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Par Carenews PRO - Publié le 3 juin 2021 - 09:00 - Mise à jour le 4 juin 2021 - 11:04 - Ecrit par : Christina Diego
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Morgane Hiron (Collectif Je t'Aide) : « plus la charge de l'aide est importante, plus la part de femmes aidantes augmente »

Le Collectif Je t’Aide vient de publier son dernier plaidoyer sur l’isolement social. Dix propositions concrètes pour mettre en lumière le travail des personnes aidantes. Nous avons rencontré Morgane Hiron, la déléguée générale du collectif pour en savoir plus.

Morgane Hiron déléguée générale du Collectif Je t'Aide nous parle des aidants. Crédit : Collectif Je t'Aide
Morgane Hiron déléguée générale du Collectif Je t'Aide nous parle des aidants. Crédit : Collectif Je t'Aide

 

L'isolement social des onze millions d'aidant.e.s existait avant la crise sanitaire et a été amplifié en 2020 par les mesures de restrictions. Dans le 4e plaidoyer du Collectif Je T’aide, publié en mai dernier, ce thème de l’isolement met en lumière le manque d'accompagnement, de reconnaissance, de visibilité et les nombreuses raisons qui expliquent l’isolement des aidant.e.s et la rupture sociale qui en découle.

Les dix propositions du plaidoyer interpellent les pouvoirs publics et s'inscrivent dans la mise en œuvre de la stratégie nationale « Agir pour les aidants ». Nous nous sommes entretenu avec Morgane Hiron déléguée générale du Collectif Je t'Aide pour mieux en comprendre les enjeux. 

 

  • Pouvez-vous me présenter le Collectif Je t’Aide et ses missions ? 

Le Collectif Je t’Aide existe depuis 2015, c'est un collectif composé de 27 structures membres, principalement des associations et quelques partenaires issus de la protection sociale. Notre particularité est d’être composé de beaucoup de diversité de structures, de grandes associations comme France Alzheimer et des plus petites, très localisées. Certaines sont spécialisées sur les aidants, d’autres sur le handicap ou une maladie en particulier. 

Nous travaillons sur deux objectifs principaux : faire avancer les droits des aidants lors de la publication de notre plaidoyer annuel et les rendre plus visibles avec nos actions en communication. Notre spécificité est de travailler sur l’ensemble de tous les aidants en France, ceux qui s’occupent des proches en situation de handicap ou en perte d’autonomie. 

Nous co-organisons la Journée des aidants du 6 octobre et nous publions un plaidoyer sur une thématique précise chaque année pour sensibiliser les politiques, ainsi que des campagnes de sensibilisation et un prix annuel. 

Depuis 2015, les missions se sont développées, et dès qu’il y a une élection nationale, régionale, municipale, nous interpellons les candidats. L’idée est de les sensibiliser sur la question des aidants.

 

  • Pourquoi avoir choisi l’isolement social comme thème de ce 4e plaidoyer ? 

Notre collectif travaille pour les aidants et avec eux. Chaque année, nous soumettons le thème du plaidoyer au vote des aidants lors de l’assemblée générale de décembre. Ce sujet de l’isolement n’est pas surprenant surtout après les différents confinements. 

Le plaidoyer de dix propositions permet, tout d’abord, de mettre en lumière différents constats sur les aidants. Nous nous sommes rendu compte qu’il y a peu de travaux sur l’isolement social des aidants. Nous avons remarqué que les aidants cumulaient souvent des caractéristiques communes aux personnes aidées isolées. Parmi celles-ci, beaucoup sont âgées et la moyenne des aidants est entre 50 et 60 ans. Beaucoup de personnes sont en précarité et sont seules, de même pour les aidants.

 

  • Quels sont les accompagnements dédiés aux aidants qu’il faut encourager ? 

Les dispositifs existants pourraient être plus développés, financés et valorisés. Il existe des groupes d’accompagnement des aidants, opérés par des professionnels ou entre pairs, des lignes d’écoute accessibles à des horaires faciles, des groupes de solutions sur le répit pour que les proches soient pris en charge par des institutions et que les aidants puissent avoir des journées pour souffler.

La question de l’accompagnement dans la vie professionnelle est importante. On le sait, les aidants familiaux, très souvent, réduisent leur amplitude de travail voire n’en ont plus. Le risque d'isolement en découle, car le travail est un lieu de liens sociaux.

Nous faisons une série de propositions sur le congé proche aidants qui existent depuis peu. Nous souhaitons que ce congé soit étendu à la fois dans la durée mais aussi pour les personnes qu’ils concernent. Ce congé a été mis en place fin septembre dernier et représente entre 2 000 et 3 000 demandes, ce qui est peu. Pour le moment, il n’est pas très connu et beaucoup de personnes qui l’ont demandé n’y avaient pas le droit, notamment, les personnes retraitées. Ce congé s’adresse effectivement aux personnes actives.

 

Dans un contexte de télétravail, certaines personnes aidantes n’ont pas osé l’utiliser surtout qu’il est accessible une seule fois dans sa carrière. Elles préfèrent attendre le bon moment. Et aussi le fait de demander à son employeur ce congé proche aidants est encore tabou dans certains secteurs.  

Aujourd'hui, ce congé est trop restrictif pour des aidants qui s’occupent de proches en perte d’autonomie dite GIR 1, 2 ou 3 (groupe iso ressource) ou en situation de handicap à plus de 80 %. Toutes les personnes qui accompagnent des proches en situation de maladies chroniques sont mises de côté. Il y a aussi la question de l’accès aux droits qui pose toujours problème. L’évolution de la santé des proches peut aller très vite et les droits perçus peuvent être en décalage.

