Christophe Itier (président de Mod’Emplois) : « Nous avons créé la plateforme pour rendre plus accessible l’entrepreneuriat à impact »

• Comment est née l’idée de la plateforme Mod’Emplois ?

À l’été 2020 nous avons imaginé, avec Philippe Bertrand, ancien animateur des Carnets de Campagne sur France Inter, et Elisabeth Potez, ancienne productrice des Maternelles, comment rendre plus accessible l'entrepreneuriat à impact. 

Nous nous sommes dit que l’outil numérique allait favoriser cette démocratisation en considérant deux choses : de plus en plus de citoyens se lancent dans l’entrepreneuriat y compris quand ils sont en reconversion. Et nombreux d’entre eux sont en quête de sens. 

Or, l’entrepreneuriat à impact est à la convergence de ces deux constats, sauf qu’il est plus complexe à aborder que l’entrepreneuriat classique. Il faut combiner deux choses, pas forcément compatibles de prime abord, une activité économique robuste avec un impact social positif. 

Autre point, l’écosystème d’accompagnement et de financement de ces entreprises est moins visible. Nous avons créé la plateforme pour rendre plus accessible l’entrepreneuriat à impact. 

• Comment fonctionne la plateforme ? 

La plateforme repose sur un premier niveau, assez classique, inspirationnel avec des entrepreneur.e.s qui exposent leur parcours entrepreneurial. Dans un deuxième niveau, l’entrepreneur.e explique en détail son projet, les étapes clés, comment elle.il a été accompagné.e, par qui et comment elle.il a été financé.e. Toutes les formes d’entrepreneuriat à impact sont présentes sur la plateforme, de la coopérative à l’association, en passant par l’entreprise à impact. 

• Quel est le rôle des structures inspirantes ? 

Ce sont des vidéos d’entrepreneurs sous formes de tutos réalisées avec le soutien méthodologique de la Chaire Essec Antropia où ils expliquent leurs parcours. Ces vidéos sont accompagnées de textes informatifs pour détailler les différentes structures indiquées dans la vidéo, comme France Active, etc. ou expliquer par exemple ce qu’est un prêt d’honneur. 

Cela permet d'éclairer le propos des entrepreneur.e.s. Il y a environ une centaine de vidéos aujourd’hui accessibles et gratuites. 

• Comment les utilisateurs sont-ils accompagnés sur la plateforme ? 

Autour de Mod’Emplois, nous avons monté un comité des parties prenantes composé de 50 partenaires de l’écosystème de l’accompagnement et du financement, de la BGE, la Bpi, en passant par France Active, la Caisse des Dépôts, etc. 

Les nouveaux entrepreneurs peuvent créer un compte sur Mod’Emplois et nous leur envoyons un questionnaire, pour suivre leur parcours entrepreneurial. Cela permet de sécuriser le passage du numérique au réel. Il peut ainsi avoir un contact avec les différents partenaires répertoriés et être ensuite accompagné dans son parcours, depuis la mise en contact, le suivi et la réponse à ses questions. 

Depuis novembre 2022, nous avons eu près de 12 000 visiteurs et aujourd'hui ils sont 100 inscrits et engagés dans un parcours. Nous sommes dans la phase où nous attendons leurs retours. Nous allons donc pouvoir mesurer la plus-value de la plateforme et les problématiques des utilisateurs. 

• Quelles sont les prochaines étapes prévues ? 

Nous allons créer une page magazine avec des contenus sous des formats très variés, des articles, des podcasts, une page sera dédiée aux incubateurs à impact pour expliquer leur fonctionnement. Nous voulons promouvoir l’écosystème pour que tout un chacun puisse bien en comprendre les contours.  

• Le premier sommet de la mesure d’impact s’est tenu à Paris le mois dernier. Une des propositions était de moduler la fiscalité selon l’impact de l’entreprise. Serait-ce une bonne chose ? 

Dans un premier temps, il faudrait se mettre d’accord sur ce qu’est l’impact, la mesure d’impact et des indicateurs partagés. Je pense à une étape préalable qui est connexe avec l'évaluation de la loi Hamon. C’est d’ailleurs l’occasion de regarder ce qui a marché ou pas, mais surtout de se synchroniser avec le moment. Les questions de solidarité, de transition écologique et d’une économie qui y contribue sont au cœur des débats à venir. 

• En quoi l'évaluation de la loi ESS pourrait concerner le secteur de l’impact ?

L’ESS, qui prétend être cette économie fer-de-lance de ses sujets, doit faire un exercice d’évaluation face à la réalité d’aujourd’hui. Il faudrait créer une grande loi, plus large que l’ESS, qui embarque l’ensemble des entreprises dans cette transition vers l’impact. 

La loi de 2014 a posé un périmètre autour des structures statutaires de l’ESS, les associations, fondations, coopératives, mutuelles et entreprises commerciales de l’ESS, mais il n’y a rien qui concerne l’impact social et écologique. 

• Quelles sont, selon vous, les priorités ? 

Il y a deux questions importantes. En premier, pourquoi l’ESS, qui se dit être l’économie de demain, qui n’a jamais été autant en phase avec le discours ambiant, est toujours aussi peu connue ? Deuxièmement, pourquoi certaines entreprises de l’ESS, et non des moindres comme le Groupe Up, La MAIF,  deviennent à mission ? Je pense que le statut actuel de l’ESS ne suffit pas pour démontrer leur impact.

Il faudrait refondre la loi en intégrant ces éléments et créer une poupée gigogne entre les statuts de l’ESS qui sont un mode d’entreprendre (gouvernance, partage de la valeur, etc), la société à mission et in fine l’impact. 

Christina Diego