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Par Carenews PRO - Publié le 2 septembre 2022 - 10:00 - Mise à jour le 4 octobre 2022 - 11:20
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UEED 2022 : la sobriété des entreprises engagées va-t-elle (enfin) inspirer les autres entreprises ?

Les UEED ont fait leur rentrée mardi 30 août dernier. Conférences et workshops ont inspiré les 2 000 participants. Un événement important pour le secteur des entreprises engagées, organisé par IMPACT France. La rédaction y était. Reportage.

Les UEED en débat avec Marlène Shiappa sur les entreprises engagées. Crédit : Carenews
Les UEED en débat avec Marlène Shiappa sur les entreprises engagées. Crédit : Carenews

 

 

Caroline Neyron, directrice générale du mouvement IMPACT France, a ouvert la journée en revenant sur la déclaration de la Première ministre Elisabeth Borne qui a appelé les entrepreneurs à « prendre leurs responsabilités » en matière de transition écologique. 

En réponse, les entreprises engagées ont publié dix propositions concrètes pour que le « cadre clair » fixé par l’État soit à la hauteur des impératifs de la transformation. 

 

  • Décarboner les entreprises françaises
  • Encourager à consommer moins mais mieux
  • Rendre la sobriété compétitive
  • Faire de l’Etat un acteur exemplaire
  • Remettre la finance au service du vivant
  • Investir massivement dans les entreprises sobres
  • Soutenir la transformation de tous les systèmes de production
  • Remettre du sens et de la mesure dans la distribution des richesses créées
  • Rendre notre économie circulaire et sobre en matières premières
  • Soutenir l’innovation sobre 

 

1er débat de Marlène Schiappa face aux acteurs de l’impact

C’était un débat très attendu par le secteur de l’impact. Personne ne souhaitait rater l’une des premières apparitions de la nouvelle secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, Marlène Schiappa. En face, Jean Moreau, le cofondateur et dirigeant de Phenix et coprésident d’IMPACT France était chargé d’animer l’échange. 

En introduction, il a dressé un court bilan du quinquennat précédent. Il a salué notamment le soutien au secteur associatif durant la crise sanitaire, le changement d’échelle de l’insertion et le dispositif gouvernemental « 1 jeune, 1 solution » avant d’exprimer, s’agissant du reste, « une sorte de frustration ». Jean Moreau a interpellé Marlène Schiappa sur la nécessité de mettre en œuvre des « contreparties » aux comportements exemplaires des entreprises à impact.

C’est au tour de la nouvelle secrétaire d’État de prendre la parole. Aucunes grandes annonces, mise à part la volonté d’ouvrir davantage la commande publique à l’ESS : « C’est une des priorités de ma feuille de route. » La simplification et la dématérialisation de l’agrément ESUS en feront également partie. La sobriété étant le maître mot de cette journée, le discours de Marlène Schiappa a été rythmé par des références personnelles, preuves d’une prise de conscience collective poussée par les jeunes.

 

Le capitalisme est-il compatible avec la sobriété ? 

Une question qui peut diviser : « La bourse ou la vie ? ». Modérée par Noam Léandri, secrétaire général de l’Ademe, cette table ronde réunissait notamment le directeur général de la MAIF, Pascal Demurger, et la directrice de la coopérative Label Emmaüs, Maud Sarda. 

Pascal Demurger prend la parole en premier. Pour lui, les assureurs sont un « assez bon thermomètre » des conséquences du changement climatique, au premier rang du coût des aléas climatiques. Il cite un chiffre de la Fédération Française de l’Assurance : en 2050, les coûts de l’assurance habitation pourraient doubler à cause de la crise climatique. Nous dirigeons-nous vers « un monde inassurable » ? « Pas encore, mais nous en sommes sur le chemin », a-t-il indiqué. Société à mission, la MAIF met un point d’orgue à ce que les intérêts des sociétaires passent avant la recherche de profit, notamment en appliquant une démarche de sobriété commerciale : « le conseiller commercial peut agir dans l’intérêt de l’assuré et pas uniquement dans celui de l’entreprise. » Une modération bénéfique à l’entreprise la rendant plus attractive avec un « niveau de fidélité inégalé ».

Le secrétaire général de l’Ademe s’adresse ensuite à la directrice de Label Emmaüs. Face aux géants du e-commerce qui lèvent des millions d’euros, elle appelle à « réévaluer les risques d’investir dans une coopérative (...), un modèle radical et vertueux de l’impact ». En effet, aucune capitalisation n’est possible au sein d’un modèle coopératif. Le « pouvoir » est le même, peu importe le montant de l’investissement. « Avec ce mécanisme, les business angels classiques vont avoir des difficultés à trouver leur compte. »  

Sobriété et licornes

Parmi les moments forts de cette journée, le dévoilement de la liste de dix startups en mesure de devenir des licornes sobres. Une licorne est une startup valorisée à plus d’un milliard d’euros. Tous les nommés sont venus pitcher dans le grand amphithéâtre.

