Infographie : un quart des émissions planétaires de CO2 sont importées
Le cabinet de conseil Carbone 4 et la Fondation européenne pour le climat ont rendu public lundi 18 novembre un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre importés. « Un effort collectif des pays du G20 pour réduire les émissions "incorporées" dans le commerce peut accélérer la décarbonisation de l’économie mondiale », défendent-ils.
Un quart des émissions de gaz à effet de serre du monde en 2021 ont été générées par des pays exportateurs pour satisfaire la demande de pays importateurs, rapportent le cabinet de conseil Carbone 4 et la Fondation européenne pour le climat (ECF) dans une étude publiée lundi 18 novembre.
Le rapport, intitulé « Émissions importées : de la codépendance à l’action coopérative », se penche sur les pays de destination des marchandises, dont la production émet des gaz à effet de serre. En 2021, près de 12,8 milliards de tonnes d’équivalent CO2 était générées pour produire des marchandises qui étaient ensuite exportées vers d’autre pays du globe.
L’empreinte carbone de la France en 2021 : 639,31 mégatonnes d’équivalent CO2
Les auteurs appuient sur la nécessité de prendre en compte les « émissions incorporées », c’est-à-dire les émissions générées lors de la production de marchandises importées, dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre générées par les pays.
Pour ce faire, le rapport utilise la méthode de l’empreinte carbone qui comptabilise les gaz à effet de serre selon le prisme de la consommation finale des pays. Cette dernière est calculée de la façon suivante : émissions territoriales du pays – émissions exportées + émissions importées.
Cette méthode permet de mettre en lumière que dans l’Union européenne, de nombreux pays (en particulier les pays d’Europe du Nord mais aussi Chypre, l’Espagne, le Portugal et la Bulgarie) importent plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’ils n’en produisent.
La France de son côté a produit, en 2021, 443,47 mégatonnes équivalent CO2 (MtCO2eq) sur son territoire, mais avait une empreinte carbone supérieure s’élevant à 639,31 MtCO2eq . Cette différence s’explique par le fait que la France est « un importateuro net », c’est-à-dire qu’elle importe plus d’émissions qu’elle n’en exporte.
Les pays où la part des émissions importées est la plus faible à l’inverse sont la Russie, le Brésil, la Chine, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Inde ou encore l’Indonésie. Par exemple, la Russie avait en 2021 une empreinte carbone constituée à 13,73 % d’émissions importées et 86,27 % d’émissions nationales sans export.
La Chine quant à elle affichait la même année une empreinte carbone de 15,2 GtCO2eq en 2021, soit 15 200 MtCO2eq, constituée à 16,39 % d’émissions importées et à 83,61 % d’émissions nationales sans export.
Les États-Unis se situaient entre les deux avec une empreinte carbone constituée à 73,14 % d’émissions nationales sans export et à 26,86 % d’émissions importées.
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Le risque des fuites de carbone
Cette part importante des émissions importées dans les pays européens comporte un risque : celui des fuites de carbone.
« À mesure que les pays et les régions progressent à des rythmes différents dans leurs efforts de décarbonation, modifiant ainsi leurs positions compétitives respectives, il devient de plus en plus probable que les réductions d’un pays puissent entraîner des fuites de carbone, c’est-à-dire une augmentation des émissions de ses partenaires commerciaux », mettent en avant les auteurs du rapport.
Le phénomène des fuites de carbone se produit lorsque les mesures de réduction des émissions prises par un pays conduisent à rendre ses entreprises moins compétitives et à une augmentation des émissions ailleurs, dans des régions du monde où la production est plus intensive en carbone.
Par exemple, si l’Union européenne réduit ses émissions territoriales générées mais que d’autres en profitent pour accroître leur production, l’effet sur le climat pourrait être négatif, appuient les auteurs.
Ce facteur est d’autant plus à prendre en compte que l’Union européenne montrait en 2021 une forte dépendance économique à la Chine et à la Russie, d’où émanait respectivement 20 % et 15 % de ses émissions importées. Les effets des sanctions liées à la guerre en Ukraine n’y sont pas encore appréciables en raison de l’arrêt des données à 2021.
Des recommandations pour plus de coopération en matière de réduction des GAZ
Carbone 4 et ECF pointent une prédominance des matériaux lourds et des produits chimiques, de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche, ainsi que de l'extraction minière dans l'empreinte carbone des échanges, y compris les émissions indirectes de l'électricité et de la chaleur utilisées dans leur production, et du transport international.
« Les partenaires commerciaux pourraient reconnaître leur interdépendance (ma consommation importée = vos émissions) pour développer, lorsque c’est possible, une feuille de route coopérative pour la décarbonation sectorielle », recommandent les auteurs du rapport.
En plus de nouvelles règles de marché, ils appuient notamment sur la possibilité d’une coopération en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre. « Des efforts internationaux sont en cours pour les industries lourdes (par exemple, le Climate Club, le Leadership Group for Industry Transition, et l'Industrial Decarbonisation Initiative), mais il serait bénéfique que le G20 élève le profil politique de cette question », mettent-ils en avant. Les auteurs citent notamment la reconnaissance de la codépendance des pays en matière de réduction des émissions, la collecte de données plus précises sur le carbone incorporé et une consolidation des initiatives internationales autour d’un objectif commun de réduction.
« Les pays pourraient également souhaiter fixer des objectifs volontaires et transparents pour la réduction de leurs émissions importées » ainsi qu’aborder cette question de manière bilatérale « en fonction des contributions sectorielles les plus importantes à leurs émissions commerciales », ajoute-t-il.
Pour y parvenir, la question de la réduction des émissions importées doit être incorporée au sein des discussions internationales, ce qui n’a pas toujours été le cas. « Pendant la Cop 21, plusieurs participants, parmi lesquels l’UE, avaient un mandat de négociation pour ne prendre aucune mesure susceptible de freiner le développement du commerce mondial », écrivent notamment les auteurs du rapport.
Cette année à Bakou pour la 29e conférence des Nations Unies sur le climat (Cop 29), les représentants du G20 « se reconnaissent toutefois le droit de réglementer, y compris à des fins environnementales, sur cette question du commerce et du développement durable », ajoute Richard Baron, un des auteurs du rapport et directeur du programme commerce international à ECF.
Élisabeth Crépin-Leblond