Aller au contenu principal
Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 6 janvier 2022 - 18:02 - Mise à jour le 6 janvier 2022 - 18:28
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Le financement à impact par Marie Stéphane Maradeix, Fondation Carasso

Comment mobiliser les capitaux des fondations en un financement à impact qui répond à leur mission ? Comment ouvrir des voies originales et innovantes de financement ? La Fondation Daniel et Nina Carasso s’est engagée dans une démarche volontaire et exemplaire pour apporter des réponses à cette question encore peu traitée.

Interview de Marie Stéphane Maradeix, déléguée générale de la Fondation Daniel et Nina Carasso. Crédit photo : DR.
Interview de Marie Stéphane Maradeix, déléguée générale de la Fondation Daniel et Nina Carasso. Crédit photo : DR.

Une stratégie originale d'investissement à impact

  • L’originalité de la Fondation Daniel et Nina Carasso est d’avoir abordé ses programmes de façon très différente des modes traditionnels qui se limitent à la distribution de fonds.

 

Effectivement, nous avons essayé dès le début d’être une fondation qui souhaite aller au-delà du simple financement. Nous avons décidé de nous appuyer à la fois sur des apports financiers (subventions, investissements) et non financiers, avec une stratégie d’accompagnement diversifiée.

Nous venons de structurer notre offre sous le nom de Cartae, sur laquelle nous avons travaillé pendant un an en Espagne et que nous sommes en train de décliner en France, car nous sommes une fondation binationale. 

Dans le cadre de Cartae, nous avons fait un travail en « constellations » autour de grands pôles d’accompagnement : un pôle support technique de type juridique, administratif, stratégique, etc. ; un pôle autour des stratégies de communication et de plaidoyer ; un pôle autour des transitions écologique et numérique ; un pôle sur le modèle économique et les stratégies de fundraising ; et enfin un pôle plus thématique en lien avec nos axes « alimentation durable » et « art citoyen ». Cette offre propose aussi bien des formations, des conférences, des mises en réseaux, des études, etc.

 

  • Vous faites comme les fonds d’investissement qui investissent dans les sociétés et en prennent le management. 

 

Non, parce que nous ne prenons pas la direction, nous proposons seulement notre offre. Je vais donner un exemple : nous avons monté un partenariat avec l’Association Française des Fundraisers et nous proposons à nos porteurs de projets de participer à des webinaires de formation organisés pour nous par l’AFF.  Nous proposons des séminaires et des formations collectives, mais aussi des offres individualisées en direction de tel ou tel porteur de projet en fonction de ses besoins, par exemple un diagnostic stratégique ou un accompagnement à la prise en main de notre méthode d’auto-évaluation « La Boussole de l’Art Citoyen ».

 

  • Qui les accompagne ?

 

Nous avons réalisé une cartographie de nos prestataires. Quand nous n’avions pas de prestataires dans ces grands pôles, nous avons fait des pilotes et des tests avec certains prestataires pour calibrer une offre.  Nous fixons des limites économiques avec le prix des prestations soit en collectif, soit en individuel. Nous sommes en train de construire Cartae selon une approche marketing avec des prix, des produits, des canaux de distribution. 

 

  • Mais cette approche n’est-elle pas une approche d’activité commerciale ?

 

Non, parce que notre offre est gratuite pour les porteurs de projets, elle fait partie intégrante de notre mission sociale. Nous parlons de prix parce que cela nous coûte de l’argent. Il nous faut donc calibrer une offre avec nos prestataires de manière à bâtir nos budgets. Mais pour les porteurs de projet, ce sont des prestations gratuites qui viennent en complément de nos financements, de nos subventions.

La stratégie de la Fondation Daniel et Nina Carasso est d’articuler de manière ciblée nos trois ressources disponibles : les subventions, l’offre d’accompagnement Cartae - qui intègre aussi l’évaluation - et les investissements pour contribuer à l’impact et au changement systémique. 

