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Par ETIC – des tiers-lieux responsables - Publié le 17 novembre 2025 - 09:36 - Mise à jour le 17 novembre 2025 - 11:47
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Les Portraits Foncièrement Responsables : Bernard LOQUAIS – ANAÉ

Rencontrez celles et ceux qui façonnent l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) en France et qui travaillent au quotidien au cœur de nos tiers-lieux professionnels et écologiques. Dans cette interview exclusive, nous avons le plaisir de vous présenter Bernard Loquais, Coordinateur de centres de vacances adaptées, pour l’association ANAÉ et résident à HÉVÉA, un tiers-lieu ETIC situé à Lyon.

  • Petite présentation, qui êtes-vous ?

 

Je suis Bernard Loquais, je travaille à l’ANAÉ depuis 1997 (28 ans). J’ai d’abord eu une expérience de terrain pendant 19 ans, en gérant le site de Pralognan-la-Vanoise. Cela fait maintenant une dizaine d’années que je travaille au siège de l’association, que j’ai créé à la demande du conseil d’administration pour renforcer et structurer l’association, notamment avec l’arrivée de fonctions support.

J’ai découvert le projet de l’ANAÉ lorsque j’encadrais des séjours pour des enfants handicapés, en tant que bénévole, et c’est là que j’ai rencontré le président de l’association. 

À l’époque, je faisais des études d’économie et j’étais un des premiers étudiants ERASMUS, à Londres. J’étais plutôt destiné à travailler dans le domaine de la finance, de l’assurance ou de la banque, et c’est finalement cette expérience « extra-scolaire » qui m’a guidé vers l’ANAÉ. Je dis souvent que la vie professionnelle est faite d’opportunités et que le parcours universitaire ne dicte pas forcément notre futur.

  • En une phrase, quelle est la mission principale de votre structure ?

 

L’ANAÉ apporte une globalité de réponses pour partir en vacances.

J’insiste sur ce terme de « globalité » parce que sans ça finalement il n’y a pas d’offre. Par exemple, on peut offrir l’accessibilité à un hôtel pour une personne porteuse de handicap, mais le reste ? Mais qu’en est-il des activités, des modes de transport ou la prise en charge de la vie quotidienne (toilette, repas) ?

La pertinence de l’ANAÉ réside par la globalité de son offre et de ses services.

  • Quel est le principal enjeu actuel dans votre domaine ?

 

L’enjeu est sociétal ! Nous défendons les vacances comme un droit. Ce n’est pas une option de partir en vacances pour décrocher de son quotidien, être en bonne santé mentale, prendre du recul, changer d’air et ça participe à un équilibre fondamental !

Il y a une vraie problématique dans la société qui peut être paradoxale. Je prends l’exemple des institutions du secteur médico-social : il y a 28 ans, quand je suis arrivé à l’ANAÉ, 45% des nuitées de vacances étaient organisées par les professionnel·les et institutions alors qu’on est à 13% aujourd’hui.

L’ANAÉ se situe dans la prolongation d’un certain service public.

Il y a 30 ans, on se définissait professionnellement en disant « dis-moi quel métier tu fais et je te dirais qui tu es » mais ça a changé. Aujourd’hui on dit « dis-moi ce que tu fais comme loisirs et je te dirais qui tu es » et pour les personnes valides comme handicapées c’est aussi une forme d’identité sociale et citoyenne de pouvoir partir en vacances, c’est même une fierté !

  • Qui sont les publics concernés par ce que vous proposez ?

 

D’abord, j’aimerais parler de notre valeur de mixité. On se définit comme des centres de vacances adaptés, avec une vraie vocation et raison d’être qui est le handicap (80%). L’ANAÉ s’adresse à plusieurs publics effectivement :

Les institutions Puisqu’on répond à une demande institutionnelle souhaitant organiser des vacances pour les personnes handicapées de leurs institutions. Elles font appel à l’ANAÉ toujours pour cette globalité (l’accessibilité, les activités, le matériel, la sensibilité…).

Les familles

Qui accompagnent un enfant ou une personne handicapée pour un séjour à la montagne ou à la mer… et c’est ce qu’on appelle les séjours répit.

Les OVA (Organismes de Vacances Adaptés)

Des associations qui organisent des séjours plutôt en pension complète.

Les ACM (Accueils Collectifs de Mineurs)

Qui organisent des colonies ou classes découvertes et qui accueillent en priorité des jeunes porteurs de handicap (écoles, comité d’entreprise).

