Bastien Sibille : un milliard d’euros pour la transformation écologique juste

• Vous êtes l’initiateur de « l’Opération Milliard » pour la transformation écologique juste. De quoi s’agit-il et comment est né ce mouvement ?

A l’origine, j’avais lancé, le 18 avril 2023, un appel sur LinkedIn visant à financer les projets de transformation écologique juste, c’est-à-dire des projets de transformation écologique prenant en compte les dimensions de justice sociale. Ces projets existent déjà, partout sur le territoire, mais ne peuvent pas se développer, faute de financements suffisants. En tant qu’acteur de terrain, alors président du collectif des Licoornes, mais aussi de la coopérative Mobicoop, j’invitais les citoyens et les citoyennes à s’unir pour résister aux marchés qui détruisent le vivant et pour obtenir le financement massif de ces initiatives de terrain.

La crise écologique va s’approfondir dans les années à venir, de même que les inégalités sociales vont se creuser. Face à cela il nous faut agir. Nous devons réaligner nos façons de consommer et de produire avec les limites de la planète. Nous devons coopérer pour inventer des solutions nouvelles face à ces deux crises et à terme, réinventer notre modèle économique, pour aller vers un modèle respectueux des écosystèmes.

Certaines startups capitalistes parviennent à lever des millions d’euros pour se développer, même lorsque leurs activités n’ont aucune plus-value écologique ou sociale, voire même ont un impact négatif sur le vivant. De leur côté, les acteurs qui agissent en faveur d’une transformation écologique juste, parmi lesquels de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire, peinent à trouver des financements, notamment parce que les financeurs estiment qu’investir dans ces structures, qui rémunèrent peu le capital, ne leur rapporterait pas assez, et alors même que leur valeur ajoutée écologique et sociale est énorme.

Notre mouvement vise donc à fédérer des citoyens pour rassembler un milliard d’euros pour financer le développement de ces projets indispensables à notre avenir. De fait, mon appel du 18 avril a résonné auprès d’un grand nombre de personnes. Il a été suivi par un événement au Collège des Bernardins, à Paris, qui a rassemblé près de 1000 personnes, le 6 juillet dernier, et par l’adoption, le 29 septembre, d’un plan d’actions pour mettre en place nos ambitions.

• En quoi consiste ce plan d’actions concrètement ?

Avec le collectif qui est né suite à cet appel, nous avons défini trois axes pour notre plan d’actions. Le premier, que nous avons appelé « Se relier », consiste à fédérer tous les acteurs, mouvements, collectifs qui le souhaitent autour de notre démarche. Il s’agira, ensemble, de construire un récit de la transition écologique juste, mais aussi d’articuler entre eux les réseaux et organisations existants, dans une perspective d’action, et de créer et faire vivre la confiance en nous.

Le deuxième axe, « Se renforcer », concerne le renforcement financier de nos organisations. Nous allons d’abord mener deux grandes enquêtes, l’une pour mieux connaître les besoins de financement des projets de transformation écologique juste, l’autre pour recueillir le regard des épargnants sur le financement de ces projets.

À la suite de cela, nous souhaitons rassembler un milliard d’euros de trois manières. Il s’agira d’abord de créer un fonds d’investissement citoyen ou une fondation citoyenne, qui collectera 20 millions d’euros auprès de citoyens désireux de soutenir notre démarche. Parallèlement, nous nous rapprocherons de banques coopératives ou de grandes mutuelles, qui financent déjà l’économie par divers biais, pour leur demander de rendre accessibles une partie de leurs financements aux conditions d’accès définies par le mouvement, notamment le fait que les structures financées doivent être gérées démocratiquement et ne doivent pas rechercher l’enrichissement personnel. L’enjeu est de 300 millions d’euros.

Pour les 680 millions d’euros restants, nous nous adresserons à l’État, en lui demandant de flécher une partie de ses investissements (via la Caisse des dépôts et la BPI, notamment) et de ses subventions (via les ministères) vers des projets de transformation écologique juste. Cette étape interviendra plutôt à partir de 2026, lorsque les deux autres sources de financement seront bien engagées.

Le troisième axe de notre plan d’action, « S’étendre », consiste à organiser notre présence sur les territoires, en nous appuyant sur les acteurs de terrains et sur des lieux dans lesquels nous pourrons nous rencontrer. Nous visons à organiser aussi notre propre gouvernance.

Au total, une soixantaine de personnes ont d’ores et déjà des responsabilités opérationnelles pour mettre en œuvre les trois axes de notre plan d’actions, et ce de manière totalement bénévole.

• Quelles sont les prochaines étapes pour votre mouvement ?

Nous lancerons le mouvement officiellement le 26 mars prochain. D’ici là, nous allons publier un manifeste pour mobiliser les citoyens autour de notre démarche, dans le but de rassembler à terme plus de 10 000 personnes – nous sommes déjà 1500.

Nous publierons également un livre aux éditions Les petits matins, qui sortira en librairie le 21 mars, intitulé Nous résistons. Ce livre, qui vise là aussi à mobiliser le plus grand nombre, reprendra les discours prononcés lors de notre événement du 6 juillet, ainsi que notre plan d’actions.

Enfin, nous diffuserons régulièrement des portraits de membres de notre mouvement, et effectuerons un tour de France en 10 étapes, à la rencontre des acteurs de terrain, visant à faire entrer 300 lieux dans notre démarche.

Propos recueillis par Camille Dorival 

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