Par ailleurs, lors de l’élaboration de notre stratégie 2019-2023, nous avons bâti nos programmes selon les trois dimensions de ce que nous avons appelé le « triangle de l’impact » : 

  • l’Action par le soutien financier et non financier à  des projets de terrain depuis l’amorçage jusqu’à l’essaimage 
  • la Réflexion par le soutien à la recherche, le lancement d’études, la veille, la mise en réseau et tout ce qui va permettre d’enrichir notre réflexion avec nos experts. À titre d’exemple, notre dernière étude disponible porte sur le numérique dans le milieu de l’agriculture et de l’alimentation 
  • la Diffusion par la communication, l’événementiel, les publications, par exemple les Carnets Carasso, la capitalisation de nos programmes et le soutien à des acteurs du plaidoyer. C’est l’interaction de ces trois dimensions qui permet également de viser l’impact et le changement systémique.

Une cohérence entre l’action et les investissements

  • Cette méthode concerne vos deux grands axes : l’art et l’alimentation durable. 

 

Tout à fait. Quand nous construisons un programme, comme par exemple celui sur la précarité alimentaire ou un programme sur l’éducation artistique, les équipes doivent systématiquement réfléchir à la stratégie pour contribuer à l’impact et ouvrir notre écosystème en s’appuyant sur les trois dimensions du triangle de l’impact. Par exemple, nous intégrons systématiquement la capitalisation et l’évaluation dès les débuts d’un programme et non à la fin, comme nous le faisons dans le programme TETRAA (Territoires en Transition Alimentaire et Agroécologique) ou PEGASE (Programme Expérimental de Généralisation des Arts à l’Ecole). Lorsque cela est nécessaire, nous activons également le levier de la sensibilisation des décideurs, comme nous l’avons fait sur la précarité alimentaire en proposant des webinaires durant la crise sanitaire en partenariat avec la Chaire Unesco Alimentations du Monde, en soutenant la mutualisation d’acteurs de référence pour solliciter le Plan de relance, et en participant au groupe de travail interministériel sur ces questions. 

 

  • Comment se structure votre stratégie de financement à impact ? Comment arrivez-vous en même temps à gérer les investissements rentables, car je suppose que vous avez besoin d’une rentabilité, et des investissements qui eux ne sont pas rentables et s’apparentent davantage à une subvention ? 

 

La première chose fut la mise en cohérence de notre patrimoine avec notre mission sociale philanthropique au sens large. En 2015, nous avons récupéré notre patrimoine initialement basé en Espagne et nous avons pu élaborer une stratégie. J’ai alors proposé d’insérer une poche à impact qui à l’époque était de 3 %, soit une quinzaine de millions d’euros.

La deuxième chose importante, intégrée dès le début, était que l’impact et l’investissement à impact ne signifient pas pour autant une baisse de rentabilité. Il faut parfois remettre en question la signification de ce qu’est l’impact. Pour nous, l’impact est en lien avec la théorie du changement que nous avons sur nos sujets, notamment dans le cas de l’alimentation durable. Il s’agit de changer le système de l’intérieur, de proposer un nouveau système alimentaire plus durable, plus sain, plus accessible. Mais aussi socialement défendable, que les gens puissent travailler et se payer décemment. C’est pour nous une approche systémique de l’alimentation. Nous cherchons des entreprises qui sont vraiment des « change makers » avec une rentabilité financière, issues du monde de l’économie sociale et solidaire avec sa capacité d’innovation, parfois des structures qui viennent du monde du mécénat, que nous avons aidées par des subventions, et que nous tirons, via les investissements, vers l’économie sociale et solidaire. 

Nous sommes allés voir les champions des investissements à impact tels qu’ils existent aujourd’hui et qui ne sont pas forcément dans nos thématiques comme Ashden Trust,  l’un des pionniers de l’impact investing en Grande-Bretagne ou Phitrust en France. Si nous sommes ici dans l’univers de l’économie sociale et solidaire avec une rentabilité moyenne, où l’on peut accepter de perdre de l’argent, nous choisissons néanmoins des fonds qui connaissent le business et savent identifier des entreprises porteuses d’impact social et/ou environnemental et avec une forte capacité de développement. 

