-t-elle. Mais elle peut aussi être une source de frustration pour d’autres, car ils doivent respecter le cadre et ne peuvent pas donner leur avis sur tout s’ils n’ont pas un "rôle" qui les autorise à s’exprimer sur un sujet. »

 

L’holacratie peut représenter une grande liberté pour certains, grâce au cadre qui protège. Mais elle peut aussi être une source de frustration pour d’autres. »

Géna Giletti, cheffe de projet à la Fondation CGénial

 

« Je suis kidnappée en holacratie »

 

Emma Duboc est elle aussi archi-convaincue par l’holacratie, mais souligne un risque important : « le multitâche et la surcharge de travail ». « Il faut savoir dire quand c’est trop et demander de l’aide à ses collègues si besoin », fait-elle remarquer. « L’holacratie demande de l’autonomie, mais aussi de l’assertivité, d’être capable de dire ce que l’on pense et ressent », souligne Hélène Chahine.

Pour Géna Giletti, le principal handicap de l’holacratie est son caractère encore peu répandu. « Aujourd’hui, je peux dire que je suis kidnappée en holacratie, rigole-t-elle. Je sais que si je quitte la fondation, je risque de devoir retourner dans un système qui ne me conviendra pas. »

 

Camille Dorival 

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