Mécénat environnemental, RSE & le piège du greenwashing

Le mécénat environnemental est un réel levier pour les entreprises désireuses d’aller au-delà de la réglementation et de la RSE pour contribuer de toutes les façons possibles à réduire leur impact environnemental.  Cependant, trop souvent, des entreprises bien intentionnées se retrouvent piégées dans des situations de greenwashing où leur discours apparaît trop décalé par rapport à leurs actions.

En effet, le mécénat ne peut et ne doit en aucun cas venir « compenser » les externalités négatives d’une entreprise sur l’environnement, au risque de voir la dynamique d’engagement interne, la confiance des clients/usagers et de collaborateurs s’amenuiser. Cette utilisation du mécénat peut conduire à des accusations de greenwashing, aujourd’hui très scrutées par le grand public.

Cela accentue aussi les craintes des entreprises qui veulent faire du mécénat environnemental : qu’on leur reproche de ne pas en faire assez dans leurs pratiques, qu’une démarche bien intentionnée se transforme en loupe sur le travail qu’il reste à faire en interne. Or, il existe des solutions pour anticiper ces risques nouveaux et orienter malgré tout son mécénat vers l’environnement. Sans être parfaite, une entreprise peut afficher une politique en matière de RSE responsable et ambitieuse avec des plans d’actions concrets et transparents.

Comment engager un mécénat environnemental éclairé sans tomber dans le greenwashing ?

Collaborer avec la société civile

L’une des pistes est de travailler avec la Société Civile. En effet, cette collaboration permet d’obtenir des avis neutres et constructifs, à la fois pour transformer les secteurs concernés mais aussi pour élargir la réflexion aux impacts indirects, souvent peu pris en compte.  

Cette collaboration contribue à éclairer l’entreprise sur des questions environnementales qui dépassent son seul scope et à orienter ses actions. Ecotone par exemple, a choisi de participer aux travaux de la Convention des Entreprises pour le Climat, qui ont permis l’accompagnement de décideurs économiques à partir de leur propre feuille de route, dans l’amélioration de celle-ci pour développer un plan précis de transition écologique. Le Geres, ONG qui agit depuis près de 50 ans sur la solidarité climatique, collabore activement avec des grands groupes d’énergie pour aider à la transformation des usages vers plus de sobriété énergétique dans les quartiers populaires de Marseille. Ces grands groupes ont besoin de cette intermédiation sociale pour mieux comprendre l’impact de leurs solutions, quand bien même leur visée première est favorable à la transition écologique.

Transparence, plan d'actions et évaluation

Pour se prémunir contre le greenwashing, les entreprises doivent intégrer leur mécénat environnemental dans un plan d’action global qui va de la détermination d’objectifs ambitieux en matière de RSE à la production de mesures d’impact transparentes et partagées, et à la définition d’outils ou organes de contrôle indépendants capables d’évaluer leurs résultats. En créant ce continuum entre les efforts en matière de RSE, leur souci de transparence et d’évaluation et leur engagement sincère à soutenir le mécénat environnemental, les entreprises peuvent obtenir un plus grand impact de leurs actions et asseoir leur crédibilité auprès de leurs parties prenantes.

En matière de mécénat environnemental, il est possible aussi pour les entreprises de s’en remettre à des critères d’évaluation connus pour mesurer l’impact des projets soutenus : pourquoi ne pas appliquer les critères ESG (Environnement Social Gouvernance) à la grille d’évaluation des projets ? pourquoi ne pas inclure des questions sur le climat ou la biodiversité quel que soit la nature du projet soutenu (culture, santé, éducation…) ? De plus, il est crucial de viser des normes plus élevées qui dépassent le simple mécénat. La taxonomie européenne peut servir de référence.

Communiquer en interne avant de communiquer à l'externe

Avant de faire état auprès du grand public ou de ses clients de l’engagement d’une entreprise envers le mécénat environnemental, il peut être pertinent d’adopter une démarche de sensibilisation des salariés et dirigeants aux questions environnementales. Cette sensibilisation interne favorise la prise de conscience et peut accompagner, voire influencer les décisions de l’entreprise.

Une grande partie de l’effort que les entreprises font pour réduire leur impact environnemental se déroule en interne, il est donc logique de trouver la bonne articulation avant de chercher à exporter ses engagements. Pour preuve de la difficulté, un tiers des entreprises témoigne que l’articulation mécénat – RSE va être un des enjeux principaux à traiter dans les années à venir.

Ce qui est aussi en jeu dans cette articulation, c’est la question du récit que l’entreprise doit produire, en interne comme en externe, autour de sa transformation environnementale. Cela reste primordial car créer un imaginaire positif de la transition énergétique est une des manières de pouvoir sensibiliser tous les publics.

Collaborer et partager ses connaissances

Le mécénat environnemental peut aussi devenir un outil puissant contre le greenwashing lorsque les entreprises s'engagent à travailler avec d'autres mécènes. Ces collaborations mutualisent les forces et les ressources pour soutenir des projets environnementaux significatifs. La participation à la Coalition des Fondations pour le climat illustre l'importance de l'unité d'action.

« Nous sommes prêts à recevoir tous les acteurs souhaitant s’investir sur les sujets environnementaux. Partageons nos expériences, nos savoir-faire. Les solutions que nousdevons trouver seront le fruit d’une réflexion commune à tous les acteurs »

Karine Gavand, directrice France de la European Climate Foundation

Quelles sont les clés d'un mécénat environnemental réussi ?

S'engager avec tous les acteurs 

Le mécénat environnemental ne doit pas être une initiative isolée. Les entreprises devraient chercher à travailler avec tous les acteurs, y compris les gouvernements, les ONG, les chercheurs et les citoyens. Cette diversité d'acteurs garantit une vision globale et des résultats plus significatifs.

Penser au long terme

Les entreprises ne doivent pas se laisser entraîner par des décisions qui ne visent que des retombées immédiates. Le mécénat environnemental exige une vision long terme et des initiatives systémiques pour apporter un changement perceptible et conséquent.

Faire confiance aux associations soutenues

Le mécénat permet de pouvoir explorer des univers avec des parties prenantes qu’on ne connaît pas forcément, voire qui s’opposent aux actions de l’entreprise. Or, cet échange est source d’enrichissement commun, grâce aux spécificités d’approche de chacun. Il faut apprendre à travailler en dehors des cadres habituels dans un climat de confiance et d’ouverture. Les entreprises doivent donc faire confiance aux organisations environnementales qu'elles soutiennent. Ces associations sont les expertes des solutions à apporter et sont en première ligne pour résoudre les problèmes environnementaux. Elles agissent en tant que tiers de confiance, contribuant à éliminer la tentation de faire du greenwashing.

Challenger et se faire challenger

Certaines organisations n’acceptent de soutien en mécénat que si l’entreprise s’engage à effectuer des changements internes. Cette exigence peut constituer un défi mais elle favorise des actions authentiques et durables. Chercher des partenaires challengeant permet aussi de cheminer vers une voie de progrès. Il est également important, en tant que mécène, de savoir faire face à des porteurs de projets parfois aux expertises faibles sur les questions environnementales. Le mécène doit donc observer un devoir de vigilance et une démarche incitative et non punitive pour les projets qui souvent manquent simplement de moyens, pour faire mieux sur le plan de leur impact environnemental.

Le mécénat environnemental peut donc être un apport complémentaire déterminant de la RSE lorsque les entreprises l'abordent avec intégrité et engagement. Si le greenwashing a été médiatisé suites à des actions douteuses de certaines structures, il ne doit pas être un épouvantail auprès d’acteurs bienveillants souhaitant apporter leur soutien dans cette lutte climatique. Il en est de même pour les associations environnementales qui sont traditionnellement peu enclines à solliciter les entreprises pour du mécénat en imaginant deux mondes radicalement différents entre secteur privé et acteurs de l’intérêt général.

Cependant, des solutions existent et ce sont les alliances entre ces deux secteurs qui les feront émerger. En évitant le piège du greenwashing, en collaborant avec une diversité d'acteurs, en évaluant rigoureusement les projets et en faisant confiance aux associations, les entreprises peuvent contribuer de manière significative à la protection de l'environnement, en utilisant le levier du mécénat.

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