En même temps, notre stratégie à impact nous conduit à investir dans des entreprises qui visent à vraiment changer la société tout en proposant une rentabilité de marché, comme le fonds de private equity Aqua Spark, qui vise le changement de la chaîne de valeur de l’aquaculture pour qu’elle soit plus durable. L’aquaculture est en plein boum, c’est un enjeu majeur pour nourrir le monde en protéines animales issues de la mer, mais elle est tout sauf durable parce que les poissons sont parfois nourris avec des farines à base de carcasses de viande et les élevages sont hyper traités, comme certains parcs de saumons. Cela pendant que la pêche sauvage décline et n’est pas forcément plus saine en raison des métaux lourds qui infectent les espèces. Aquaspark finance des entreprises  de l’aquaculture durable, depuis la production jusqu’à la qualité de la nourriture et ses processus de distribution aux poissons, tout en offrant les taux de rentabilité du private equity classique entre 7 et 10 %. Nous sommes sur une approche très disruptive qui repense totalement la chaîne de valeur de l’aquaculture avec un véritable impact sur tout un secteur et en même temps propose une rentabilité de marché. Notre stratégie d’impact investing joue finalement sur les deux tableaux, ce qui permet d’atténuer les risques. Notre poche, qui était de 3 % en 2015, va monter à 15% d’ici 2023 et nous en sommes déjà à 10% d’engagements . 

Investissement ISR et Fonds à impact

  • Cela est donc un fonds qui s’adresse aux investisseurs « de changement », ce n’est pas un fonds d’investissement ISR ?

 

L’investissement à impact va plus loin que l’ISR. L’ISR correspond aux normes du monde de la finance qui définissent l’investissement socialement responsable selon trois dimensions : l’environnemental, le social et la question de la gouvernance. Cela n’a pas toujours à voir avec l’impact. L’ISR peut s’appuyer sur des stratégies d’exclusion (par exemple, on exclut les entreprises qui font appel au travail des enfants, qui exploitent le pétrole… ) ou de « best in class » (les meilleures entreprises de leur secteur). Notre choix a été de basculer la quasi intégralité de notre portefeuille en ISR (93 % aujourd’hui), dont 15 % en investissement à impact d’ici 2023. D’après l’enquête 2020 du cabinet Amadeis, les actifs dits « responsables » représentent en moyenne 22 % des portefeuilles de fondations. Le détail des investissements à impact de la Fondation Daniel et Nina Carasso est donné dans notre deuxième rapport

 

  • Pouvez-vous nous détailler la partie des 10 % d’investissement à impact très intéressante, car très spécifique à votre fondation ?

 

Revenons sur la partie des 10 % d’investissement à impact qui sont déployés actuellement, avec un objectif de 15 %, à travers un nouvel exemple. Nous avons créé en 2018 un fonds dédié à l’alimentation durable, avec le gestionnaire suisse Quadia, qui s’appelle FDNC-SFS (Fondation Daniel et Nina Carasso - Sustainable Food System, cf. page 22 du rapport 2020). Ce fonds est doté de 5 millions d’euros, pour financer des entreprises disruptives dans le secteur de l’alimentation durable. Nous choisissons nous-mêmes avec Quadia les entreprises dans lesquelles nous investissons. C’est un fonds où nous prenons des risques.  Nous avions investi l’an passé dans une entreprise de l’ESS en Espagne, une sorte d’AMAP avec un marketing très fort, qui n’a pas résisté à la crise de Covid. Ils ont eu beaucoup de demandes, un fort développement, du coup des besoins en capitaux. Ils ont fait une levée de fonds, nous étions prêts à réinvestir. Malheureusement, le co-investisseur s’est désisté au dernier moment. Ce n’est pas que le modèle était mauvais, mais la recherche de financement n’a pas rencontré le développement de l’entreprise et ils ont connu une crise de croissance. Cela arrive, nous avons assumé le risque et, finalement, cela fait partie de la vie de ce type d’entreprise. 

Avec Quadia, nous avons également investi dans une entreprise que nous avions soutenue à son démarrage en mécénat, à savoir l’entreprise d’insertion Bou’Sol qui fait du pain bio semi-industriel distribué dans les collectivités locales, comme les cantines de la ville de Marseille. Avec le fonds FDNC-SFS, nous recherchons ce continuum entre le mécénat et les investissements, même si ce n’est pas toujours facile de trouver des structures qui ont la maturité suffisante. Nous sommes globalement très satisfaits de notre partenariat avec Quadia et avons récemment pris la décision d’augmenter la taille du fonds de 5 à 10 millions d’euros. Par ailleurs, nous avons aussi investi 1 million d’euros dans le fond Phitrust Partenaires Europe, acteur pionnier de l’investissement à impact en France. Si son orientation est « généraliste », il propose une stratégie d’impact tout à fait pertinente pour la Fondation Daniel et Nina Carasso, avec un regard spécifique sur l’inclusion sociale qui propose des modèles très vertueux et à fort impact social et environnemental. Nous nous inscrivons dans les objectifs de développement durable (ODD) qui donnent de la cohérence à nos investissements.

