Pour Alexandre Perra, lever les freins à l’emploi est « une condition de réussite de la transition écologique »
Jeunes en difficulté, femmes en reconversion, réfugiés, enfants éloignés des filières scientifiques… Alexandre Perra, directeur général de la Fondation groupe EDF, revient sur les actions menées pour lever les freins à l’insertion professionnelle et ouvrir les portes de l’entreprise à de nouveaux profils. Une démarche d’investissement solidaire, défendue comme une stratégie d’avenir pour réussir la transition écologique.

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La Fondation groupe EDF — forte d’un budget annuel de 10 millions d’euros — a choisi de faire de l’égalité des chances une priorité pour 2024-2028. Pourquoi ?
La mission de la Fondation, c’est de favoriser la transition écologique et sociale. Nous accompagnons des associations qui veulent s’engager à nos côtés dans cette perspective. L’un des enjeux pour réussir une transition juste, c’est la question des compétences : nous avons besoin de beaucoup de personnes, bien formées et motivées pour transformer la société. C’est vrai d’une manière générale, car tous les secteurs ont besoin de personnes engagées et motivées pour faire leur transition. Sans parler des métiers « verts », techniciens dans les énergies renouvelables ou la valorisation des déchets, spécialistes de la mobilité douce, de l’écoconstruction ou de la rénovation thermique, mais aussi dans le numérique responsable, dans l’énergie… Tous ces secteurs sont en tension et représentent des débouchés pour les publics éloignés de l’emploi.
Or, beaucoup trop de gens sont confrontés à des freins sociaux, économiques, géographiques, ou encore au handicap, voire leur accumulation. Quand on a une fragilité de départ, qu’on a traversé des accidents de vie, qu’on n’est pas né au bon endroit… on peut avoir besoin d’un accompagnement pour développer un parcours professionnel. Laisser ces personnes de côté, c’est se priver d’un réservoir de talents indispensables à la transition. En levant ces freins, on rend service aux individus, à la société et aux entreprises.
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Parmi tous les projets soutenus par la Fondation groupe EDF, lesquels vous semblent particulièrement représentatifs ?
Nous soutenons entre 250 et 300 projets par an. Chaque association soutenue joue un rôle dans l’écosystème de la réussite. Nous pouvons commencer très tôt l’accompagnement avec des associations comme Ensemble pour la petite enfance, qui permet d’aider des enfants dans des contextes difficiles à développer par le jeu des compétences psychosociales nécessaires à leur réussite scolaire ultérieure. On poursuit ensuite avec les élèves du primaire, avec des associations comme Énergie Jeunes, ou encore l’École des XV qui adopte l’angle du sport, notamment du rugby pour lutter contre le décrochage scolaire et développer ses compétences autrement qu’à l’école.
Nous soutenons des associations comme BecomTech qui vont valoriser ou revaloriser certains métiers, en travaillant sur les biais de genre afin de rapprocher les jeunes filles des métiers techniques et du numérique. L’Or dans les mains fait pour sa part découvrir les métiers manuels aux collégiens. Et parce qu’on n’en a jamais fini de lever des déterminismes de genre, nous accompagnons aussi des associations comme Social Builder, ou encore Impala, qui aide les femmes mal logées à développer leur projet professionnel.
Les personnes réfugiées sont un autre public que nous souhaitons aider : avec Pierre Claver et each One, nous leur donnons les moyens d’une insertion professionnelle durable.
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Du côté des entreprises comme EDF, les mentalités doivent-elles évoluer en matière de recrutement ?
L’entreprise s’ouvre à ces nouveaux profils en participant à l’insertion professionnelle des personnes qui veulent rejoindre EDF. La Fondation travaille main dans la main avec la direction des ressources humaines du groupe EDF et toutes ses filiales, pour faire en sorte que les associations qu'on accompagne puissent proposer à leurs bénéficiaires de franchir la marche d’après et voir si des débouchés sont possibles. Et nous le faisons aussi auprès d’autres entreprises dans une logique d’intérêt général. Cela passe aussi par l’engagement de nos salariés pour répondre aux besoins des associations. Beaucoup de nos collègues apportent leur aide pour animer un atelier de rédaction de CV ou simuler des entretiens…
EDF va devoir recruter près de 4000 personnes dans les prochaines années, en particulier des techniciens et des ingénieurs. Il est impératif d’élargir l’horizon de recrutement à des profils moins traditionnels. L’orientation de jeunes filles ou la reconversion de femmes vers les métiers techniques sont donc clés. Or, on sait qu’il y a un biais de représentation, et que les choses se jouent dans le rapport aux sciences dès le plus jeune âge ! À cela s’ajoute les freins inhérents aux lieux de naissance. C’est pourquoi nous sommes aussi très actifs dans les milieux ruraux ou les quartiers prioritaires de la ville… Il faut être présent partout et faire en sorte que chaque talent puisse se développer, car qui sait d’où peut surgir celui ou celle qui inventera l’avion à hydrogène ?
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Est-ce que la Fondation observe déjà les résultats de sa politique d’investissement solidaire ?
Quand les associations réussissent dans leur mission, nous réussissons avec elles. Nous les aidons, quand cela fait sens, à mesurer leurs résultats. Dans les domaines de l’éducation, ils sont visibles à long terme. Mais certaines associations comme Télémaque démontrent que leurs actions permettent à des jeunes qui auraient statistiquement moins bien réussis que la moyenne nationale à déjouer les déterminismes.
Lever les freins à l’employabilité nécessite de travailler ensemble : fondations, entreprises, associations, bénéficiaires, acteurs de l’emploi... Il convient de faire le tour du problème dans une logique systémique et de voir comment, on peut agir sur chacun des freins.