Voici la liste complète : 

 

  • TeleCoop, premier opérateur télécom coopératif à vocation écologique et solidaire ;
  • Rift, l’application qui scanne l'impact sociétal et environnemental de son épargne ; 
  • 900.care, propose des produits de salle de bain à recharger ;
  • InovaYa, veut rendre l’eau potable accessible universellement ;
  • Fifteen, pour des villes humaines et durables grâce aux réseaux de vélos ;
  • Le Drive tout nu, le drive zéro déchet 100 % responsable ;
  • May, met en lien les parents avec des professionnels de la santé ;
  • Murfy, le réparateur d'électroménager pour mettre fin à la surconsommation ;
  • Wetradelocal.io, la supply chain-tech au service de la sobriété ;
  • Castalie, propose des fontaines à eau micro-filtrée.

 

Sobriété : vers une économie juste

 

une économie juste c'est quoi ? Crédit : carenews

 

Comment une économie peut-elle être sobre tout en étant juste ? Les Universités d’été ont accueilli deux experts aux spécialités différentes pour répondre à cette question. Pour Nadia Maïzi, mathématicienne et auteure principale du sixième rapport du GIEC, « L’impact du changement climatique ne fait que renforcer les inégalités existantes et notamment territoriales ». Pour une sobriété juste, elle estime qu’il va falloir trouver la manière d’engager et de faire participer tout le monde. Elle considère également qu’il y a une nécessité de changer les valeurs dominantes de la société : « si on ne met pas en cause les valeurs, on va continuer à mettre en place des solutions qui ne traitent pas le problème ». 

Autre regard, celui d’Eric Monnet. Il a reçu en 2022 le Prix du meilleur jeune économiste. Selon lui, la lutte contre la sobriété va remettre en cause notre modèle social qui apporte de la redistribution et de la protection : « Ce modèle, et notamment celui de l’assurance chômage, repose sur la croissance constante des revenus », rappelle-t-il. Or, il estime qu’il est aujourd’hui impossible d’affirmer que la croissance pourra coexister à l’avenir avec une politique de sobriété. 

 

Les entreprises de l’ESS peuvent-elles être un modèle de sobriété ?

 

Jean-marc Jancovici aux UEED. Crédit : Carenews

 

Autre moment phare des UEED, le duo formé par Eva Sadoun, coprésidente du mouvement IMPACT France et Jean-Marc Jancovici, ingénieur reconnu et fondateur du Shift Project et auteur du livre à succès : « Plan de transformation de l'économie française. » 

Dès le début de l’échange, Eva Sadoun a interpellé l’expert sur l'actuelle tendance à parler de sobriété « à tout va », sans avoir une définition commune partagée. Pour Jean-Marc Jancovici, « la sobriété peut être synonyme d’efficacité quand on demande à une entreprise de produire plus en baissant ses émissions carbone. » Puis, « il y a la pauvreté qui est la même situation physique que la sobriété sauf qu’on ne la choisit pas, elle est subie », a-t-il précisé. 

Eva Sadoun a ensuite voulu savoir comment transformer les entreprises dans une logique plus sobre ? Pour Jean-Marc Jancovici, le travail mené par le think tank Shift Project sur le plan de planification de l’économie française est en lui-même un exercice de sobriété. 

 La transformation en urgence est un exercice de pauvreté, en référence à la définition de toute à l’heure où nous ne sommes plus libres de nos choix, ce sont les conditions extérieures qui nous imposent leurs choix. La sobriété doit être planifiée, elle se base sur un changement des désirs des individus et c’est un long processus », a-t-il détaillé. 

 

Pour lui, « C’est un numéro d’équilibrisme de concilier l'emploi et la baisse des flux physiques. C'est un exercice sur un temps long qui prendra des décennies voire des siècles pour changer les infrastructures des villes, le paysage agricole, etc. Si on veut que cela se passe bien, cela sera long et coûteux. Le problème dans les démocraties, c'est la volatilité des pouvoirs politiques et donc, la (non) continuité de la planification. » 

La transition écologique peut-elle être rentable ? Eva Sadoun est revenue sur la position des entreprises à impact qui considèrent que le financement de la transition écologique pourrait être aussi rentable que le financement classique, mais en créant des impacts positifs. 

 Si on veut être compatible avec une limitation du réchauffement à deux degrés, en sachant qu’à ce niveau, on aura tué la moitié de la forêt française et la majorité des coraux dans les océans, il faudrait baisser les émissions de gaz à effets de serre de 5 % par an, tous les ans. Il faudrait une finance durable compatible avec un monde où le PIB baisse de 3 à 4 % chaque année. Vous aurez bien compris que nous ne sommes plus dans le même monde économique que celui où le PIB augmente de 5 %, comme actuellement. Quel secteur d’activité va pouvoir survivre ? D’où les enjeux majeurs de transfert d’emplois nécessaires à mettre en œuvre dans la transition écologique », a alerté l’ingénieur. 

 

Micro-trottoir aux #UEED2022

 

 

La rédaction   

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