Un engagement fort de la gouvernance

  • Pour engager une telle démarche, faut-il avoir des fonds importants disponibles ?

 

Pour pouvoir entreprendre cette démarche, il faut certes une dotation importante, mais aussi avoir le pilotage stratégique de cette dotation. Toutes les fondations n’ont pas un comité financier en propre ou dépendent parfois de spécialistes à qui elles délèguent la gestion financière. II y a aussi des fondations qui n’ont pas vraiment de dotation et gèrent plutôt de la trésorerie. Or, la trésorerie nécessite des placements liquides, peu compatibles avec ce type de stratégie à impact qui requière souvent des investissements « patients » (6 à 10 ans). Il est cependant possible de viser une certaine cohérence avec la mission d’intérêt général des fondations en contribuant à la transition écologique via des placements « verts » que l’on commence à trouver aujourd’hui dans toutes les catégories de produits financiers. Certains de ces placements peuvent être à impact, d’autres non, mais néanmoins contribuer à la lutte contre le changement climatique. 

 

  • Pour ce genre d’investissement dans le renouvelable, les panneaux solaires, les éoliennes, les batteries, a-ton vraiment besoin des fonds des fondations, parce qu’il y a beaucoup d’argent et de financements dédiés à ces questions aujourd’hui ?

 

La question n’est pas de savoir si les entreprises de ce secteur ont besoin de l’argent des fondations, mais de savoir si celles-ci veulent contribuer à la transition écologique et comment elles peuvent le faire de la manière la plus efficace. Les fondations doivent d’abord se poser la question de savoir où investir leur argent en fonction des enjeux de transition, c’est une question de cohérence et de posture par rapport à leur mission sociale et au rôle qu’elles ont envie de jouer dans la société. Il y a de nombreux débats sur le cycle de vie des différentes énergies renouvelables ou la substitution d’une énergie par une autre (solaire par rapport à du carbone ou du nucléaire, par exemple). On peut aussi investir dans la sobriété énergétique comme l’investissement dans la rénovation des bâtiments, le recyclage, la consommation et l’alimentation responsables. 

Le deuxième enjeu est de savoir où placer cet argent une fois que l’on s’est posé cette question, car il n’est pas toujours simple de s’y retrouver dans les nombreux produits financiers et le risque de « greenwashing » n’est jamais loin. 

Par ailleurs, la grande majorité des fonds en actions et obligations d’entreprises émettent du carbone au-delà des trajectoires visées par les Accords de Paris. Cela peut motiver les fondations à investir dans des solutions plus bas-carbone. Pour comprendre ces enjeux, j’encourage les fondations à se documenter et à rejoindre la Coalition française des fondations pour le climat, une initiative portée par le Centre français des fonds et fondations qui permet d’aborder collectivement ces questions. 

 

  • On sait qu’un grand nombre de fondations sont bridées par leur comité financier dont les membres sont souvent des banquiers, qui ont donc plus l’habitude de faire des investissements très traditionnels en actions sur le marché sans se poser de question. Comment avez-vous pu faire comprendre à votre comité financier, d’investissement, qu’un portefeuille n’est pas juste un portefeuille d’actions mais qu’il peut aussi constituer une véritable stratégie ?

 

Je suis persuadée que la culture évolue beaucoup. Il y a un argument, c’est la rentabilité. Nous avons eu une rentabilité de 4,18 % en 2020 et cumulée depuis 2015, la croissance de notre portefeuille a été de plus de 22,64 %. Même avec les choix que nous avons fait pour l’ISR et l’investissement à impact, nous avons une bonne rentabilité. Nous avons indéniablement été aidés par l’envolée des marchés et nous sommes sur une gestion dite « dynamique » avec des risques en raison de notre part d’actions qui reste importante. Il faut accepter cette part de risque. Nous comptons également des banquiers dans notre comité financier, ils sont aujourd’hui les plus allants sur cette cohérence de l’ensemble du portefeuille.  