Une personne individuelle

On propose des séjours de 4 à 8 personnes, c’est une offre packagée, avec un accompagnement au transport. On vient les chercher en gare à Nantes, Paris, Lyon ou Marseille et tout est prévu et organisé que ce soit un séjour d’hiver ou d’été.

Secteur associatif ou club sportif avec une dynamique d’inclusion comme handisport ou des associations de triathlètes.

  • Pouvez-vous nous partager quelques succès ou vos plus belles réussites ?

 

Oui, bien sûr ! Depuis 3 ans, nous avons mis en place les séjours répit avec une solution de services à la personne où les familles ou aidant.es demandent à la carte des prestations à un membre de l’équipe ANAÉ (habiller, laver, faire manger, prise en charge occupationnelle). Ainsi, chacun·e dispose aussi d’un temps rien que pour lui·elle. Cette solution répond à un vrai besoin !

  • Pouvez-vous nous raconter l'histoire de votre structure ?

 

L’ANAÉ a été créée en 1956 et quand je suis arrivé, à la fin des années 90 j’ai vu des personnes en situation de handicap qui étaient là, en vacances, dans un superbe environnement mais il n’y avait pas vraiment d’activités programmées. On avait résolu la problématique de pouvoir partir et c’était déjà un succès !

La deuxième étape se situe entre les années 2000 à 2020 où nous avons réglé et amélioré le confort d’usage pour l’accès au bâtiment mais nous avons surtout développé les activités : pôle handi nautique à Hyères pour se baigner, se garer, se changer avec le matériel nécessaire mais aussi un dispositif pour faire du ski et d’autres activités comme du chien de traîneau, du parapente ou encore le parachute ascensionnel.

La troisième grande étape c’est le service à la personne et le développement des séjours répit à partir de 2022.

Si on résume, avant c’était « je pars en vacances », puis « qu’est-ce que je fais en vacances » et maintenant c’est vraiment l’accès aux services à la personne.

  • Quelles sont les valeurs fondamentales qui guident votre travail au quotidien ?

 

- Les vacances comme un droit fondamental

- Le respect et la dignité de la personne quelle qu'elle soit, quel que soit son degré de dépendance. Considérer chacun·e comme individu à part entière.

- La mixité

  • Comment mesurez-vous votre impact ?

 

De manière quantitative, avec 2350 personnes qui partent chaque année, 7000 personnes accueillies sur nos centres.

Nous sommes en train de travailler sur notre mesure d’impact avec APICIL qui nous a financé, en répondant à la question fondamentale : Si la personne ne part pas en vacances, qu’est-ce qui se passe ? qu’est-ce que ça change ? » Et cette mesure d’impact est difficile à évaluer mais nous y travaillons !  

  • Comment impliquez-vous les parties prenantes (communauté, clientèle, partenaires...) dans vos projets ?

 

Beaucoup, déjà il y a l’usager ! Ensuite sur l’adaptation et l’aménagement des espaces de vie on s’appuie beaucoup sur les retours d’expérience des familles, des institutions, des usagers. Nous nous sommes aussi entourés de partenaires (cabinet d’ergonomie) pour réfléchir sur le mobilier, avec des phases de test pour mesurer le confort d’usage et nous sommes allés plus loin en nous souciant du personnel de service (le ménage, l’installation d’un lit médicalisé pour que ce soit le moins chronophage possible).

 L’ANAÉ passe dans une nouvelle dimension pour essayer d’impliquer plus collectivement les bénéficiaires et ses parties prenantes.

  • Quel est le plus gros défi que vous avez rencontré depuis la création de votre structure ?

 

Il y en a un et il est très concret. En 2003 nous gérions 283 lits sur 3 structures et en 2027, avec nos projets d’expansion, nous allons gérer près de 630 lits.  L’ANAÉ va doubler sa capacité d’accueil, donc le défi repose aussi sur le financement de cette croissance. Notre modèle économique est viable et robuste sur la partie fonctionnement mais pour le financement nous faisons appel à des levées de fonds, des subventions ou du mécénat et nous sommes en bonne voie pour y arriver. Notre optimisme est la clé !

  • Pourquoi avez-vous choisi de louer vos bureaux dans un tiers-lieu écoresponsable ETIC ?

