Une Fabrique de l'émancipation inaugurée à Romainville

Ce jeudi 5 juin en fin d'après-midi, il y a foule dans le quartier Youri Gagarine de Romainville (Seine-Saint-Denis). Les habitants de ce quartier populaire de l'est de la ville, en pleine rénovation, ont été conviés pour l'inauguration d'un nouveau tiers-lieu, La Fabrique de l'émancipation Claude Alphandéry. 

« Ce tiers-lieu a été pensé comme un bien commun où se rencontrent et agissent ensemble les habitants de la ville, les associations et autres structures de l'ESS, les collectifs et les services publics », explique François Dechy, maire de la ville de 40 000 habitants lors de l'inauguration du lieu.

Accès à l'emploi, numérique, vie de quartier, coopération

Déployé sur 1 200 m2, le lieu interviendra en effet sur quatre axes.

Le premier est la formation et l'emploi. La Fabrique de l'émancipation hébergera ainsi deux chantiers d'insertion, qui participeront à l'animation du lieu : le chantier d'insertion communal Actes, qui assurera l'accueil, la logistique et l'entretien du site, et le chantier d'insertion destiné à former des conseillers numériques, porté par le groupement d'économie solidaire PoleS. Le lieu accueillera également l'agence locale d'insertion de Romainville-Noisy le Sec, en charge de l'accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), ainsi que la mission locale, chargée d'accompagner les jeunes en recherche d'emploi. 

Deuxième axe, la médiation numérique. Les habitants pourront y participer à des ateliers collectifs ou individuels, animés par PoleS, visant à leur permettre de s'approprier les outils numériques et à réaliser leurs démarches en ligne. Avec l'objectif de faire du numérique un levier d'autonomie, plutôt qu'un facteur d'exclusion.

Troisième axe, l'animation de la vie de quartier et l'éducation populaire. Ainsi, un FabLab proposera des activités ludiques et pédagogiques à destination notamment des enfants, sur les temps périscolaires. Le lieu hébergera également l'association Nouvelle G, dont la mission est de prévenir et lutter contre le décrochage scolaire, mais aussi d'inciter à la pratique sportive.

Enfin, le tiers-lieu est conçu comme un espace de rencontres, de coopération et de mutualisation entre habitants, associations, structures de l'ESS et acteurs publics, pour renforcer les synergies entre ces différents types d'acteurs. 

Favoriser l'émancipation des habitants 

Ce nouveau tiers-lieu a donc vocation à favoriser à la fois l'émancipation individuelle et collective des habitants. « Nous souhaitons y accueillir chacun et chacune pour ce qu'il ou elle est, avec ce qu'il ou elle fut, et à l'accompagner à devenir ce qu'il ou elle veut être, souligne Christilla Chauvin, directrice du développement local et de l'inclusion professionnelle de la ville de Romainville. Il s'agit d'un projet ambitieux vers l'émancipation, fondé sur une considération inconditionnelle de l'être humain, de sa capacité de rebond, de son pouvoir d'agir. »

« Ce lieu a vocation à décloisonner les dispositifs, favoriser les synergies et de nouvelles pratiques collaboratives, pour un service public renouvelé. Cheminer et innover ensemble, pour répondre aux enjeux d'inclusion professionnelle et numérique, tel est notre engagement », ajoute-t-elle. 

La figure tutélaire de Claude Alphandéry 

Ce n'est donc pas par hasard si le tiers-lieu a pris le nom de Claude Alphandéry, grande figure de l'économie sociale et solidaire (ESS), disparu l'année dernière à l'âge de 101 ans.

Né en 1922, Claude Alphandéry avait rejoint la résistance dès 1942, en dirigeant les Mouvements unis de résistance en Ardèche et dans la Drôme, en tant que lieutenant-colonel des Forces françaises de l'intérieur (FFI). Après la guerre, il continua son engagement comme militant communiste (jusqu'en 1956), diplomate à Moscou puis conseiller économique aux Nations unies, à New York. De retour en France, il contribua à créer la Banque de la construction et des travaux publics, puis rejoignit la Caisse des dépôts et consignations en 1973. Parallèlement, après 1974, il s'engagea aux côtés de François Mitterrand. 

Il fut surtout l'un des pionniers de l'ESS, en créant et président France Active, puis en présidant le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) entre 1991 et 2009. En 2010, il crée Le Labo de l'ESS, think tank de ce mouvement. 

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« On ne peut pas faire grand-chose quand on ne peut pas compter sur les autres », estimait Claude Alphandéry dans des images vidéo tournées quelques temps avant sa mort, destinées à faire partie d'un documentaire en préparation sur son héritage et les nouvelles formes de résistance. Grand humaniste, il opposait ainsi les logiques de concurrence, « qui s'appuient sur une intelligence et une force brutales », et celles de coopération, fondées sur « une ouverture, une souplesse, une compréhension des autres ».

« La Fabrique de l'émancipation se reconnaît dans cet héritage de Claude Alphandéry, souligne François Dechy. Elle veut incarner cette même exigence de justice, d'inclusion et de dignité pour chacun. »

Camille Dorival