Je pense que les banquiers de la place sont aussi rattrapés par l’évolution des enjeux de société et les réglementations en faveur du climat et de la biodiversité. Ils savent bien que la lutte contre le changement climatique est au cœur des débats et que l’Europe va bientôt mettre en application sa « taxonomie » qui fixe les secteurs d’investissement de la transition écologique, sans parler du Règlement Disclosure qui impose aux investisseurs de nouvelles obligations de reporting, en particulier la prise en compte des risques liés au développement durable dans leurs choix d’investissements.  Les fonds d’investissement vont devoir intégrer ces dispositions qui vont être également demandées par les grands investisseurs institutionnels. Il va y avoir un appel d’air du marché sur les produits « verts ». Tout le monde suivra, mais pas assez vite, et sans doute pas toujours avec discernement, d’où la nécessité pour les fondations de se renseigner.

 

  • Quelle est la durée de ces investissements ?

 

Elle est plutôt longue, nous sommes souvent dans le secteur du private equity, ce sont des investissements d’une durée de 6 à 10 ans.

La gestion du risque

  • Que dire du risque pris par vos expérimentations ?

 

Il ne faut pas avoir peur du risque et de toute façon, comme je l’ai dit, on atténue le risque en investissant aussi dans des entreprises qui sont beaucoup plus porteuses. Je n’ai pas précisé que nous avons une matrice d’impact pour chaque entreprise avec différents indicateurs. Nous avons ainsi de très belles entreprises dans notre portefeuille. Cela permet d’atténuer le risque sur des entreprises plus fragiles ou qui sont au début de leur aventure (early stage). Nous avons investi par exemple dans une entreprise en démarrage, Drive Tout Nu, qui est un mode de distribution d’alimentation de proximité en circuit court zéro déchet. Les gens viennent avec leurs propres contenants ou ils reçoivent des contenants consignés. Elle est implantée à Toulouse et commence à se développer dans des lieux différents et le concept marche très bien. Ce type d’entreprise apporte une nouvelle approche de la consommation responsable et nous la suivons depuis le début de son aventure. Nous y croyons beaucoup !

 

Le fait d’investir dans ce type d’entreprises ne pose-t-il pas un problème sur le plan de la fiscalité pour vous ?

 

Non, parce qu’il s’agit d’un investissement, d’un placement que nous avons fait dans le fonds de notre partenaire Quadia, cela n’a rien à voir avec du mécénat. Nous investissons dans des fonds, dédiés comme FDNC-SFS ou ouverts comme Phitrust, Aqua Spark ou Famae Impact. Nous avons un seul investissement en direct dans l’entreprise Arte Éducation pour le développement de plateformes éducatives , une prise de participation au capital, aux côté de la Caisse des Dépôts, que la Fondation de France a monté pour nous. 

Une politique multi acteurs

  • Considérez-vous que vous avez eu une approche originale et très spécifique dans vos investissements ? 

 

Ce n’est pas une question d’originalité. Je ne me compare pas, j’avance. La fondation recherche avant tout l’impact sur ses sujets. Nous essayons donc de développer tous les outils à notre disposition. Notre ambition, si j’en ai une, c’est d’essayer d’inspirer d’autres fondations. C’est pourquoi, nous mettons nos outils et publications en open source et que nous racontons notre trajectoire – nos succès et nos déboires - à travers nos rapports d’impact. Si nous pouvons inspirer d’autres fondations à rejoindre ce mouvement, cela serait formidable, car nous prouverions que la transparence des données, l’open source, les alliances et la conviction sont facteur d’évolution et d’innovation.  C’est aussi ce que nous voulons partager dans la Coalition française des fondations pour le Climat.

 

  • Vous avez d’autres modalités d’investissement ?