Nous portons aussi une proposition sur le sujet du répit et du baluchonnage avec Baluchon France qui propose une solution de relayage très spécifique, sur plusieurs jours d’affilée, avec un cahier des charges très complet. Cela permet de répondre à beaucoup de besoins des aidants. Aujourd'hui, le baluchonnage fait l’objet d’une expérimentation. Nous souhaitons vraiment que cela puisse faire l’objet de développement et de financement pour que cette solution soit plus accessible aux personnes aidantes et aux professionnels. 

 

  • Dans votre plaidoyer, les femmes aidantes sont en première ligne. Comment cela s'explique-t-il ? 

 

Sur les onze millions d’aidants, il y a 58 % de femmes. En sachant que ce chiffre des onze millions est sous-estimé. Certains aidants s'occupent d’un proche et parfois de deux. Une maman aidante par exemple va s'occuper de son fils handicapé et de sa mère âgée isolée. Nous notons que plus les personnes sont dépendantes, plus la charge est importante, plus la part de femmes aidantes augmente. 

Nous avons mis en évidence, dans nos différents plaidoyers, l’existence d’une assignation culturelle des femmes à l’aidance, liée à la conception de la place des femmes dans la société. On considère que la femme, par son genre, a plus de facilité dans l’aide et occupe d’ailleurs souvent un poste dans les métiers de l’aide. 

Il existe une inégalité dans les couples de parents d’enfants handicapés. C’est souvent la femme qui va réduire son temps de travail voire s’arrêter de travailler pour s’occuper des enfants malades. Finalement, cela peut conduire à une situation précaire où les femmes renoncent à leur emploi, ne cotisent plus aux caisses de retraite, etc. Apparaît en cascade une aggravation de la précarité d’où l’intérêt de défendre des droits pour les aidants.  

Un des leviers importants à prendre en compte est le maintien ou le retour à l’emploi. Il y a énormément de compétences développées par les aidants et non valorisées au moment du retour à l’emploi. Un autre levier est de développer les structures de répit pour que les femmes aidantes puissent être accompagnées et que cette question ne soit plus réservée à la sphère privée et intime du domicile mais que cela devienne un enjeu de société. 

 

  • Quels sont les risques psychosociaux pour les aidant.e.s ? 

Avec les différents confinements, le risque d’isolement s’est accentué et nous avons constaté que seuls 38 % des Français savent vraiment ce qu’est un.e aidant.e. Les mots existent mais ne sont pas toujours bien utilisés. On ne se reconnaît pas forcément soi-même comme aidant.e, et quand c'est le cas, ce sont les proches qui ne savent pas ce que cela veut dire concrètement. 

Des risques psychosociaux existent bel et bien et concernent aussi bien la santé mentale que physique. Le manque de temps des aidant.e.s les conduit à faire des choix et donc à un isolement social. Il y a aussi le renoncement à soi. Les aidants oublient de se soigner et de prendre du temps pour soi. D’où des problèmes de santé, comme le mal au dos, le stress, l’anxiété ou les troubles du sommeil.

Nous avons certaines statistiques qui démontrent que, dans certains cas, les aidants peuvent disparaître avant les personnes aidées. D’où l’importance de faire de la prévention et être vigilant auprès des aidants afin qu’ils prennent soin d’eux pour ensuite à leur tour, bien prendre soin des proches aidés.

 

  • Quels sont les impacts de la crise sanitaire sur les aidants ? 

Il y a eu plusieurs impacts positifs durant les différents confinements. Cela a permis de mettre la lumière sur le fait que beaucoup de personnes, en dehors des périodes de confinement, vivent « confinées » avec leurs proches. Leur vie est tournée sur la personne aidée à la maison. 

Autre point positif, cela a permis de mettre en valeur les métiers du « care », comme les infirmières, les aides à domicile. On s’est rendu compte de l'importance de ces métiers pendant cette période. 

Concernant les aspects plus négatifs, il y a eu la fermeture des structures au premier confinement et les aidants ont dû reprendre des proches à leur domicile. Les structures d’informations ont modifié leurs horaires. Et certains aidants ont même dû effectuer des gestes médicaux, des piqûres, la pose de cathéters...  

Et plus dernièrement, il y a eu la peur de contaminer ses proches aidés à la Covid-19. Même lors des déconfinements, certains aidants n’ont pas pu aller revoir immédiatement leurs proches. 

 

Quels sont les enjeux politiques de ce 4e plaidoyer ? 

L’enjeu numéro un est de continuer à rendre visibles les aidants. Mettre en valeur, par nos chiffres et nos analyses, ce qui se passe concrètement dans leur quotidien, quelles sont les causes et les conséquences pour les aidants, etc. 

 

Comme il y avait un manque de travaux sur le sujet de l’isolement social des aidants, c’est d’apporter des constats et des données pour que d’autres experts puissent s’emparer de cette thématique et faire de la recherche. Dans les dix propositions du plaidoyer, certaines portent sur des thèmes très précis comme l'isolement ou le travail, cela peut contribuer à  faire avancer des chantiers déjà bien avancés.  

Ensuite, nous allons commencer la diffusion du plaidoyer et le présenter à l’ensemble des pouvoirs publics, dans les ministères, aux députés et sénateurs concernés. Et également auprès des différents candidats de la campagne actuelle des régionales et départementales. L’idée est de nouer des contacts pour l’après-élection afin de continuer à les sensibiliser jusqu’en octobre prochain jusqu'à la Journée nationale des aidants.  

Nous espérons que cette thématique des aidants soit un vrai enjeu de la campagne des régionales mais également lors des prochaines présidentielles. 

 

Christina Diego 

 

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