 

Notre premier bureau ne reflétait pas vraiment l’image d’ANAÉ, il était sans âme. C’est quand je suis allé à un évènement du MOUVESS au WOOPA, que j’ai découvert ETIC et ses tiers-lieux comme de vrais espaces vivants ! Ce qui m’a attiré c’est l’identité ESS des organisations résidentes qui renvoie une image dynamique, jeune et qui porte des valeurs sociétales.

Après plus de 20 ans d’existence, la question s’est posée d’acheter nos bureaux et j’ai tout de suite été contre ! Nous avons beaucoup d’avantages et de bénéfices à travailler dans des bureaux ETIC ! On s’y sent bien, on a créé des collaborations, des synergies fleurissantes avec d’autres structures résidentes et ça n’a pas de prix !

Nous apprécions beaucoup le fait d’être associé dans les décisions (choix des prestations) et le rapport qualité/prix nous convient !

  • Pouvez-vous partager un moment marquant, une expérience mémorable ou une anecdote que vous avez vécu grâce à la communauté ou avec la communauté ETIC ?

 

Oui, j’ai une petite anecdote. Un jour, je sors de mon bureau tard le soir, il était 20h ou 21h et il y avait une soirée Drag Queen au rez-de-chaussée du bâtiment, à La Fabuleuse Cantine et je me suis dit que si je n’avais pas été là, je n’aurais jamais découvert cet univers. Ce lieu réserve toujours de bonnes surprises et c’est grâce à l’équipe ETIC et la gestionnaire du site qui propose un programme d’animations favorisant toujours les rencontres, comme les HÉVÉADES, par exemple (olympiades entre tous·tes les résident·es d’HÉVÉA) !

  • Professionnel engagé : Quels conseils donneriez-vous à d'autres organisations qui souhaitent se lancer dans votre secteur et/ou l’ESS ?

 

Si vous souhaitez vous lancer dans le secteur du tourisme adapté, j’aurais plutôt tendance à vous encourager mais il faut avoir une expertise et une expérience !

Ouvrir un lieu qui accueille un public handicapé comporte des problématiques d’organisation, de formation de personnel, de financement … Malheureusement cela ne se crée par comme ça. Alors mon conseil serait : « Faites-vous parrainer, entourez-vous pour avoir conscience des enjeux, des freins et des leviers pour le faire. »

  • Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu en tant que dirigeante ou membre de cette structure ?

 

C’est plutôt un conseil intérieur que je dis aux jeunes : « Ouvre tes chakras, n’aie pas peur ! Il y a tellement d’expériences à vivre et même si tu ne réussis pas, ce n’est pas grave. »

  • Comment voyez-vous l'évolution de votre secteur dans les prochaines années ?

 

Mon cœur balance, d’un côté je pense que le secteur doit se professionnaliser avec un meilleur encadrement et par la formation du personnel, mais de l'autre il ne faudrait pas que le secteur des vacances adaptées se transforme en proposition institutionnelle. Il est important de conserver cet aspect « on sort du cadre » pour vivre le séjour pleinement et garder l’essence du projet !

  • Quels sont vos objectifs et projets pour les prochaines années ?

 

Si on arrive à porter nos 5 autres structures au même niveau que notre centre de référence, à Pralognan-la-Vanoise, qui est dans un équilibre financier excellent et qui accueille tous types de personnes… alors « the job is done ».

L’autre objectif que nous avons, c’est notre changement d’échelle : se structurer, sans perdre l’âme du projet et la proximité avec les usager·ères, les familles, les partenaires.

  • Où est-ce qu’on peut vous retrouver pour suivre les actualités de votre structure ?

 

Sur Facebook où nous sommes très actifs.  

  • Un petit mot de la fin : Quel dernier message est-ce que vous aimeriez transmettre ?

 

Spontanément, j’ai envie de dire que je suis content d’être là, à HÉVÉA et heureux de participer aux actions du quartier, je me sens en phase !

J’aurais pu faire un autre métier et j’ai changé de voie sans vraiment m’en rendre compte et je me sens aligné avec mes convictions. Chez ETIC, je dirais qu’ANAÉ est à sa place !

Je finis en partageant une belle actualité : ANAÉ va fêter ses 70 ans en 2026 !


Comme ANAÉ, vous cherchez un espace de travail aligné à vos valeurs pour votre structure à impact (bureaux privatifs, poste en coworking, plateau aménageable, commerce...) ?

À Lyon, Paris, Montreuil, Lille, Nanterre, Castre... Il y a un forcément un espace pour vous ! Contactez l’équipe d’ETIC pour échanger sur votre projet.

 

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