 

Nous avons été partie prenante du Fonds i créé à l’initiative de la Banque des territoires et d’un certain nombre de fondations qui souhaitaient proposer un outil d’accompagnement de changement d’échelle d’entrepreneurs sociaux, mais avec un modèle rentable. Il ne s’agit pas de rentabilité au sens de faire de l’argent, mais de générer un capital tournant par un système d’avances remboursables sur le parcours d’accompagnement dispensé par un dispositif assez complexe de prestataires, à partir d’un diagnostic qui est posé sur chaque entreprise de l’économie sociale et solidaire. Si un certain nombre des indicateurs de l’objectif sont atteints, l’entrepreneur rembourse le coût de l’accompagnement. Ce qui permet ensuite de faire entrer d’autres entrepreneurs dans le processus. 

 

  • N’est-ce pas le fonds d’impact du gouvernement ?

 

Non pas du tout, ce n’est pas de l’argent, c’est vraiment un dispositif d’accompagnement, donc de conseils auprès des entrepreneurs sociaux pour aider à leur changement d’échelle, basé sur un diagnostic préalable. La Fondation Carasso a investi 200 000 euros dans ce dispositif. S’il y a des avances remboursables, sur un délai assez long, ces fonds vont permettre chaque année d’intégrer de nouvelles cohortes d’entrepreneurs dans le processus. Le Fonds i a été assez long à mettre en place, car il fait appel à de nombreux partenaires, investisseurs et prestataires. C’est une sorte de partenariat public/privé sur de l’accompagnement d’entrepreneurs sociaux, les initiateurs sont AG2R La Mondiale, le ministère de l’Éducation nationale, la Banque des Territoires, Le Rameau, les fondations Caritas France et Carasso. Des structures comme le Réseau Cocagne, Bou’Sol, Wimoov ou le réseau des CPIE ont déjà été accompagnés par le dispositif.

Par ailleurs, en Espagne, notre deuxième pays d’intervention, nous allons miser sur l’amorçage avec une plus grande prise de risques, car il s’agit vraiment d’aider les entrepreneurs à démarrer. Dans ce pays, il y a moins d’incubateurs qu’en France où nous avons un écosystème d’incubation y compris d’entrepreneur sociaux assez bien structuré. Nous finalisons un partenariat avec Ship2b, qui est une des rares structures très impliquées sur ces questions-là, pour créer un fonds d’amorçage dédié à l’alimentation durable et l’art citoyen. En France, nos critères pour le fonds FDNC-SFS avec Quadia nécessitent un investissement minimum de 100 000 euros et au moins deux ans de chiffre d’affaires pour les entreprises. Ce n’est pas le tout début de la création, même si c’est un stade encore risqué. Il nous manque cependant une brique plus en amont et nous réfléchissons à l’amorçage également en France, même si nous savons que nous perdrons de l’argent.

 

  • Si l’expérience se solde par une perte au final, c’est comme une subvention ?

 

Oui, sauf que cela reste de l’investissement.

 

  • Le coût de mise en œuvre que vous évaluez à 20 000 euros par entreprise en amorçage n’est-il pas trop cher par rapport à l’investissement ?

 

C’est une vraie question, car pour notre fonds d’amorçage en Espagne, les coûts à côté de l’investissement sont autant, voire plus élevés.

 

  • Est-ce que, philosophiquement, cela pose un problème si ce coût de l’investissement dans l’accompagnement est plus cher que la subvention ? 

 

Il y a deux dimensions. Le coût d’accompagnement va être supporté par de la subvention. En général, les partenaires peuvent recevoir des subventions, c’est donc de l’accompagnement de la mission sociale, cela fait partie de la boîte à outils Cartae. Et l’investissement, c’est la prise de risque :  on investit et si l’entreprise fait faillite, nous perdons l’argent que nous y avons investi. Nous assumons à partir du moment où nous avons un continuum de l’amorçage jusqu’à l’essaimage ou au développement, cela fait partie de la manière dont nous avons défini notre modèle économique, ou plutôt social, notre mission sociale.

Pour conclure, je pense que les investissements à impact représentent une réelle opportunité pour mobiliser les dotations des fondations pour partie au service du projet social. Cela nécessite une véritable volonté de la gouvernance de changer de vision sur la gestion des actifs au profit de l’objet social. C’est une bataille de conviction qui mérite d’être menée, elle se gagnera par le partage d’expérience et la création d’alliances solides basées sur des convictions fortes. Elle montrera la forte capacité d’innovation des fondations.

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer