Qu’est-ce qu’une coopérative étudiante ?
Depuis 2016, des structures coopératives d’un nouveau genre voient le jour, les coopératives étudiantes. Généralement rattachées aux masters ESS des universités, elles se sont récemment regroupées en réseau.
Il existe en France plus de 23 880 coopératives selon le Panorama de l'ESS. Agricoles ou énergétiques, citoyennes ou d’entreprise… à chaque secteur son modèle coopératif. Ces dernières années, un nouveau genre de coopérative a émergé : les coopératives étudiantes. Souvent portées par les formations dans les universités, les premières expérimentations datent de 2010. Aujourd’hui, elles sont six à s’être unies sous le Réseau interuniversitaire des coopératives d’étudiant.e.s.
Ce réseau a été créé en octobre 2021 à l’initiative de six coopératives étudiantes :
- La SCIC B323 de l’Université de Poitiers (créée en 2016) qui a inspirée de nombreuses coopératives étudiantes.
- Coopine, la coopérative apprenante brassicole du master insertion et entrepreneuriat social et solidaire de l’Université Gustave Eiffel et de la Chaire ESS-UGE (créée en 2018).
- Coop’en 8, la coopérative étudiante éphémère de l’Université Paris VIII (créée en 2018).
- UniverScop du master ESS de l’Université Paul-Valéry-Montpellier (créée en 2020).
- Acc’ESS, la coopérative du master ESS et innovation sociale de Sciences Po Bordeaux (créée en 2021).
- Coopérative Jeunes Majeurs du master ESS de l’Université de Haute-Alsace (créée en 2022).
Des coopératives étudiantes intégrées à des masters ESS
Première particularité d’une coopérative étudiante, elles sont généralement portées par les masters ESS des universités. C’est le cas de Acc’ESS, la coopérative étudiante portée par le master économie sociale et solidaire et innovation sociale de Sciences Po Bordeaux. Initialement un projet tutoré proposé en deuxième année de master, elle a été totalement intégrée au programme pédagogique, sous l’impulsion des étudiants et avec le soutien du directeur du master Timothée Duverger, détaillent les deux coprésidents de la Scic, Samantha et Thomas :
Les horaires de cours et de travail ont été adaptés pour que la coopérative fasse partie intégrante du cursus. Tous nos cours gravitent autour de ce projet.
Pour la coopérative de l’université Paris VIII, Coop’en 8, le fonctionnement diffère légèrement. Le projet a été mis en place à l’initiative du service orientation et insertion professionnelle et est accessible à tous les étudiants de l’université. Portée par la chargée de projet du service, Élodie Ros, cette coopérative est une opportunité pour les étudiants de développer leurs compétences professionnelles.
Un pied dans la vie professionnelle
Une coopérative étudiante n’est ni un serious game, ni un projet tutoré. Il s’agit d’une véritable structure économique. Ce qui implique la gestion de l’entreprise et la création d’activité. Créée en 2018, la Coop’en 8 est une coopérative étudiante éphémère impliquant des étudiants coopérateurs trois mois dans l’année, d’avril à juillet. Les étudiants coopérateurs peuvent substituer cette expérience professionnelle à leur stage obligatoire. Comme dans une coopérative classique, ils autogèrent ensemble la structure et facturent des missions à des clients. « On fait tout l’inverse de la création d’activité “classique” : ils ont d’abord l’entreprise et après, ils se débrouillent », explique Élodie Ros.
Même principe pour la coopérative de Sciences Po Bordeaux. Lancée officiellement en 2021, elle opère une activité de cabinet de conseil pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire du territoire, précisent les deux coprésidents :
Nous recevons des sollicitations de la part des structures de l’ESS qui ont des besoins en début d’année. Nous avons réalisé quatre missions l’année dernière.
Si les étudiants sont au cœur du projet coopératif, ils peuvent cependant compter sur un appui pédagogique des universités. Le service d’insertion professionnelle de l’Université Paris VIII emploie, par exemple, deux accompagnateurs pour « les aider à s’approprier la coopérative, les aiguiller », précise Élodie Ros.
Comment fonctionne une Scic étudiante ?
Mis à part son rattachement à une université ou à une formation, le fonctionnement d’une coopérative étudiante diffère très peu de celui d’une Scic ou Scop classique. Comme ces dernières, les coopératives étudiantes reposent sur un principe clé : la gouvernance partagée.
Celle d’Acc’ESS s'appuie par exemple sur cinq collèges : les étudiants du master, les acteurs du territoire – d’autres coopératives du territoire –, les institutions – Sciences po, la CRESS –, les intervenants du master et les soutiens – les anciens élèves du master. Tous ces collèges constituent l’assemblée générale, répondant au principe d’Une personne = Une voix. Les prestations réalisées par les étudiants sont rémunérées, mais tous les bénéfices sont réinjectés dans la coopérative. Pour les étudiants-coopérateurs de Bordeaux, le modèle coopératif fut une évidence :
Le choix de ce modèle a été essentiel pour intégrer les acteurs du territoire dans la gouvernance et avoir une présence sur le territoire avec les collectivités, la CRESS et les autres coopératives et faire quelque chose de commun avec ces acteurs.
Sensibiliser les étudiants à de nouveaux modèles
Pour la chercheuse de l’Université Paris VIII, le choix du modèle coopératif fut également une évidence. Dans un premier temps, cette coopérative étudiante est un moyen pour les étudiants d’appliquer les compétences professionnelles développées au cours de leur parcours universitaire :
On s’est rendu compte qu’il y avait une difficulté entre l’image que peuvent avoir les étudiants sur les propres compétences acquises dans le cadre universitaire et l’image que les employeurs potentiels peuvent avoir sur leurs compétences opérationnelles développées dans ces formations généralistes, qui leur paraissent parfois loin du monde du travail et de l’entreprise.
Par ailleurs, la Coop’en 8 est un prétexte pour sensibiliser les étudiants à l’économie sociale et solidaire et leur montrer que d’autres modèles d’entreprise et d’organisation du travail existent :
Les programmes d’entrepreneuriat étudiant se sont développés avec la création du statut jeune étudiant entrepreneur en 2014. Tous ces programmes sont calqués sur des modèles de “juniors entreprises” des écoles de commerce et d’ingénieur et font peu échos à nos étudiants en langues, lettres, arts et sciences humaines. Ils ne se projettent pas sur la création d’entreprise et la rejettent parfois. Il nous semblait intéressant de leur montrer que la création d’activité, notamment lorsqu’on est dans ces domaines, pouvait être différente.
Lisa Domergue